Musa Barrow, le « Cristanio Ronaldo gambien » qui évolue en Italie

Info MigrantsParmi les stars de la Série A, la première division du championnat italien de football, le milieu offensif du FC Bologne Musa Barrow commence à se faire une place d’étoile montante. Figure de proue de la sélection gambienne qui a brillé durant la dernière Coupe d’Afrique des Nations, Barrow veut attirer l’attention sur le sort de milliers de jeunes Africains qui tentent, au péril de leur vie, de rejoindre le Vieux Continent.

Sadio Mané contre Mohamed Salah. L’affiche dont tout le monde rêvait est devenue réalité lors de la dernière finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui s’est conclue en terres camerounaises par le tout premier succès de l’histoire pour le Sénégal dans le tournoi continental. Mais derrière les deux stars de Liverpool, plusieurs étoiles montantes du football africain ont aussi permis à leur pays de faire parler d’eux. Parmi elles, le milieu offensif des « Scorpions » de Gambie, et joueur du club italien du Bologna FC, Musa Barrow. Tête de gondole de l’une des formations surprises du tournoi, Barrow a marqué la compétition de sa superbe patte droite. Mais pour en arriver là et vivre ses rêves de ballon rond, le jeune footballeur gambien a dû vivre bien des épreuves, qui ont construit son parcours exemplaire.

Musa Barrow est né à Banjul, la capitale de la Gambie, en novembre 1998 dans une famille de quatre enfants où sa mère Anah, qui travaille dans une école d’un quartier pauvre de la ville, tente difficilement de joindre les deux bouts. Son père décède alors qu’il n’a que quatre ans.

À l’époque, le bonheur du petit Musa vient de sa passion, de son premier amour, le ballon rond. « Mais attention », sourit-il encore au souvenir de ses premiers coups de pied, « ce ballon était une boule fabriquée par mes amis et moi-même avec des bouts de tissus, que l’on récupérait dans la rue. S’il pleuvait, le ballon était plus lourd et plus difficile à jouer, nos pieds étaient couverts d’égratignures, mais on s’en fichait. On était ensemble, innocents, et notre esprit n’était pas focalisé sur le fait de savoir si on allait manger à notre faim le soir-même. On était jeunes et notre bonheur venait de ces moments-là », se remémore Barrow, 20 ans plus tard.

 

Le clan Barrow se serre les coudes, et les enfants tentent d’aider la famille en vendant des bonbons et des mouchoirs dans la rue. « Je n’ai pas eu de paire de chaussures neuves avant mes 9 ou 10 ans. On récupérait des vieilles paires que l’on rafistolait. C’est la dure loi de la pauvreté, la débrouille est primordiale, précise-t-il. En regardant dans le rétroviseur, je pense que ma technique balle au pied vient en grande partie de ce ballon en tissu. Ce genre de moment a construit ce que je suis aujourd’hui, et sans cela, je ne serais peut-être jamais arrivé où j’en suis maintenant. »

 

« On voulait aller en Europe, mais on n’avait pas d’argent pour les passeurs »

 

Les Barrow tentent de trouver une issue à leur quotidien difficile, mais les solutions ne sont pas légion. La cheffe de famille pense à l’Europe, pour offrir un avenir meilleur à ses enfants et à elle-même. Les moyens sont très limités, et malgré plusieurs discussions avec des passeurs pour rejoindre le Vieux Continent, la famille reste à quai, par manque de fonds pour payer leur voyage vers une nouvelle vie.

« On voulait aller en Europe, faire comme des milliers de Gambiens, filer vers l’Allemagne, l’Angleterre voire le sud de l’Europe, mais on n’avait pas d’argent, et le fait de demander des fonds à d’autres personnes a toujours été contre les valeurs inculquées par ma mère », explique Musa. « Nous sommes donc restés au pays, dans les mêmes conditions, sans alternatives. »

Le jeune Musa est enfant mais garde l’Europe en ligne de mire. « Je savais juste qu’il fallait que je continue à travailler, à être studieux à l’école. Par un moyen ou par un autre, je savais que mon futur s’inscrivait en Europe, pour les études ou pour le football. J’ai toujours été déterminé, concentré à fond sur cela. »

À 11 ans, Musa Barrow est recruté par l’une des meilleures équipes locales, les Hawks FC, qui le repère lors d’une journée de détection dans les quartiers de Banjul. Là, il découvre les entraînements spécifiques. Il s’impose sans attendre avec les moins de 15 ans, évoluant avec des joueurs ayant en moyenne trois ans de plus que lui.

