Même sur son lit de mort, Trump refusera de concéder la défaite

Rien ni personne ne l'empêchera de penser qu'on lui a volé sa victoire.

Donald Trump ne concédera sa défaite ni demain, ni dans un mois, ni même sur son lit de mort. C’est le dogme de l’infaillibilité pontificale appliqué à un clown de province qui ne saurait admettre la possibilité de la défaite. Pour expliquer pareille aberration, il ne faut jamais perdre de vue que le locataire actuel de la Maison-Blanche se considère comme un authentique génie, un de ces esprits purs qui par un principe bien établi ne peut avoir tort ou même se tromper.

On ne saura jamais si Trump souffre de troubles mentaux avérés. On peut tout de même avancer que l’écart qui existe entre son génie supposé et sa traduction dans le monde réel est tel que d’avoir recours à un traitement de fond ne serait pas superflu. Une mégalomanie pareille qui repose autant sur du vide entretient nécessairement avec la folie des connivences étroites, une sorte de miroir inversé dans lequel se mirent souvent des personnalités psychotiques incapables d’accepter le monde tel qu’il se présente –artistes ratés, cuisiniers avortés, jardiniers complexés, présidents mortifiés…

C’est bien pourquoi Trump, quand bien même l’élection se serait déroulée d’une manière normale, sans un recours massif aux votes par correspondance, en cas de défaite, aurait réagi pareillement en inventant mille complots destinés à l’abattre. Quand dans son for intérieur on s’imagine le plus grand des monarques, admettre la possibilité de perdre, c’est quelque part nier le caractère exceptionnel de sa personnalité et prendre conscience de la manière la plus brutale qui soit du mensonge sur lequel sa vie s’est construite.

À moins de transformer cette défaite en une soif gargantuesque de vengeance à même de canaliser le flot de son amertume, Trump continuera de se prétendre vainqueur du scrutin. Aucune décision de justice, aucune mise au point de n’importe quelle autorité fédérale, aucun démenti, même issu de son propre parti, n’entamera sa certitude d’avoir été volé de sa victoire. Jusqu’à la fin de sa vie, à chaque fois que la question sera débattue, avec la candeur de l’imbécile et la mauvaise foi du bonimenteur, dans la folie qui est la sienne, il continuera à nier l’évidence.

Ce serait risible s’il n’entraînait dans son délire toute une frange de la population américaine qui jamais ne se résoudra à la défaite de son poulain. Une fois qu’on a renoncé à la vérité, on s’accroche à ses mensonges avec l’obstination du forcené. C’est la folie des temps modernes: grâce à l’émergence des réseaux sociaux, chacun dans son coin peut trouver matière à alimenter la source de ses fantasmes, des plus anodins aux plus extravagants, dans une fuite en avant qui serait celle d’un Don Quichotte sous acide, non plus un preux chevalier animé des meilleures intentions, mais un être maléfique prêt à adhérer à n’importe quelle théorie du complot.

C’est dire à quel point d’ignorance nous sommes tombés. Autrefois Dieu remplissait le vide de l’existence et veillait à ce que les âmes aillent dans la vie sans trop se soucier de ses aléas. Les dieux d’aujourd’hui sont des complotistes du dimanche qui parviennent à toujours trouver une explication à ce qui a le malheur de leur déplaire.

Oui, même sur son lit de mort, quand les premiers râles de l’agonie commenceront à accabler son corps, au prêtre venu à son chevet recueillir ses dernières confessions, dans un murmure à peine audible, Donald Trump, d’une voix livide, lui dira: «Mon père, je peux gagner ciel tranquillement, j’ai gagné cette élection.»

Amen.

Laurent Sagalovitsch

Source : Slate

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