L’Inde critiquée par de nombreux pays musulmans après les propos d’un haut responsable, jugés « islamophobes »

Des monarchies du Golfe à l’Asie, les réactions se multiplient après les propos d’une porte-parole du parti nationaliste hindou.

Le Monde  – New Delhi tente de limiter les dégâts mais la tempête diplomatique se déchaîne. La liste des pays musulmans condamnant les propos d’une porte-parole du parti au pouvoir en Inde, à l’encontre de l’islam et du prophète Mahomet, ne cesse de s’allonger. Les monarchies du Golfe, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, l’Indonésie, le Pakistan, l’Afghanistan, les Emirats arabes unis ou encore les Maldives : au moins quinze pays ont déjà réagi aux déclarations de Nupur Sharma, suspendue le 5 juin par le Bharatiya Janata Party – Parti du peuple indien (BJP) – du premier ministre indien, Narendra Modi.

Selon les agences de renseignement, Al-Qaida dans le sous-continent indien (AQSI) menacerait de son côté, dans une lettre datée du 6 juin, de commettre des attentats-suicides à Delhi, à Bombay, dans l’Uttar Pradesh et dans le Gujarat dans le cadre de la « lutte pour l’honneur du Prophète ».

Les pays du Golfe ont été les premiers à s’indigner de ces commentaires qui portaient sur la relation entre le prophète et sa plus jeune épouse, Aïcha. Le Qatar et le Koweït ont convoqué dimanche les ambassadeurs d’Inde. L’Iran leur a emboîté le pas. Doha a même réclamé du « gouvernement indien des excuses publiques et une condamnation immédiate des remarques islamophobes ». Cette polémique a pris de l’ampleur dans le Golfe au moment même où le vice-président indien, Venkaiah Naidu, effectuait une visite au Qatar pour renforcer les liens entre les deux pays.

En Inde, la colère montait depuis plusieurs jours. Les remarques incendiaires, prononcées sur le plateau de la chaîne de télévision tapageuse Times Now, remontent au 26 mai. Le parti du premier ministre indien a donc attendu plus d’une semaine et les premières protestations internationales pour condamner « fermement les insultes à l’encontre de toute personnalité religieuse » et pour prendre des sanctions, saluées par le Qatar et le Koweit. Le parti nationaliste hindou a, en même temps que la suspension de Nupur Sharma, exclu Naveen Kumar Jindal, un autre responsable du BJP de Delhi, qui avait tweeté des propos similaires, avant d’effacer son post.

Recrudescence de la violence

Pour tenter d’endiguer la crise, les ambassades indiennes au Qatar et au Koweit ont affirmé que ces propos étaient ceux d’« éléments marginaux » et ne reflétaient pas l’opinion du gouvernement indien. Des déclarations aussitôt tournées en dérision par les commentateurs indiens, pour qui la médiatique Nupur Sharma ne pouvait être qualifiée d’élément marginal.

En dépit des mesures prises par le BJP et des déclarations de la diplomatie indienne, les réactions internationales s’accumulent. L’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui compte cinquante-sept Etats membres, a estimé que la polémique intervenait dans un « contexte d’intensification de la haine et des abus envers l’islam en Inde et d’actions systématiques contre les musulmans ». Face à l’OCI, le ministère des affaires étrangères indien n’a pas hésité à contre-attaquer, qualifiant les commentaires de l’organisation « injustifiés » et « étroits d’esprit ».

 

Depuis l’arrivée au pouvoir des nationalistes hindous en 2014, les violences contre les minorités religieuses, et plus particulièrement contre les 14 % de musulmans qui représentent quelque 200 millions de personnes, ont connu une recrudescence. Les critiques accusent le gouvernement de Narendra Modi de rester silencieux, encourageant, selon eux, les extrémistes hindous à s’en prendre aux minorités.

« Ce qui dérange les pays islamiques, ce n’est pas le sort des musulmans indiens mais ce qui a été dit de l’islam. Jusque-là, la politique intérieure de l’Inde n’avait jamais mis à mal sa politique étrangère mais cet incident a déjà nui à la réputation de l’Inde en tant que démocratie dans les pays du Golfe, avec qui les relations se sont développées au cours des dernières années », estime Happymon Jacob, fondateur du Conseil pour la recherche stratégique et de défense, un groupe de réflexion indien.

Partenaires commerciaux

Depuis 2014, le premier ministre Narendra Modi s’est rendu à plusieurs reprises dans la région, témoignant de sa volonté d’approfondir les liens avec le Golfe. Depuis plus de quinze ans, environ 60 % des importations de brut proviennent des pays du golfe Persique, selon une note de l’Observer Research Foundation, un centre de réflexion basé à New Delhi.

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Source : Le Monde (Le 08 juin 2022)

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