Tidjane Thiam, le patron de Credit Suisse, démissionne sur fond d’affaire d’espionnage

Le patron du groupe bancaire était fragilisé depuis plusieurs mois par un scandale de filatures. Il sera remplacé par Thomas Gottstein, qui dirige actuellement la filiale helvétique de Credit Suisse.

Il était sur la sellette depuis qu’au début de l’automne, une rocambolesque affaire d’espionnage avait secoué le Credit Suisse. Tidjane Thiam, le directeur général franco-ivoirien de la banque helvétique, a finalement dû se résoudre à démissionner. L’établissement l’a annoncé, vendredi 7 février, à la première heure. Il quittera ses fonctions le 14 février, après la présentation des résultats annuels de la banque, et sera remplacé par Thomas Gottstein, patron de la filiale helvétique de Credit Suisse.

 

 

 

Lire le portrait : Tidjane Thiam, l’enfance d’un chef

Le sort de Tidjane Thiam, 57 ans, a été scellé à l’issue d’une réunion du conseil d’administration, jeudi, qui s’est tenue alors que la banque est éclaboussée depuis septembre par une affaire à rebondissements impliquant la filature d’anciens cadres de l’institution.

Suicide d’un détective privé

 

L’affaire éclate au grand jour lorsque la presse suisse révèle, en septembre, qu’Iqbal Khan, ancien directeur de la gestion de fortune internationale de Credit Suisse, passé chez le concurrent UBS, a déposé plainte pour « contraintes et menaces ». Alors qu’il circulait en voiture à Zurich, il pense être suivi, s’arrête pour prendre en photo la plaque d’immatriculation de l’auteur de la filature, qui descend et en vient aux mains. L’homme s’avère être un employé d’une agence de détectives, mandaté par le Credit Suisse. Le groupe a monté cette opération, redoutant qu’Iqbal Khan, banquier star, ne débauche d’ex-collaborateurs voire des clients.

Ce scandale fut précédé d’une querelle de voisinage mettant directement aux prises Tidjane Thiam et ce même banquier vedette. Le hasard fait que les deux hommes se sont, en effet, retrouvés à habiter deux belles villas voisines en bordure du lac de Zurich. Les relations se sont dégradées quand le second a lancé de bruyants travaux dans sa maison, y compris le week-end. La tension est encore montée d’un cran, en janvier 2019, lors d’une fête organisée chez M. Thiam. Une altercation aurait éclaté à propos d’arbres qui cacheraient la vue sur le lac. Peu après, M. Khan faisait circuler son CV sur la place financière suisse, et se faisait recruter par UBS, le numéro un du secteur bancaire.

 

Lire la chronique Pertes & profits : Credit Suisse : « Désagréments de voisinage au pays de l’argent roi »

Dans la foulée des révélations de la filature, le bras droit de Tidjane Thiam, Pierre-Olivier Bouée, est poussé vers la sortie, ainsi que le chef de la sécurité qui dépendait directement de lui. L’affaire prend une tournure plus dramatique, quand le détective privé, qui avait organisé la filature d’Iqbal Kahn, se suicide, d’après un avocat de la firme de sécurité privée recrutée pour cette mission.

Credit Suisse a toujours affirmé que son directeur général n’avait pas été mis au courant de cette filature. Une enquête interne, confiée à un cabinet d’avocats par Credit Suisse, a innocenté, début octobre, Tidjane Thiam, mais le scandale ébranle le milieu bancaire suisse, plus habitué à la discrétion, et met le talentueux patron de la banque suisse sous pression.

Relations tendues avec le président du groupe

 

D’autant que le dossier connaît un second rebondissement en décembre lorsque la banque reconnaît un second cas d’espionnage, concernant cette fois Peter Goerke, l’ancien directeur des ressources humaines, avant de rebondir à nouveau le week-end du 1er et 2 février dans la presse dominicale, le SonntagsZeitung affirmant que la surveillance aurait également visé l’organisation écologiste Greenpeace, à la suite d’une intrusion de militants de l’ONG lors d’une assemblée générale des actionnaires en 2017. Cette accumulation d’affaires aurait tendu les relations entre Tidjane Thiam et le président du groupe bancaire, Urs Rohner. Ce dernier est soupçonné d’avoir fait fuiter dans la presse, la semaine passée, des noms de successeurs potentiels.

Dans le communiqué de Credit Suisse annonçant sa démission, Tidjane Thiam est revenu sur l’affaire des filatures. « Je n’avais aucune connaissance de la surveillance de deux anciens collègues », a-t-il déclaré. Reconnaissant que cette dernière a « sans aucun doute perturbé Credit Suisse, provoqué de l’angoisse et fait du tort », il déplore « que cela se soit passé alors que ça n’aurait jamais dû être le cas ».

Diplômé de l’Ecole polytechnique et de l’Ecole des mines de Paris, M. Thiam avait repris les commandes d’un Credit Suisse en mauvaise posture, en 2015, après avoir redressé avec succès l’assureur britannique Prudential. Il a rapidement mis en place au sein du groupe helvète un vaste plan visant à renforcer la gestion de fortune et à recalibrer la banque d’investissement. Depuis, le groupe se porte mieux. Le dirigeant avait, d’ailleurs, eu ces derniers mois le soutien de plusieurs actionnaires de l’entreprise. Dans son communiqué, Urs Rohner salue l’action de M. Thiam. « C’est grâce à lui que la banque est de nouveau solide et a renoué avec les bénéfices », déclare-t-il.

Véronique Chocron

 

Source : Le Monde

 

 

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