
Sur cette vidéo, on entend la voix d’un homme se présentant comme l’époux de la femme qui a dû accoucher dans une voiture devant un hôpital. La scène se déroulerait en Arabie Saoudite (la voix le dit et interpelle MBS le prince héritier.). L’accès leur aurait été refusé parce qu’ils seraient sans papiers. Tout cela donc en terre d’islam. Je vais vous raconter mon expérience personnelle en France, terre certainement non islamique.
En 2017, j’ai été évacué d’urgence à l’hôpital militaire de Percy à Clamart. A ma sortie de l’ambulance, sur un brancard, les pompiers firent une halte à l’accueil où je devais présenter ma carte vitale. Mais compte tenu de l’urgence, l’arrêt ne dura pas une minute. Les papiers ce sera pour plus tard. Je fus conduit dans une chambre et préparé pour une intervention immédiate.
Entre infirmières, anesthésistes, chirurgiens. Il n’y avait pas moins de 12 personnes qui s’affairaient autour de moi, aux petits soins, faisant tout pour me mettre à l’aise. On me demanda les coordonnées d’une personne à contacter au cas où. À ce point ! Je fus admis au bloc opératoire et fus couché. Une infirmière me demanda si je voulais une musique particulière. J’aurais aimé demander le coran mais ne voulant absolument pas embarrasser mes bienfaiteurs, je demandais Yan Tiersen, Summer 78, la musique du film Good bye Lenine.
Mes larmes se mirent à couler. L’infirmière tenta de me rassurer en banalisant la situation. Je lui répondais que je ne craignais pas la mort, parce que psychologiquement j’y étais préparé. Mais ce qui me faisait pleurer, c’était la fragilité, la contingence de l’être, au sens sartrien : quelques années plutôt, j’étais dehors, couvrant l’actualité alors que le président mauritanien était dans le même bloc opératoire. Me voilà à sa place. L’être humain !
Tout c’était donc bien passé. Plus tard, pendant mon hospitalisation, je félicitais le professeur qui s’occupait de moi et louais le professionnalisme avec lequel ici, on soignait les humains indépendamment de leurs statuts. Il me répondait : « ici nous recevons des patients, et ils ont la même valeur à nos yeux. » Chapeau.
Quand je fus prêt pour poursuivre les soins à la maison, je fis conduit dans un service pour récupérer mes affaires personnelles. Tout avait été inventorié pendant que d’autres s’occupaient de moi au bloc opératoire: papiers d’identité, clefs, papiers du véhicule, argent liquide. Tout. Remis jusqu’au dernier centime. On ne m’a toujours pas demandé le moindre papier, le moindre sou. Soigner est une chose. Encaisser l’argent est une autre affaire. On me loua un taxi pour me ramener à la maison. Une infirmière vint à la maison pour les pansements. Ça c’était en France.
Moins d’un an après, mon travail me conduisait dans un autre continent. Autres mœurs. Évacué une nouvelle fois en urgence dans une clinique privée (Chirac : les emmerdes, ça vole en escadrille), on refusa de m’admettre tant que je ne payais pas d’avance 50000 fcfa (75€). J’avais beau demander de s’occuper d’abord de ma santé, rien n’y fit.
L’infirmière disait bien comprendre, s’excusait, mais restait sur sa position. J’étais loin de la France. Nous connaissons beaucoup d’autres histoires de cette nature. Comme celle de cette femme enceinte de jumeaux, retenue à l’entrée d’une clinique, entre la vie et la mort, jusqu’à ce que son compagnon se résolve à l’éventrer pour tenter de sauver les jumeaux. Ce n’est pas question de fatalité. Avec à peu près le même niveau de développement, le Sénégal par exemple, arrive à éviter ce genre de situations inhumaines.
Nous pouvons reprocher ce qu’on veut à la France (et souvent à juste raison, surtout pour ses rapports avec ses anciennes colonies) mais il faut aussi lui reconnaître des valeurs que le monde gagnerait à lui emprunter. Parce que profondément humaines.
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