Mauritanie : le retour difficile des civils au pouvoir pointé par les observateurs

Après les interrogations sur les alternances militaires en Mauritanie, un grand défi pour l’opposition les observateurs relancent la problématique du retour des civils au pouvoir après une première expérience ratée en 2007 avec l’élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui soulève la crédibilité de l’opposition.

Les mauritaniens attendront presque 3 décennies après le premier coup d’état militaire qui renversa le premier président civil et père de la nation Mokhtar Ould Daddah pour assister à la première transition démocratique entre un militaire le colonel Ely Mohamed Vall tombeur de Ould Taya en 2005 et un civil Sidi Ould Cheikh Abdallahi élu démocratiquement en 2007. Un bref tournant dans l’histoire des révolutions de palais avec le coup de force du général Ould Abdel Aziz en 2008 qui brisa ainsi le rêve des mauritaniens d’une nation démocratique. Cette emprise de l’armée sur la vie politique trouve sa légitimité dans la promesse du putschiste d’une transition vers un gouvernement civil et démocratique. Ce qui a permis à Ould Aziz d’être élu au suffrage universel avec la bénédiction de l’opposition sous la houlette du Front national pour la Défense de la Démocratie FNDD dans le cadre des accords de Dakar soutenus par la communauté internationale.

Une élection en 2009 qui met fin ainsi à la première expérience démocratique du pays depuis 78. In fine cette tentative de retour des civils au pouvoir en Mauritanie prouve bien l’ancrage d’une tutelle de l’armée et l’existence de forces extra-constitutionnelles symbolisées par les tribus et clientélistes qui agissent dans la proximité immédiate des locataires du palais de Nouakchott. Ce sont les tribus du Nord l’Adrar qui se sont révélées les plus compétitives et les plus entreprenantes au sommet de l’Etat avec le colonel Ould Taya ( Smassid) le colonel Ely et le général Ould Aziz( Awlad Busba). Cette élite politico-commerciale s’est particulièrement distinguée dans une alliance tribale qui a permis d’asseoir leur domination sur les autres tribus et de s’accaparer des richesses nationales.

C’est cette configuration politico-tribale qui a permis à Ould Aziz de gouverner le pays pendant plus de 10 ans avant d’opérer une alternance militaire à son dauphin le général Ould Ghazouani préparé à cette fonction parce qu’il était le principal allié de Ould Taya, Ould Ely puis Ould Aziz lorsqu’il assumait la présidence du HCE ( Haut Conseil d’Etat) ) pour le contrôle des militaires dans les futures élections. L’élection de Ould Ghazouani n’est pas le fruit du hasard. C’est une alternance militaire voulue et préparée par Ould Aziz selon un agenda caché pour imposer son candidat au parti UPR et aux mauritaniens.

Pour les observateurs c’est une continuité dynamique de la gouvernance militaire qui forme ses généraux à la prise de pouvoir comme en témoigne l’embuscade de deux généraux en activité le chef d’état- major général des armées Ould Menguet de la tribu guerrière Ouled Ahmed, le plus ancien de l’armée mauritanienne mais qui fait l’objet d’une accusation d’avoir fait partie des officiers qui ont fait assassiner les 28 soldats noirs à Inal en 91. Il fait partie des officiers qui ont renversé Ould Taya. Il est chargé par Ould Ghazouani de redresser l’armée.

Et enfin le général Hanena Ould Sidi qui était à la tête de la force conjointe du G5 Sahel est aujourd’hui ministre de la défense. C’est un ancien proche de Ould Taya. Force est de reconnaître que ces deux officiers supérieurs ont des responsabilités qui les préparent à la haute fonction de l’Etat au cas Ould Ghazouani ne se représente pas en 2024. C’est plus probable qu’ils le poussent à briguer un second mandat.

La Mauritanie est entrée aujourd’hui dans le cercle des généraux protégés par des tribus et des forces clientélistes qui font et défont la république. Cette assise militaire laisse penser qu’il est difficile aujourd’hui aux civils de prendre le pouvoir par les élections qui sont verrouillées par le conseil constitutionnel et la prétendue instance électorale indépendante CENI sauf dans le cadre trois scénarios dont deux relèvent de la volonté de l’armée. Elle entame sa mutation en révisant le système électoral pour des élections libres. Elle peut gagner comme elle peut perdre ou bien elle traverse une zone de turbulence au sein de l’élite dirigeante pour une seconde transition démocratique. La troisième hypothèse, le pouvoir est forcé de dégager par un mouvement de contestation populaire.

Dans les trois cas c’est une mission difficile. La Mauritanie fait figure peut-être d’exception au regard des enjeux internes, maghrébins, africains et internationaux. Et la fracture raciale et ethnique aggravée par l’alternance militaire ne facilite pas la construction de l’unité nationale et la cohésion sociale et d’un état de droit. Toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour faire un printemps arabe en Mauritanie.

 

 

 

 

 

Suggestion kassataya.com :

Mauritanie : l’alternance militaire, un gros caillou dans la chaussure de l’opposition

 

 

 

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 23 février 2021)

 

 

 

 

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