« Dès que j’ai été recruté par les Hawks, je me suis mis bille en tête de tout donner, de surpasser tous mes coéquipiers et d’apprendre un maximum. J’étais en mode « apprentissage accéléré ». Je faisais des heures supplémentaires d’entraînement, je regardais les adultes s’entraînaient, et je mettais tous les éléments de mon côté pour progresser à vue d’œil », raconte-t-il.

 

L’arrivée en Italie

 

Il poursuit en évoluant avec les moins de 19 ans, toujours en étant le plus jeune joueur du groupe, jusqu’au jour où, lors d’un tournoi avec d’autres équipes de la région, un recruteur européen l’approche. Cet homme, c’est Giovani Savaresto, un féru de football venu d’Italie qui supervise les talents issus de l’Ouest africain. « Musa, c’est comme un fils pour moi, je n’oublierai jamais notre première rencontre », se rappelle le Transalpin. « Il a souri, a été très poli. Il ne m’a fallu que quelques minutes pour remarquer son talent pur, son aisance technique si rare. C’était un diamant brut, qui pouvait faire de grandes choses. »

Savaresto fait des pieds et des mains pour lui trouver des essais dans plusieurs clubs d’Italie. Mais l’obtention d’un visa est un véritable chemin de croix, les sésames étant difficiles à obtenir pour les jeunes issus de Gambie, pays considéré comme trop rarement pourvoyeur de talents contrairement au voisin sénégalais. Après des semaines de discussions avec l’ambassade italienne, Barrow est autorisé à se rendre dans la Botte et Savaresto lui fait faire des tests aux quatre coins du pays.

De Rome à Palerme, en passant par Florence, le jeune Africain veut taper dans l’œil des clubs et ça marche : plusieurs d’entre eux lui proposent d’intégrer leur centre de formation. Souci : étant mineur, les formalités administratives sont longues, et plusieurs équipes renoncent à le recruter. « La peur d’être expulsé ou qu’aucun club n’ait la patience d’attendre la régularisation de ma situation était très présente dans mon esprit. Je devais attendre, continuer à m’entraîner seul pour me maintenir en forme, en espérant qu’un club me fasse signe », se souvient le talentueux milieu de terrain.

Cinq mois après son arrivée en Italie, le téléphone sonne. Barrow reçoit une offre formelle de l’Atalanta Bergame, qui possède l’un des meilleurs centres de formation du pays : le club souhaite l’intégrer au printemps 2017. Le jeune Africain est soulagé, la première étape de son rêve européen s’ouvre à lui.

Musa Barrow avec son club du Bologna FC. Crédit : Giuseppe Bartola/Calcio Sport IT
Musa Barrow avec son club du Bologna FC. Crédit : Giuseppe Bartola/Calcio Sport IT

 

« Il m’a appelé, il était fou de joie, comme libéré de quelque chose », se rappelle Omar Colley, joueur de la Sampdoria de Gênes et premier Gambien à évoluer en Série A italienne. « Il voyait la porte s’ouvrir enfin, et n’avait qu’une hâte : montrer qu’il pouvait être un joueur professionnel. Il a fait beaucoup de sacrifices, il a passé beaucoup de temps à travailler seul dans son coin, en attendant que ce téléphone sonne. Il attendait une seule opportunité pour la croquer à pleine dents. Dès que l’offre de l’Atalanta Bergame a été officialisée, je savais qu’il allait tout casser dans ce club », continue celui qui est le mentor de Barrow.

Colley avait vu juste : en 15 matchs, son jeune compatriote marque une bonne dizaine de buts avec l’équipe Primavera (la formation des moins de 19 ans, ndlr).

 

« Sauce bolognaise » et idole des Gambiens

 

Début 2018, le jeune poulain est lancé dans le grand bain face à la grande… Juventus de Turin. Le rêve de Barrow devient réalité : après une belle prestation de sa part, il intègre définitivement l’équipe senior de Bergame. À 18 ans et 3 jours, il devient le troisième plus jeune joueur africain à évoluer dans l’échelon principal du football italien. « Je n’oublierai jamais ce jour-là. J’ai le maillot de ce premier match encadré chez moi. Après mes premiers pas en pro, je ‘flottais dans les airs' », rit-il encore aujourd’hui. Il effectue deux saisons avec l’Atalanta, puis part en prêt avec une obligation d’achat de 13 millions d’euros au Bologne FC à l’hiver 2020.

 

Dans la ville d’Émilie-Romagne, Barrow explose et devient le meilleur joueur de la formation au maillot grenat où les supporters le surnomment « sauce bolognaise » pour son jeu très technique qui régale les « tifosi » (supporters en italien) locaux. Avec huit buts en 22 matchs depuis le début de la saison, le Gambien devient l’un des meilleurs milieux offensifs de Série A, et suscite la convoitise de plusieurs clubs du championnat anglais.

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Michaël Da Costa

Source  : Info Migrants

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