La Russie intensifie ses attaques en Ukraine

Les bombardements se multiplient dans Kharkiv et une longue colonne de chars se dirige vers Kiev, même si les Russes se heurtent à une forte résistance ukrainienne.

Le Monde – Malgré un calme apparent autour de la capitale, Kiev, l’évolution de la situation militaire a été marquée, lundi 28 février, par des bombardements russes d’une intensité inédite dans la deuxième ville du pays, Kharkiv, située à 30 kilomètres de la frontière avec la Russie. Selon les autorités régionales, au moins onze civils y ont été tués, alors que se tenait, au même moment, un premier cycle de négociations entre des délégations russe et ukrainienne, près de la frontière biélorusse.

Un missile russe a frappé la place de la Liberté, lieu symbolique où est installée la tente jaune et bleu des militants d’Euromaïdan, du nom de la révolution proeuropéenne de 2014, au pied des bâtiments administratifs. Selon le journaliste et militant ukrainien Volodymyr Tchistiline, présent sur place, « la tente a été fortement endommagée », mais il n’y aurait pas de victime.

« Des gens aux métiers paisibles sont allés se battre »

Des quartiers résidentiels ont également été touchés. L’usage d’armes à sous-munitions, particulièrement dévastatrices dans les zones habitées, a été documenté à plusieurs reprises. « Un tribunal international devra certainement juger ce crime. C’est une violation de toutes les conventions, a dénoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Personne au monde ne vous pardonnera d’avoir tué des Ukrainiens pacifiques. » En cinq jours, cinquante-six frappes de missiles et cent treize missiles de croisières ont été lancés sur l’Ukraine, selon le chef de l’Etat. « Voilà à quoi ressemble l’amitié fraternelle », a-t-il ironisé, en référence au discours de Vladimir Poutine selon lequel Russes et Ukrainiens forment « un seul peuple ».

 

« Le bombardement d’aujourd’hui a montré qu’il ne s’agit pas d’une opération militaire, mais d’une guerre visant à détruire le peuple ukrainien », a renchéri le maire de Kharkiv, Ihor Terekhov. La Russie dit vouloir épargner les civils. Il n’y a pourtant aucune installation militaire à Kharkiv, selon les autorités. « Les Russes frappent très fort et de manière de plus en plus indiscriminée », a relevé une source militaire occidentale.

« Les Russes se trompent complètement sur nous. Ils pensaient que la population locale les accueillerait avec des fleurs. » Oleksandr Vorobey, entrepreneur

Peuplée de 1,4 million d’habitants en majorité russophones, Kharkiv oppose depuis le début de l’offensive une résistance à laquelle les soldats russes ne s’attendaient visiblement pas. En 2014, la ville a failli subir le même sort que les régions de Donetsk et Louhansk, tombées aux mains des séparatistes prorusses, soutenus par Moscou. Mais, comme ailleurs en Ukraine, les huit ans de guerre dans le Donbass y ont forgé un sentiment d’appartenance nationale qui pousse aujourd’hui nombre de ses habitants à défendre farouchement l’indépendance de l’Ukraine.

« Les Russes se trompent complètement sur nous. Ils pensaient que la population locale les accueillerait avec des fleurs, parce qu’elle est majoritairement russophone, écrit au Monde, d’un abri antibombes, Oleksandr Vorobey, entrepreneur de 40 ans installé à Kharkiv. Mais ici, c’est la terre des Cosaques ! Des gens aux métiers paisibles sont allés se battre. » M. Vorobey fait partie des volontaires qui combattent aujourd’hui avec l’armée dans la ville. Il raconte la terreur des habitants, leur colère, mais aussi leur détermination : « Les gens sont très nombreux à rejoindre les forces de défense territoriale. La ville entière déteste les Russes, maintenant. »

Des secouristes interviennent dans un bâtiment endommagé par un missile, dans le centre de Kharkiv, en Ukraine, le 1er mars 2022.
Le corps d’un soldat russe, près d’une école détruite à la suite de combats non loin du centre de la ville ukrainienne de Kharkiv, le 28 février 2022.

Tandis que les soldats ukrainiens et les volontaires continuent de défendre la ville, les civils, tenus de rester calfeutrés chez eux, subissent les affres d’un quotidien désormais rythmé par le bruit des bombes. « Les enfants vomissent de peur », témoigne Alla Feschenko, responsable associative, de l’abri antibombes attenant à sa maison, où elle est terrée avec des voisins, ses proches et son petit-fils. « Il a 4 ans et comprend déjà, lorsque les Russes tirent, comment s’asseoir et où se cacher. Il connaît maintenant les mots : “sirène”, “bombardement”, “guerre”. J’ai la nausée en permanence », écrit-elle au Monde.

Une image de résistant héroïque

A Kiev, si la journée de lundi s’est avérée relativement calme, de fortes explosions ont été signalées en début de

soirée. La domination de Moscou apparaît moins écrasante qu’anticipé et le maintien des forces ukrainiennes dans leur capitale a permis de projeter l’idée d’une résistance jusqu’à présent victorieuse. En restant sur place malgré la menace le visant directement, le président ukrainien, qui ne cesse d’utiliser les réseaux sociaux depuis le début de la guerre, se taille une image de résistant héroïque. La stratégie ukrainienne de communication, qui met en avant chaque succès de ses forces, tranche avec la discrétion de la Russie, où la guerre est quasi invisible dans les médias. L’armée russe a seulement reconnu, dimanche 27 février, pour la première fois, avoir des morts et des blessés, sans pour autant donner de chiffres.

Des photos satellites montrent, mardi, un convoi russe s’étirant sur des dizaines de kilomètres et progressant lentement vers la capitale

La capitale ukrainienne reste toutefois le principal objectif des forces russes, qui s’emploient à en contrôler tous les abords, même si sa prise s’est avérée moins rapide qu’espéré à Moscou. Des photos satellites montrent, mardi, un convoi russe s’étirant sur des dizaines de kilomètres et progressant lentement vers la capitale. Aux yeux d’un certain nombre d’experts, la chute de Kiev semble acquise à plus ou moins court terme. Moscou pourrait être tenté de l’obtenir en changeant de méthode maintenant qu’une victoire éclair est écartée, quitte à assumer un degré supérieur de destruction. Lundi soir, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a d’ailleurs annoncé que l’ambassade de France en Ukraine était sur le point d’être transférée de Kiev vers Lviv, dans l’ouest du pays, où siègent déjà de nombreuses représentations diplomatiques.

Selon un observateur militaire français, les forces russes continuent notamment de dominer presque intégralement le ciel ukrainien. Cet interlocuteur n’exclut pas non plus un débarquement de troupes par la mer sur le flanc méridional du pays, où le port de Marioupol a subi, lundi, de nouvelles attaques. La prise de cette ville et de ses environs, toujours aux mains des forces ukrainiennes, permettrait de faire complètement de la mer d’Azov un lac russe, en reliant par le nord la région russe de Rostov-sur-le-Don à la Crimée, annexée par Moscou.

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Source : Le Monde

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