L’Allemagne s’interroge sur le maintien de sa présence militaire au Mali

Plutôt qu’un départ total, l’Allemagne pourrait opter pour une voie intermédiaire en continuant à participer aux missions de la Minusma.

Le Monde  – Le gouvernement allemand ne s’en cache pas. Depuis quelques semaines, plusieurs de ses membres s’interrogent publiquement sur l’opportunité de maintenir la présence de la Bundeswehr au Mali : environ 1 300 soldats au total, dont les trois quarts sont déployés au sein de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), un quart participant à la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM-M).

« Dans la situation actuelle, je me demande si nous pouvons poursuivre notre engagement [au Mali] », a déclaré la ministre de la défense, Christine Lambrecht, le 7 février, dans une interview au groupe de presse Funke. « Au vu des récentes décisions prises par le gouvernement malien, nous devons honnêtement nous demander si les conditions nécessaires à la réussite de notre engagement sont toujours réunies », avait affirmé la ministre des affaires étrangères, Annalena Baerbock, le 2 février, dans une interview au quotidien Süddeutsche Zeitung. La chef de la diplomatie allemande réagissait notamment à l’expulsion de l’ambassadeur de France à Bamako, Joël Meyer, annoncée trois jours plus tôt par les autorités maliennes.

 

La Bundeswehr doit-elle rester au Mali ? A vrai dire, la question n’est pas nouvelle. « En Allemagne, le débat a commencé après le coup d’Etat de 2020 [qui a conduit au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir depuis 2013], rappelle la commissaire parlementaire aux forces armées, Eva Högl. « La discussion a ensuite été relancée après le deuxième coup d’Etat, en mai 2021, mais elle a surtout gagné en intensité ces dernières semaines après l’expulsion de l’ambassadeur français, mais aussi à cause de différents signes montrant que les forces internationales ne sont manifestement pas souhaitées par le gouvernement malien, comme le recours aux mercenaires du Groupe Wagner ou le renvoi des troupes danoises qui devaient rejoindre le Mali [fin janvier]. »

Mises en garde

Dans ce contexte, la décision prise par la France de se retirer du Mali, jeudi 17 février, pourrait conduire l’Allemagne à remettre en question, elle aussi, le déploiement de ses soldats dans le pays. « Par sa présence, la France contribue de façon indispensable à la sécurisation des missions auxquelles nous participons. (…) Sans la France, il est difficilement envisageable de rester au Mali », a déclaré Mme Lambrecht dans son entretien aux journaux du groupe Funke.

 

Même s’il est de plus en plus sérieusement envisagé, le départ de la Bundeswehr du Mali – principal terrain d’opération de l’armée allemande depuis la fin de l’intervention en Afghanistan, à l’été 2021 – est toutefois loin de faire consensus en Allemagne, où plusieurs voix se sont récemment élevées pour mettre en garde le gouvernement contre les conséquences négatives d’un tel retrait.

« Un retrait brutal de la Bundeswehr ne ferait qu’accroître les problèmes. C’est une des leçons de ce qui s’est passé en Afghanistan », Mathias Mogge, de l’ONG Welthungerhilfe

C’est le cas, par exemple, de la Welthungerhilfe (« aide contre la faim dans le monde »), une des grandes ONG allemandes, présente au Mali depuis les années 1960. « Malgré tous les problèmes qu’il y a au Mali et dans la région, l’Allemagne ne peut pas se permettre de s’en aller, mais elle doit au contraire soutenir activement les forces pacifiques et la société civile. Un retrait brutal de la Bundeswehr ne ferait qu’accroître ces problèmes. C’est une des leçons de ce qui s’est passé en Afghanistan », a déclaré le secrétaire général de l’ONG, Mathias Mogge, mardi 15 février.

Pour justifier le maintien de la Bundeswehr au Mali, la Welthungerhilfe avance une autre raison : « L’Allemagne n’a pas de passé colonial au Mali et doit par conséquent s’appuyer sur sa bonne réputation qu’elle a dans le pays pour jouer un rôle de médiateur honnête. » Dans un rapport de quatre pages publié mardi, le directeur du bureau de la Fondation Konrad Adenauer à Bamako, Ulf Laessing, met lui aussi cet argument en avant : « L’Allemagne continue de jouir d’une excellente réputation au Mali. (…) Il faut bien sûr réfléchir à améliorer les conditions de notre engagement et s’interroger sur une stratégie de sortie. (…) Mais malgré toutes les critiques que l’on peut faire sur cette intervention, le fait est que, sans la mission des casques bleus, la situation sécuritaire serait pire qu’aujourd’hui et le développement des groupes djihadistes encore plus important. »

Calendrier serré

Plutôt qu’un départ total et rapide, l’Allemagne pourrait opter pour une voie intermédiaire : continuer à participer à la Minusma, mais se désengager de l’EUTM-M. « Nous devons nous demander si cela a du sens de continuer à entraîner les forces de sécurité d’un gouvernement qui n’a pas été officiellement élu », explique Mme Högl, qui insiste sur la nécessité de « distinguer très nettement les deux missions ».

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Source : Le Monde

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