Mais pourquoi les Français ne sont jamais contents ?!

Slate – Macron était à peine élu que déjà, on annonçait que le pire était à venir. Comme si la France était condamnée au malheur et au désespoir.

Macron à peine élu que déjà de toutes parts les critiques pleuvaient. Marine Le Pen voyait dans sa défaite la preuve de sa victoire éclatante, Mélenchon mélenchonisait en soulignant que jamais depuis la naissance de l’univers on n’avait vu un président si mal élu, Zemmour bafouillait un discours auquel on n’entravait rien et sur le Champ-de-Mars, de peur de froisser le peuple affamé, c’est à peine si on osait célébrer la victoire de son poulain.

Sur les réseaux sociaux, on s’écharpait à tout va, les gauchistes comme les nationalistes, la confrérie des perdants dont on entendait les éructations monter jusqu’à ce qu’elles finissent par éclater en un seul outrage, celui que Macron était bel et bien un fils de p…, un enc… à qui on promettait de régler son compte sitôt l’amertume de la défaite passée.

Les Français ont le culte du malheur. À les entendre, ils vivent dans un pays qui ressemblerait à une vision non expurgée de l’enfer, un pays où rien ne va jamais, où tout, absolument tout, part à vau-l’eau, l’université comme l’hôpital sans parler du prix du camembert qui a quintuplé depuis que l’euro a supplanté le franc et qu’une violence endémique due à une immigration de métèques ensauvagés endeuille chaque jour un peu plus villes et villages de France.

Il est fort possible qu’un Ukrainien qui passe ses journées à se terrer dans sa cave affiche un degré d’optimisme dans l’avenir plus élevé qu’un Français affalé devant son téléviseur. C’est à se demander si ce peuple fut jamais heureux. S’il n’existe pas chez lui comme une propension au malheur, au catastrophisme, à une vision de l’existence qui serait celle d’un malade en phase terminale. Et encore ce dernier peut-il rêver à un remède miracle tandis que le Français, lui, sait de toute éternité que c’est foutu de foutu.

Cette addiction au malheur, cette croyance qu’on vit dans un pays gangrené par la violence et la pauvreté, explique en partie que plus de treize millions de citoyens français ont eu la riche idée de déposer dans l’urne un bulletin pour le Rassemblement national.

Quand on espère plus rien de rien, lorsqu’on arrive à se persuader que sa vie est une suite ininterrompue de désastres, la tentation du suicide n’est jamais très loin. Et qu’est-ce de voter pour un parti aussi mortifère que le Rassemblement national si ce n’est une manière plus ou moins déguisée de créer les conditions de sa propre disparition, de son propre effacement?

C’est le grand danger qui guette la France dans les années à venir. À force de tout peindre en noir, d’attendre de l’État à peu près tout, de passer son temps à se plaindre et à envier le sort de son voisin, de considérer l’étranger comme la cause de tous ses problèmes –réels ou prétendus– on finit par éteindre en soi toute appétence pour le bonheur, tout goût de profiter de l’existence comme elle se présente –les gens humbles sont toujours les personnes les plus heureuses qui soient.

C’est ainsi que le populisme prospère. Quand la nation perd confiance en son propre destin, qu’elle ne parvient plus à trouver un socle commun pour avancer de concert. Qu’elle passe son temps à se déchirer au lieu d’unir ses forces. Qu’elle s’abîme dans une tristesse chagrine d’où elle n’arrive plus à sortir tant elle est persuadée que l’avenir ne peut être qu’un océan de déconvenues.

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Ce n’est pas une question de pouvoir d’achat ou de plus juste répartition des richesses, c’est encore autre chose, la volonté de croire en son propre avenir. C’est le sourire que le président Macron doit redonner aux Français, l’envie d’avoir envie, la force nécessaire pour penser un futur qui soit autre chose qu’une lente descente vers les abîmes.

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Laurent Sagalovitsch

Source : Slate (France)

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