
Les armes à feu font-elles partie des biens « essentiels » en temps d’épidémie ? Deux jours après la décision du gouverneur de Californie Gavin Newsom d’interdire les sorties et les activités « non essentielles » pour éviter la propagation de l’épidémie de Covid-19, le débat s’est emparé du Golden State.
Vendredi 20 mars, le propriétaire du magasin d’armes Solar Tactical de Castro Valley, une banlieue de l’East Bay, à 50 kilomètres de San Francisco, a dû se résoudre à fermer boutique. Jusque-là, Mike Addis faisait de bonnes affaires. Les clients faisaient la queue : en majorité de nouveaux acheteurs, qui n’avaient jamais possédé d’armes mais souhaitaient pouvoir protéger leur famille dans cette période troublée, a indiqué le commerçant aux médias locaux.
Quand les autorités du comté ont ordonné la fermeture des commerces, à l’exception des magasins d’alimentation et de bricolage, des marchés en plein air, des pharmacies, Mike Addis a refusé d’obtempérer, estimant que la vente d’armes à feu est une activité « essentielle » que nulle autorité n’a le pouvoir d’interdire : leur possession est garantie par le deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis. Concession à l’état d’urgence sanitaire : il a limité à six le nombre d’amateurs pouvant se trouver simultanément dans son établissement.
Le procureur du comté d’Alameda a dû intervenir, appuyé par les réseaux sociaux. Finalement, le propriétaire a baissé le rideau, non sans y laisser une affiche promettant une réouverture prochaine après consultation de ses avocats. Il a déploré le caractère « subjectif » des magasins visés par les fermetures, d’autant que les grandes chaînes comme Walmart, qui vendent aussi des armes, ne sont pas concernées.
« Le gouvernement n’aura pas les moyens de nous défendre »
Dans le reste de l’Etat, les fermetures sont à géométrie variable. A Santa Clara, le shérif a repéré une armurerie ouverte (en même temps que cinquante-cinq autres commerces non essentiels : fleuristes, coiffeurs, laveurs de voitures, vendeurs de jeux vidéos…) et il a menacé de sévir. A San José, le maire Sam Liccardo a fait fermer le « Bullseye Bishop » : « On assiste à une ruée sur la nourriture, a-t-il déploré. La dernière chose que nous voulons, c’est une ruée sur les fusils. »

Mais sur les réseaux sociaux, les partisans des armes défendent les rétifs. Et ils dénoncent le fait que les magasins de cannabis sont jugés essentiels – à San Francisco par exemple – mais pas les gun shops alors que l’Etat libère des prisonniers pour essayer d’éviter les épidémies en prison…
Comme à chaque crise ou période pré – voire post – électorale, les ventes d’armes ont augmenté aux Etats-Unis – en même temps que montait l’angoisse devant les rayons vides dans les magasins – en Californie, dans le Kentucky ou dans l’Etat de New York, passant par les ventes en ligne (le distributeur Ammo.com a fait état d’une augmentation de 68 %).
« On a des provisions d’eau et de nourriture pour un mois, il nous faut aussi des munitions, a expliqué un des clients du magasin LAX Ammo, près de l’aéroport de Los Angeles, à la radio publique NPR. C’est moins par peur que pour être préparés. Au cas où ça tourne mal et que les gens commencent à paniquer et à piller, le gouvernement n’aura pas les moyens de nous défendre. »
Nouveaux acheteurs
Selon Newsweek, la police fédérale (FBI) a fait état d’un doublement, depuis le 23 février, des « background checks », les vérifications d’antécédents judiciaires, obligatoires avant toute vente dans les armureries. Pour la seule journée du 16 mars, l’augmentation a été de 300 % par rapport à la même date en 2019, selon la même source.

Les vendeurs font état d’une proportion significative de nouveaux acheteurs, notamment parmi la communauté asiatique, qui craint les répercussions racistes d’une épidémie que les conservateurs – et le président Donald Trump lui-même – attribuent systématiquement et délibérément dans leurs interventions publiques au virus « chinois ».
Corine Lesnes
Source : Le Monde
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