Vue de l’étranger, la France ressemble à un beau merdier

Je n’ai jamais autant aimé ce pays que depuis le début de la pandémie. On dirait un asile de fous gouverné par des décisionnaires incapables.

 

Même si je l’ai quittée depuis belle lurette, la France continue de me fasciner tant elle m’apparaît comme une contrée à nulle autre pareille. Rien ne se passe jamais comme prévu sous les cieux de l’Hexagone comme si ses habitants obéissaient à des règles dont ils seraient les seuls à connaître les ressorts. La pandémie actuelle en est un magnifique exemple. Pas un jour ne se passe sans que je m’interroge sur leur manière très particulière de gérer cette crise.

Les semaines passant, j’ai de plus en plus ressenti cette étrange impression que le président cherche plus à ménager la susceptibilité de la population que de la protéger contre le virus. Comme si, encore hanté par les frasques des «gilets jaunes» et leur brouillonne démonstration de force, il en était venu à nourrir, vis-à-vis de son peuple, une sorte de peur panique qui l’empêcherait de prendre les décisions appropriées avec comme conséquence l’adoption de mesures foutraques dont on chercherait en vain à comprendre la cohérence.

 

Sinon, comment expliquer autrement ce dernier plan qui semble être sorti tout droit de l’esprit d’un individu en proie à une crise de delirium tremens quand, au petit matin d’une nuit de débauche, à force de boissons et autres drogues récréatives, on en vient à se foutre de tout, des morts du Covid, comme du niveau des réanimations, seulement soucieux de ne pas emmerder cet étrange peuple composé de Gaulois réfractaires?

Personne de sensé ne croira que le nouveau train de mesures sera de nature à enrayer la progression de l’épidémie. Pire, on a même l’impression qu’il produira l’effet contraire. Certes, encourager les gens à fuir leur appartement pour se réunir dehors semble être une mesure de bon sens… du moins, tant qu’elle s’accompagne de précautions drastiques comme le port scrupuleux du masque, le respect de la distanciation physique, l’interdiction absolue de rassemblements de masse. Est-ce vraiment le cas? À voir certaines images, il est permis d’en douter.

Le refus quasi hystérique de fermer les écoles procède de la même logique. Personne dans l’absolu ne souhaiterait empêcher les enfants de suivre le cours de leur scolarité mais une fois cette évidence dite, on a quelque mal à comprendre comment, en gardant les écoles et les lycées grands ouverts, on parviendra à casser la dynamique de la pandémie tant on sait par exemple que l’heure de la cantine est propice à la contamination entre collégiens lesquels, une fois revenus à la maison, s’empressent de refiler le virus aux autres membres du foyer.

Même la non-fermeture des fleuristes me plonge dans des abîmes de perplexité (sans parler de celle des cordonniers!). Aux dernières nouvelles, quand on achète un bouquet de fleurs, ce n’est pas pour jouer au tennis avec, mais bel et bien pour l’offrir. Certes, je n’oublie pas que les Français sont de grands romantiques qui aiment offrir à leur moitié des fleurs par milliers mais on peut aussi supputer que l’achat de tulipes procède d’un désir de remercier l’hôte qui vous reçoit. Qui vous reçoit chez lui. À l’intérieur de son appartement. Là où le virus circule le plus à son aise.

 

Pourquoi n’avoir pas interdit simplement toute visite lorsqu’elle se déroule entre les quatre murs d’un appartement? Pourquoi, en France, ne parle-t-on jamais de bulle sociale, quand il s’agit de réduire au maximum le nombre d’interactions? Vu de loin, on a l’impression de toucher là à un dogme fondateur de la civilisation française, un pilier de la Cinquième République: l’heure de l’apéro devra être maintenue en toutes circonstances et ne saura être révoquée quand bien même des vies seraient en jeu. (Article 14, alinéa 3-Constitution 1958)

Si c’est pour crever, autant crever bourrés.

Et je ne parle même pas des attestations en tout genre dont la simple évocation a comme vertu de provoquer chez moi des rires en cascade. Sommes-nous dans la patrie des droits de l’homme ou bien dans une maternelle pleine de garnements dont il faudrait par principe suivre les moindres mouvements? Quel esprit assez fou a-t-il pu accoucher d’une pareille idée? À moins que, parti depuis trop longtemps, je ne sous-estime l’incivilité quasi atavique des Français, cette manière très franchouillarde et finalement très puérile de toujours vouloir ruser avec la loi quand bien même elle chercherait à les protéger d’eux-mêmes?

Bref, je n’ai jamais autant aimé la France que depuis que je l’ai quittée. On dirait un asile de fous gouverné par des décisionnaires qui tremblent pour leur vie, à chaque décision prise. Comme si, à tout moment, au moindre faux-pas, à la première contrariété, le peuple excédé s’en irait demander des comptes à ceux qui les gouvernent. Une sorte d’insolence un peu baroque qui peut être vue comme le signe d’une immaturité latente ou comme le désir de toujours se réinventer.

Pour le pire et le meilleur.

 

 

 

Laurent Sagalovitsch

[BLOG You Will Never Hate Alone]

 

 

 

 

Source : Slate

 

 

 

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