Mauritanie : deux ans après l’élection de Ould Ghazouani, l’espoir d’un État de droit s’éloigne

A quelques jours du 2ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Ould Ghazouani le 1er août prochain, les observateurs s’interrogent sur une gouvernance mitigée avec des réformes politiques et économiques qui peinent à décoller sur fond d’une gestion de la covid-19 loin de faire l’unanimité au sein de l’opinion publique, de l’adoption de lois liberticides et enfin de la détention préventive de l’ex-président Ould Aziz.

Deux ans après son élection, le président mauritanien ne fait plus l’unanimité au sein de la classe politique notamment de l’opposition qui pointe la continuité autrement du régime de Ould Aziz. Sa gouvernance ressemble fort à un condensé d’une politique sociale et économique exacerbée par la crise sanitaire provoquée par la covid-19 et une politique confuse et autoritaire sur fond d’un recul démocratique et des interrogations sur l’Etat de droit avec des lois liberticides comme en témoigne l’adoption du projet de lois sur la cybercriminalité qui mettent en lumière des délits de l’offense  du président de la république, des symboles nationaux et le moral des forces armées et de sécurité.

Et également la loi sur la double nationalité qui empêche aux impétrants d’accéder à la fonction publique et d’être des citoyens à part entière. Une exclusion d’un million de mauritaniens de l’étranger à la construction nationale. Cet embrouillamini de lois ramène la Mauritanie à des siècles en arrière et ouvre la voie à la sacralisation de la fonction du chef de l’Etat propre aux régimes monarchiques du golfe. C’est un passage marquant de ce deuxième anniversaire qui confirme ce que les observateurs ont pressenti après une année, un mode de gouvernance autoritaire sous vernis démocratique.

Après deux ans de gouvernance, l’Etat de droit fait place à un Etat policier. C’est sur la gestion des finances publiques que beaucoup d’efforts ont été faits. Le redressement économique est en bonne voie avec une volonté politique de lutter contre la gabegie et la corruption symbolisée par l’affaire de la décennie de Ould Aziz en détention préventive mais celle de la covid-19 est largement critiquée par l’opposition qui a rompu l’union sacrée après la première vague faute de transparence financière. Le coronavirus aura montré un système de santé publique déficient dans tous les domaines et trop dépendant de l’aide généreuse chinoise en matériel médical et en vaccins.

En réalité, c’est la méthode du discours qui a changé. Ce n’est certes pas étonnant pour le chef de l’exécutif d’inciter en permanence les exécutants c’est-à-dire les ministres à produire des résultats de l’exécution de leurs missions. C’est l’une des faiblesses de ce gouvernement technocratique qui met du temps à atteindre la vitesse de croisière des réformes en cours sur l’éducation nationale confrontée à des grèves fréquentes des enseignants, des professeurs et des étudiants. Sur la décentralisation avec l’installation depuis 2019 des conseils régionaux qui peinent à jouer leur rôle de proximité avec les populations qui font face à des problèmes d’eau et d’électricité et à l’accaparement des terres agricoles par l’Etat pour les populations de la vallée. Ould Ghazouani incarne depuis deux ans un pouvoir fort marqué par des répressions policières contre les citoyens.

En première ligne, les enseignants de l’éducation nationale, les médecins et les auxiliaires de la santé, les travailleurs des ports et des industries extractives. Ces vents debout contre la politique du gouvernement sont révélateurs du malaise social et du difficile dialogue social avec les syndicats du pays et de l’absence de dialogue politique avec l’opposition.

Cependant un satisfecit au président mauritanien qui a mis en place un fonds de solidarité sociale depuis 2019 pour lutter contre les implications économiques et sociales du coronavirus et qui vient d’enregistrer un solde de près de 20 milliards d’anciennes ouguiya en 2021. De quoi faire face à la troisième vague plus forte déjà présente dans le pays avec un variant Delta qui fait augmenter les contaminations et les décès.

C’est le programme « TAAZOUR » contre la pauvreté qui donne plus de satisfaction avec le lancement d’une assurance maladie complète et gratuite pour 100000 ménages les plus pauvres et plus de 210 000 ménages ont reçu leurs transferts d’argent pour faire face aux effets de la crise sanitaire. Sur un autre chapitre, le chef de l’Etat mauritanien peut être fier de la relance des infrastructures routières, talon d’Achille des gouvernements précédents dans ce secteur longtemps dernier de la classe dans la sous-région en matière de routes asphaltées. La perspective de doter Nouakchott d’un échangeur et 3 ponts ainsi que d’autres axes routiers à l’intérieur du pays va dans le sens de corriger cette mauvaise image qui colle à tous les gouvernements précédents depuis 78.

L’autre espoir d’ici 2024 c’est l’autosuffisance alimentaire. L’initiation d’une nouvelle politique agricole qui passe par la mise en valeur des terres de la vallée du Fleuve Sénégal au profit des investisseurs nationaux et étrangers, est considérée par les observateurs comme une nouvelle feuille de route du gouvernement dans le processus de l’accaparement des terres de culture du Sud sous une nouvelle formule dont l’objectif est de transformer les paysans en ouvriers agricoles même si les populations sont consultées au préalable.

La scission en deux départements, l’agriculture et l’élevage, est une volonté politique pour privilégier le monde agricole et développer les deux secteurs clés en vue d’une production locale plus importante pour diminuer les importations qui pèsent sur le trésor public. L’encouragement des cultures maraîchères s’inscrit dans cette démarche. En revanche ce qui exacerbe les mauritaniens depuis plus d’une année c’est la recrudescence de la criminalité notamment à Nouakchott et à Nouadhibou qui a fait des victimes à l’arme blanche.

La lenteur de la politique sécuritaire est pointée par les observateurs comme étant la faiblesse du gouvernement à confondre les conséquences et les causes de ce fléau planétaire qui gangrène la société mauritanienne.

Les succès dans les opérations des saisies de la drogue et du démantèlement de réseaux qui ont pignon sur rue dans la capitale sont encourageants mais la guerre se gagne par la lutte contre la pauvreté dans un pays où près de 80 pour cent vivent au -dessous du seuil de pauvreté et contre l’ignorance avec une refonte du système éducatif qui génère des milliers d’écoliers sortis du système et de chômeurs diplômés et des délinquants.

 

 

 

 

 

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 

 

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 27 juillet  2021)

 

 

 

 

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