A Dakar, l’opposition menée par Ousmane Sonko dénonce dans la rue le rejet de sa liste pour les législatives de juillet

Le Conseil constitutionnel a jugé « irrecevable » la candidature des titulaires de la coalition au motif qu’elle avait investi deux fois la même candidate.

Le Monde  – Une démonstration de force sans débordement. Mercredi 8 juin, l’opposition sénégalaise a réuni des milliers de personnes à Dakar pour protester contre le rejet de sa liste nationale aux législatives du 31 juillet et dénoncer l’intention prêtée au président Macky Sall de briguer un troisième mandat en 2024.

La manifestation – à haut risque après les violences de mars 2021 qui ont fait une douzaine de morts – s’est déroulée dans une ambiance bon enfant selon l’AFP. Le principal opposant sénégalais, Ousmane Sonko, écarté du scrutin à venir, a été accueilli sous les vivats par la foule réunie sur la place de la Nation. « Nous lançons aujourd’hui notre précampagne, a-t-il déclaré. Notre seul ennemi est Macky Sall. »

 

Les manifestants ont dénoncé la décision prise, vendredi, par le Conseil constitutionnel de confirmer un arrêté du ministère de l’intérieur jugeant « irrecevable » la liste nationale des titulaires de la principale coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, menée par Ousmane Sonko, et à laquelle sont associées d’autres leaders comme Aïda Mbodj et Cheikh Tidiane Youm. Motif : la coalition avait investi deux fois la même candidate, Anta Touré, comme titulaire et suppléante.

« Décision inique »

Pour l’opposition, à l’origine du recours auprès des Sages, le verdict du Conseil vise à éliminer Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019 et candidat déclaré à celle de 2024. Un soupçon d’autant plus prégnant que la Direction générale des élections (DGE) est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, Antoine Félix Diome, réputé proche du président Macky Sall.

« Face à une erreur, les juges ont choisi d’obéir à celui qui les nomme, le président de la République, pour mener cette cabale contre l’opposition. Ils auraient pu rejeter la candidature qui posait problème et non la liste. C’est une décision inique qui torpille le droit », tempête Déthié Fall, placé en septième position sur la liste nationale et mandataire de la coalition Yewwi Askan Wi. A l’instar des autres candidats écartés, il sera remplacé par son suppléant.

Le 31 juillet, les Sénégalais éliront 150 députés selon un mode qui panache scrutin proportionnel avec des listes nationales pour 53 parlementaires, et scrutin majoritaire dans les départements pour 97 autres. La diaspora élit 15 députés.

 

La coalition de la majorité, Benno Bokk Yakaar, qui domine actuellement l’Assemblée, a elle aussi été sanctionnée par le Conseil constitutionnel, mais pour un motif différent. Sa liste nationale des titulaires a bien été validée, mais pas celle des suppléants car elle n’a pas respecté les règles de la parité hommes-femmes.

Malgré ce retoquage, Benoît Sambou, mandataire de la coalition du pouvoir, appelle à respecter la décision du Conseil. « Le droit a été dit. Tous les acteurs ont le devoir de s’y plier », défend-il. « Ceux qui crient à l’instrumentalisation de la justice par le régime manipulent l’opinion. Ce n’est pas le pouvoir qui a élaboré la liste invalidée. L’opposition a commis des erreurs. Pourquoi aurait-elle le droit de violer la loi et bafouer la démocratie ? »

« Institution décrédibilisée »

Alors que le Sénégal s’achemine vers une élection présidentielle en 2024 scrutée de près à cause des intentions prêtées au sortant de briguer un troisième mandat, la bonne tenue des législatives apparaît comme un test pour le pays. Certains observateurs s’inquiètent du risque de fortes tensions politiques suite à l’exclusion des ténors de l’opposition.

 

« Cette décision pose un problème juridique majeur. Dans la loi électorale, on ne parle pas de pluralité de listes mais de liste unique, composée de candidats titulaires et suppléants. Quel sens y a-t-il à maintenir des suppléants sans leurs titulaires ? », s’interroge Maurice Soudieck Dione, professeur agrégé de sciences politiques à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis. « L’institution judiciaire censée réguler le jeu politique se décrédibilise et fragilise la démocratie sénégalaise », alerte le chercheur.

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Source : Le Monde 

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