La Russie renforce son arsenal législatif contre les “fake news”

Courrier international  – Le Parlement russe a voté des amendements introduisant des amendes et des peines de prison pour tout étranger ayant “violé les droits et libertés des ressortissants russes”, ainsi que pour tout ressortissant ou résident russe ayant diffusé des informations jugées “mensongères” sur l’armée nationale.

Après les consignes, les sanctions. Le 4 mars, la Douma, chambre basse du Parlement russe, a adopté plusieurs textes encadrant la diffusion d’informations et permettant de sévir contre les “intérêts étrangers” dans le pays.

Comme le rapporte le quotidien moscovite Izvestia, le 4 mars, les députés ont adopté des amendements au code pénal concernant “la répression des fake news, la discréditation des forces armées russes et les appels à des sanctions [contre la Russie]”. Ces textes s’appliquent à toute la population russe, et non plus aux seuls journalistes et responsables éditoriaux.

“La diffusion publique d’informations délibérément fausses sur l’armée russe est passible d’une amende de 700 000 à 1,5 million de roubles [entre 6 000 et 12 000 euros] ou l’équivalent du montant des revenus de la personne condamnée pour une période pouvant aller jusqu’à dix-huit mois”, explique Izvestia. En outre, les contrevenants peuvent être condamnés à “des peines de travaux d’intérêt général pouvant aller jusqu’à trois ans, ou d’emprisonnement pour la même période”.

 

De nouveaux médias frappés

 

La diffusion de “fausses informations” sur les forces armées russes “avec création artificielle de preuves ou motivée par la haine ou l’inimitié peut être punie d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans”, dispose la loi. Si ces informations jugées mensongères “ont entraîné des conséquences graves”, la sanction inclut alors “une peine d’emprisonnement de dix à quinze ans”.

Par ailleurs, les mesures restrictives visant à lutter contre les “fausses informations” (ou du moins définies comme telles par Moscou) diffusées en Russie s’appliquent à un nombre croissant de médias. Le journal russe Kommersant informe que le parquet général a restreint l’accès au site russe Meduza.ru (inscrit au registre des “agents de médias étrangers”), ainsi qu’à ceux de la BBC (Royaume-Uni), de la Deutsche Welle (Allemagne), et des médias Radio Free Europe/Radio Liberty (financé par le Congrès américain) et Voice of America (contrôlé par l’État américain).

“L’article 15.3 de la loi sur l’information indique que l’accès aux sites web peut être restreint s’ils diffusent, entre autres, des appels à des troubles de masse et à des activités extrémistes”, précise le titre.

 

Saisie d’actifs financiers

 

Les députés ont par ailleurs voté des mesures visant à agir contre “les personnes impliquées dans des violations des droits et libertés de l’homme et des citoyens de la Fédération de Russie”, et voté des amendements au texte sur la “procédure de sortie et d’entrée dans la Fédération de Russie”, rapporte le site russe Eurasia Daily.

“Il est désormais possible de frapper de sanctions tout étranger, y compris les apatrides”, décrypte le site, précisant que ces sanctions ne s’appliquaient auparavant qu’aux ressortissants américains. Concrètement, les mesures interdisent aux étrangers tombant sous cet amendement “d’entrer sur le territoire russe” et permettent “la saisie de leurs actifs financiers et physiques en Russie”, poursuit le même média.

La loi introduit l’interdiction pour ces étrangers de “toute transaction portant sur des biens et des investissements”, poursuit Eurasia Daily, et suspend “les activités des personnes morales sous contrôle [de ces étrangers], ainsi que leurs pouvoirs dans les conseils d’administration ou autres organes de gestion” sur le territoire de Russie.

Le site indique toutefois que la loi “n’étend pas les restrictions aux organisations à but non lucratif impliquées dans des activités politiques” en Russie.

Cette censure à peine déguisée porte déjà ses fruits : le site indépendant Novaia Gazeta a annoncé dans l’après-midi, par un communiqué et un tweet de son rédacteur en chef, le prix Nobel de la Paix Dmitri Muratov, retirer ses articles sur les sujets “sensibles” :

“La censure militaire en Russie est rapidement passée à une nouvelle phase : de la menace de blocage et de fermeture de journaux (presque pleinement mise en œuvre), elle est passée à la menace de poursuites pénales à l’encontre des journalistes et des citoyens qui diffusent des informations sur les hostilités militaires qui différeraient de celles des communiqués de presse du ministère de la Défense”, indique le communiqué, dont le Guardian reprend des extraits dans son live.

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Source : Courrier international (Le 04 mars 2022)

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