Sénégal – L’ÈRE DES PROPHÈTES EN TOC

Zeyda Zahman, Omar Diop, Al Hassan Ba… Ils viennent d’horizons divers (Dakar, Rufisque et Kolda), mais se réclament tous envoyés de Dieu. Phénomène social ? Manque d’empirisme religieux ?

Dans le Coran, il est indiqué que le Prophète Mouhamed est le Sceau des élus de Dieu et son dernier missionnaire sur terre. Mais de nouveaux croyants foulent allègrement du pied ces préceptes de l’Islam et s’autoproclament envoyés de Dieu. Phénomène social ? Manque d’empirisme religieux ? Quoi qu’il en soit, cette situation est en train de prendre des tournures préoccupantes.

 

Zeyda Zahman, Omar Diop, Al Hassan Ba… Ils viennent d’horizons divers (Dakar, Rufisque et Kolda), mais ont un dénominateur commun. C’est qu’ils se réclament tous envoyés de Dieu. Une tendance qui fait couler beaucoup d’encre et de salive dans un pays à majorité musulmane où de telles attitudes sont considérées comme une hérésie. Assimilés à des prophètes en toc, certains d’entre eux arrivent, malgré tout, à mobiliser des fidèles. De quoi préoccuper les membres de la Umma. Depuis quelques jours, en effet, circulent sur les réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles apparaissent des hommes et des femmes tout de blanc vêtus et priant au milieu d’une clairière, dans une forêt de la région de Kolda. Toutes les invocations faites naturellement en langue arabe pendant les prières sont psalmodiées en Pulaar. Suffisant pour soulever l’indignation des populations sur la toile. Qui sont-ils ? D’où tirent-ils la prophétie ? Pourquoi, pratiquent-ils l’Islam de cette façon? Il s’agit en fait des membres de la secte Mbakerouhou installée dans la région de Kolda, plus particulièrement dans la commune de Bourouco. En réalité, un homme appelé Al Hassan Ba s’était autoproclamé «prophète», il y a plus de deux décennies et se distinguait par une pratique religieuse tout à fait différente de celle de l’Islam.

D’après nos confrères de «L’Observateur», le fondateur de cette secte a égorgé son propre fils pour sacrifier à la fête de l’Aïd el Kabir, avec l’approbation de ses adeptes. Voulant répéter le même geste l’année suivante, Al Hassan s’est heurté au refus catégorique d’un autre de ses fils qui n’était pas prêt à se laisser «immoler» comme un mouton de tabaski. C’est alors que ce dernier a pris la fuite avant de revenir à Bourouco pour ôter la vie de son «papa prophète». Malgré la mort de Al Hassan Ba, la secte n’a pas mis fin à ses pratiques. Finalement, son fils hérite de la secte et perpétue certaines pratiques qu’il a inventées.

L’EPISODE ZAYDA ZAHMANE

Tendance ou subterfuge pour se faire de l’argent ? Toujours est-il que la proportion des personnes qui s’autoproclament «envoyées» de Dieu prend de l’ampleur. On se rappelle l’histoire de Zayda Zahmane, la «fameuse» prophétesse dont les pratiques se sont révélées au grand jour en février dernier. Voix grave, intonation changeante, accoutrement bizarre, se parant toujours de grosses lunettes, Zayda Zamane s’habille à l’image des personnages de contes de fée. De son vrai nom Ndèye Fatou Ndiaré Diop, Zayda Zahmane a effectué des sorties fracassantes qui ont suscité la colère des grands foyers religieux du pays. Ces derniers n’ont pas mis de gants pour juger sataniques les actes de la guide spirituelle de l’association Taha Mounawara.

Très controversée, la dame avait plongé dans une colère noire la communauté Layène qui lui reprochait d’utiliser ses chants religieux, lors de ses cérémonies. Connu pour son franc-parler, le célèbre prêcheur Iran Ndao n’avait pas hésité à l’accuser d’imposture. Selon Iran Ndao, les changements de voix dont elle use pour hypnotiser ses adeptes relèvent de la pure mascarade. Et il avait pointé du doigt l’Etat qui, selon lui, ne fait pas preuve de neutralité dans des situations pareilles. «Ce qui favorise l’implantation des sectes au Sénégal», souligne le prêcheur de «Sen Tv». Lors de ses conférences religieuses, Serigne Cheikh Ahmed T. Sy Al Maktoum aimait souvent à répéter que «le péché de la laïcité demeure dans sa position de neutralité». L’histoire semble lui donner raison, dans la mesure où le Sénégal qui est un pays à majorité musulmane (95%) connaît chaque année la naissance de nouvelles sectes qui se réclament de l’Islam.

