Mauritanie : le paradoxe de la justice contre la recrudescence de la criminalité à Nouakchott

Face à la criminalité galopante ces dernières semaines à Nouakchott, la réaction du gouvernement ne se fait pas attendre. Le dernier conseil des ministres s’est penché sur de nouvelles dispositions légales réglementaires et pratiques en appui des lois existantes contre la criminalité.

Ce qui laisse entendre une légère amélioration des dispositions légales réglementaires dans un contexte de recrudescence des crimes à l’arme blanche à Nouakchott et à Nouadhibou. Une réaction considérée timide par les observateurs face à la gravité de la situation qui exige un durcissement des lois contre la criminalité. La difficulté de la condamnation de certains crimes réside dans le fait que le code pénal mauritanien repose en grande partie sur la Charia ou loi islamique mais qui n’est pas appliquée entièrement du fait de la coexistence du droit moderne et du droit musulman. Par exemple les procédures contre des auteurs de viol sont lentes et assez floues en raison du peu de formation des juges dont certains ne justifient qu’une formation coranique informelle.

Les condamnations sont rares.  En droit pénal musulman, certains criminels peuvent être libérés ou voir leur peine commuée ou réduite si les familles des victimes pardonnent et si les auteurs sont en mesure de verser une compensation financière. C’est toute la difficulté d’application d’une telle loi dans un pays où plus de 80 pour cent de la population vivent dans la pauvreté. Et c’est le paradoxe constant dans la justice mauritanienne où « la plupart des avocats sont contraints de fonder leurs plaidoiries sur la Charia car les magistrats ne prennent que cette source de droit en considération pour statuer ».

La dispersion la semaine dernière à Nouakchott des manifestants islamistes qui réclamaient la peine de mort aux criminels, est une réponse politique non favorable à l’application de la loi islamique. Selon une étude récente en 2018, 102 condamnés à mort seraient détenus dans les prisons du pays. Ils vont de profils dits « salafistes » aux blogueurs ou commerçants, étudiants et ouvriers, condamnés pour homicide intentionnel, vol à main armés, viol, infanticide ou adultère. Cette situation de justice à deux vitesses est un véritable casse-tête pour le gouvernement qui aura du mal à changer la législation dans le sens de la commutation de la peine capitale en une peine d’emprisonnement à temps pour être conforme aux traités internationaux que la Mauritanie a signés. L’expérience de l’application de la charia dans le passé a montré toutes les limites du droit musulman dans une république islamique qui marche avec quatre pieds.

 

 

 

 

 

 

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 24 juin  2021)

 

 

 

 

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