Le monde du libre-échange n’est pas parfait mais offre un bel avenir

Le commerce international souffre d’une mauvaise réputation, il est pourtant le meilleur système disponible.

Les temps changent et ils changent en bizarre, sinon en mal. Il y a cinquante ans –tout juste hier donc– la gauche était mondialiste, la jeunesse était voyageuse, l’avenir du monde était imaginé comme de plus en plus ouvert et de plus en plus multiculturel. Dans les rues, les défilés chantaient: «L’Internationale sera le genre humain.»

Que se passe-t-il pour que les un·es et les autres vantent aujourd’hui le local et la ZAD, condamnent le libre-échange, les accords commerciaux et l’avion? Comment et pourquoi ce rétrécissement géographique et philosophique de l’avenir humain, ce repli sur soi, ce regard rétro?

Découvrir et échanger étaient des verbes positifs, ils ont laissé place à défendre et sauver. Il faut défendre son emploi, son pouvoir d’achat, sa région, ses habitudes, ses valeurs, sa zone, sauver le climat, la biodiversité, la planète.

Le virage au rond-point, en forme de U-turn, peut se comprendre à l’examen superficiel des choses. Les enjeux mondiaux, l’environnement, l’immigration, la technologie, sont déclinées par les Arts sur le mode catastrophiste: on va tout perdre, être envahis, griller sur place. Stop!

Les faits sont pourtant bien plus optimistes. Les importations par exemple. Pourquoi, lit-on et relit-on, que faire venir de la viande de Nouvelle-Zélande au lieu de consommer le bon agneau local est émettre du CO2 inutilement dans l’atmosphère?

Le libre-échange, assène Nicolas Hulot, est la cause première du réchauffement. Cela paraît tellement évident, non? Et bien non, le bilan carbone d’un agneau élevé en plein air sur de l’herbe au bout du monde, fût-il ensuite transporté en cargo, est probablement inférieur à celui du mouton en batterie chauffée dans la ferme d’à côté. L’évidence n’est pas celle qu’on croit.

Le libre-échange, Nicolas Hulot, Yannick Jadot and Co, n’est responsable que d’une fraction très mineure des émissions mondiale de CO2.

L’économiste Joseph Shapiro de Berkeley avait calculé en 2016 qu’un monde fermé, sans commerce international, émettrait seulement 5% de CO2 de moins qu’un monde ouvert. Le CEPII estime que stabiliser les échanges à leur niveau actuel abaisserait d’ici à 2030 de 3,5% les émissions mais grèverait le PIB mondial de 1,8 point.

Le même commerce international, Messieurs qui professez si fort le bien de l’humanité, est indispensable pour éviter les famines. Le dernier rapport de l’OCDE sur l’agriculture le réaffirme comme un cri: «Il est clair que le commerce est critique pour la sécurité alimentaire mondiale. Les régions qui vont connaître l’accroissement de population le plus rapide ne sont pas nécessairement celles où la production alimentaire peut croître suffisamment. Il est essentiel que les gouvernements défendent des marchés agro-alimentaires ouverts, transparents et prévisibles.»

Une drôle de vision humaniste

 

On peut se berner d’illusion toute bien-pensante et continuer de dire que la cause des problèmes est l’assassinat de la petite agriculture vivrière au profit des marchés ouverts par un agro-business avide. Que revenir en arrière est la solution. Sauf que c’est faux.

L’agriculture a besoin d’un saut de productivité pour nourrir les flux de populations nouvelles dans le monde en particulier dans les pays les plus en retard.

«Les pays qui en ont le plus besoin sont ceux qui améliorent le plus lentement leur production agricole», prévient Maximo Torero, directeur général adjoint de la FAO. Les objectifs onusiens d’éradication de la faim d’ici à 2030 ne seront certainement pas atteints sans un apport extérieur, par l’échange.

Les besoins en nourriture de la planète vont grossir de 15% d’ici dix ans, selon l’OCDE. Le système agricole existant, avec tous ses défauts, permettra d’y pourvoir, la production devrait croître à un rythme supérieur ce qui autorisera la poursuite de la baisse des prix des aliments et les avantages qui s’en suivent, pour toutes les populations en mal de pouvoir d’achat, à commencer par les plus pauvres.

Que cela se fasse sous surveillance étroite, sous des contrôles sanitaires accrus, qu’il faille encourager les productions locales de qualités: c’est l’évidence.

L’agro-business n’est pas un modèle parfait, une régulation des États est indispensable. Oui. Qu’il faille aussi changer le type d’alimentation tendanciel (trop de sucre, trop de viande) dans les pays développés, oui. Qu’il soit impossible de généraliser ce mode occidental à toute l’Asie puis à toute l’Afrique: oui. Mais il faudrait qu’on le fasse avec soin en s’appuyant sur la réalité des chiffres.

Plus largement, au-delà de la question alimentaire, quel monde voulez-vous? Chacun chez soi? Quelle drôle de vision humaniste que de vouloir sauver une humanité que l’on juge trop nombreuse et si foncièrement mauvaise qu’on l’accuse de tous les maux contre la planète.

Le monde ouvert, celui de la mixité, du commerce et du libre-échange n’a pas produit que des horreurs, loin de là. Il est comme la démocratie, le meilleur système disponible.

Il reste, d’un point de vue philosophique comme moral, un bien plus bel avenir que la très inquiétante idéologie du repli souverainiste et d’un point de vue pratique, la meilleure façon de surmonter tous les défis posés.

Eric Le Boucher

Source : Slate

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