LE PROPHETE DE RUFISQUE

Dans ce lot de messies, Rufisque a également eu son «prophète». Il s’agit d’Omar Diop qui, pour ne pas le nommer, s’était autoproclamé «messager de Dieu». Malgré les nombreuses critiques qu’il avait essuyées, Omar Diop clamait urbi et orbi qu’il est messager de Dieu. «Et je suis prêt à montrer mes preuves. Qu’on m’invite sur un plateau de télévision et je vais dévoiler les preuves que j’ai par devers moi pour vous prouver que je suis un messager.» N’empêche, ces déclarations avaient choqué plus d’un. D’autant que l’homme s’attaquait directement à «tous ceux qui soutiennent qu’après le prophète Mohamed PSL, il n’y a plus un autre messager», et défiait ceux qui dénigraient ouvertement ses croyances. A l’en croire, les gens avertis le suivront. En effet, Omar Diop arguait que sa mission lui a été révélée dans un rêve. Toutefois, de nombreuses personnes estimaient qu’il ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales. Effets contagieux ou nouvelle tendance ? Quoi qu’il en soit, l’histoire des hommes qui s’autoproclament prophète n’est pas à son épilogue.

MAM MOUHAMADOU LAMINE DRAME : «Au Sénégal, ceux que l’on nomme chefs religieux s’appellent en réalité chefs confrériques»

Toute personne qui se déclare prophète après le dernier sur terre, c’est-à-dire Mouhamed, est un menteur. C’est lui-même qui l’a dit à travers des hadiths qu’il y aura, après son départ, des gens qui vont s’autoproclamer prophètes, mais qu’ils sont tous des menteurs. C’est un texte concret qui le dit. Et la personne qui prétend cela doit être reconvertie à l’Islam au risque d’être tuée. Dans la mesure où sa sentence est comparable à celle de quelqu’un qui est banni de la religion (un mourtad). Tous les érudits le savent.

C’est uniquement au Sénégal qu’on voit une personne déclarer sa prophétie et au retour, les gens le considèrent toujours comme un musulman. Si cela s’était produit en Arabie Saoudite, au Soudan ou en Egypte, son sort serait connu dans les minutes qui suivent. Leur repentir devrait se faire en public, s’ils refusent, on les tue. Cela fait l’unanimité dans tous les textes. Le prophète l’avait prédit en les considérant comme des menteurs. Cela n’a pas démarré aujourd’hui, Abou Bakr avait mené une guerre sainte contre ceux qui se sont autoproclamés prophète après le départ de Mouhamed.

Au Sénégal, la religion manque d’autorité suprême en mesure de défendre les intérêts de l’Islam. Les gens ne s’occupent que de leurs familles et de leurs confréries. Si la religion se fait attaquer, personne ne prend la responsabilité de la défendre. L’Etat aussi dégage sa responsabilité en invoquant le prétexte de la laïcité. Ces gens ne font plus partie de la communauté musulmane. On doit combattre cela au Sénégal. Personne n’ose s’attaquer aux confréries et aux différentes familles religieuses, mais on attaque à tort ou à raison l’Islam et personne ne réagit.

Dans notre pays, ceux que l’on nomme chefs religieux s’appellent en réalité chefs confrériques parce que depuis l’apparition de ce phénomène, personne n’a fait une sortie pour en parler. Ceux qui en parlent sont les prêcheurs qui, en réalité, n’ont aucun pouvoir de décision. Ils ne relatent que ce qu’il y a dans les textes. Mais aujourd’hui les familles religieuses de Touba, Tivaouane, Médina Baye, Ndiassane etc. devraient hausser le ton pour dénoncer cela et mieux encore, prendre des mesures drastiques contre ces personnes. Mieux, elles doivent demander à l’Etat de prendre des mesures contre ces individus. Mais malheureusement, elles observent un mutisme total. Sans doute, n’ont-elles pas toutes les informations, mais le constat demeure que la religion fait l’objet de nombreuses offenses dernièrement.».

 

Aïssatou DIOP

L’AS

 

 

 

Source : Seneplus

 

 

 

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