
Après trois années de gouvernance, le président mauritanien initie finalement une concertation nationale pour traiter de toutes les questions d’intérêt national sans tabous. La commission nationale préparatoire à ce sujet est à pied d’œuvre depuis plus d’une semaine à Nouakchott. Les thématiques retenues vont dans le sens de crever l’abcès après 62 ans de mal cohabitation.
Pour autant les observateurs sont dubitatifs sur les futures conclusions de ces assises nationales qui risquent d’accoucher d’une souris si les acteurs de la société civile des organisations non gouvernementales nationales et des syndicats sont exclus. Et même avec leur participation c’est le pouvoir qui a le dernier mot sur la mise en oeuvre des mécanismes des résultats du dialogue. Parmi les questions qui pourraient fâcher Ould Ghazouani le règlement du passif humanitaire, héritage du régime de Ould Aziz lequel l’a hérité de l’ancien président génocidaire OUld Taya, responsable des déportations de plus de 100000 négro-africains au Sénégal et au Mali en 1989 et de l’assassinat de 28 soldats noirs en 1991 à Inal, un crime contre l’humanité qui constitue un sérieux obstacle au dialogue à cause de la loi d’amnistie de 1993 qui protège ainsi les criminels présumés de l’armée.
Aucun président issu de l’armée ne se fera pas Hara Kiri en abrogeant cette loi. L’autre difficulté quasi insurmontable c’est la levée du mystère de l’endroit où sont enterrés ces soldats qui nécessitera des enquêtes libres et certainement très longues pour qu’enfin les veuves et orphelins fassent des sépultures dignes.
Au regard de ces montagnes à franchir, la réconciliation nationale devient une utopie. Par ailleurs, sur le plan démocratique, les conclusions finales pourraient se heurter au verrou électoral de la majorité qui ne voudra pas changer les règles du jeu en modifiant profondément le système électoral pour un conseil constitutionnel et un CENI inclusif parce que ce changement peut conduire à une alternance démocratique qui peut mettre en difficulté l’oligarchie militaire. Les présumés criminels militaires peuvent être traduits devant les tribunaux.
La deuxième analyse sur l’impuissance du dialogue à résoudre les problèmes économiques est relative à la gouvernance militaire dont les recettes autoritaires et confuses dans la gestion des finances publiques, est contraire de la démocratie et de l’Etat de droit. Toutes les richesses naturelles sont accaparées par l’élite dirigeante et une seule communauté complice d’un système corrompu qui a du mal à se débarrasser de forces clientélistes tribalistes et régionalistes qui agissent dans la proximité de la présidence et des autres rouages de l’Etat. Ce couvert politique est peu propice à une vision favorable aux secteurs vitaux de l’économie en particulier l’agriculture et l’Elevage, la pêche et les industries extractives, secteurs bradés par l’Etat au profit d’investisseurs nationaux et étrangers.
Le dialogue ne règle pas la pauvreté des Mauritaniens encore moins les mesures d’aide sociale qui ne font que grever le trésor public, près de 280 milliards d’ouguiya en 2022 sur fond d’une inflation de plus de 140 pour cent. Les problèmes économiques sont structurels. La solution est structurelle pour tous les secteurs. Une bonne gouvernance économique relève d’une vision partagée par tous les Mauritaniens.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
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