Golfe – La Chine s’accommode du parapluie américain

Les États-Unis sont-ils en train de se retirer du Proche-Orient ? Quoiqu’il en soit, la Chine, qui a participé pour la première fois en décembre 2019 à des exercices navals avec la Russie et l’Iran dans la région ne semble pas pour autant prête à prendre la relève, préférant un multilatéralisme renouvelé sous l’égide de Washington. Analyse.

Les exercices navals conjoints sino-russo-iraniens (une première) ne signifient pas pour la Chine un renforcement des liens militaires avec les pays du Proche-Orient et ne traduisent pas d’aspiration à jouer un rôle accru dans la sécurité régionale, du moins dans un avenir proche. Car l’exercice militaire se double d’un soutien théorique de la Chine à une approche multilatérale de la sécurité dans le Golfe, suggérant qu’elle envisage une continuité du rôle de leadership des États-Unis, et ce malgré une rivalité croissante entre les deux plus puissantes économies du monde.

C’est en tous les cas le message qu’elle envoie, minimisant l’importance de l’exercice et laissant entendre que sa contribution à celui-ci sera constituée de forces non combattantes. Sa participation devrait impliquer sa flotte anti-piraterie. Elle se trouve déjà dans les eaux somaliennes, protégeant les navires commerciaux ainsi que les personnels chargés du maintien de la paix et des secours humanitaires. De fait, la Chine n’enverra pas de détachements de l’Armée populaire de libération.

À l’écart des rivalités saoudo-iraniennes

 

Même si elle favorise une approche plus multilatérale, la Chine maintient sa préférence pour un leadership américain afin d’assurer la sécurité du Golfe. Ce point de vue s’est manifesté en 2019 par sa volonté d’envisager de participer à l’alliance maritime créée en réponse à plusieurs attaques contre des pétroliers dans le golfe d’Oman. L’alliance est dirigée par les États-Unis. Son rôle est d’escorter les navires commerciaux dans le Golfe et de sécuriser les voies de navigation. Rejointe par les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Royaume-Uni et l’Australie, l’alliance a débuté ses opérations en novembre 2019.

Bien qu’elle manifeste sa préférence pour un leadership américain dans le Golfe, la Chine préconise aussi un élargissement des dispositifs de sécurité intégrant le parapluie de défense américain permettant de réduire les tensions régionales. Elle estime également qu’un accord multilatéral lui permettrait de continuer à éviter de se laisser entraîner dans les conflits et les différends du Moyen-Orient, en particulier dans la rivalité saoudo-iranienne.

Un arrangement multilatéral dans lequel les États-Unis resteraient le principal acteur militaire correspondrait au schéma de projection progressive de la Chine, au-delà de ses frontières, de sa puissance militaire croissante.

À l’exception d’une installation militaire à Djibouti, la projection de la Chine devient moins importante à mesure qu’elle s’éloigne de ses frontières. Les propositions pour une architecture de sécurité multilatérale pourraient également répondre au «transactionnalisme»1 du président américain Donald Trump, ainsi qu’à son insistance sur le partage de la charge budgétaire.

Aller d’un point à un autre reste cependant plus facile à dire qu’à faire. Bien que le parapluie de sécurité américain soit orienté contre l’Iran, une approche multilatérale devrait impliquer ce pays.

Une conférence de sécurité régionale

 

Cette implication pourrait être fondée sur une sorte d’accord de non-agression, une proposition avancée par l’Iran qui figure implicitement dans l’appel de la Russie à une conférence de sécurité régionale sur le modèle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cependant, pour y parvenir, les États-Unis et l’Arabie saoudite doivent réduire les tensions avec l’Iran, affirmer de manière crédible qu’ils n’ont pas l’intention de renverser ou de déstabiliser le régime iranien, et résoudre la crise résultant du retrait américain de l’accord international de 2015 qui limite le programme nucléaire de l’Iran. C’est un défi de taille même si l’Arabie saoudite et l’Iran n’ont pas fermé la porte à des contacts visant à apaiser les tensions.

De plus, le soutien chinois a, jusqu’à présent, manqué d’enthousiasme pour une proposition russe appelant les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde à s’impliquer dans une approche multilatérale.

Une certaine distance avec la position russe

 

Tout en soutenant la proposition de la Russie en termes généraux, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères Geng Shuang s’est abstenu de l’approuver précisément. Il s’est contenté de saluer «toutes les propositions et les efforts diplomatiques propices à la désescalade de la situation dans la région du Golfe».

Le fait que la Chine s’abstienne d’approuver sans réserve la proposition russe trouve son origine dans des approches différentes du multilatéralisme en général et des alliances en particulier. La Chine préfère mettre l’accent sur la géoéconomie plutôt que sur la géopolitique tandis que la Russie opère toujours en termes d’alliances.

À l’arrière-plan se profile le fait qu’en dernière analyse, la Chine est susceptible de considérer la sécurité en Asie du Sud et centrale comme liée à la sécurité dans le Golfe, ce qui soulève des questions sur la permanence de la conception de la sécurité des Chinois.

L’étalement géographique de l’approche de la Chine est évident non seulement dans sa position de force dans la mer de Chine méridionale, mais aussi dans des pays comme le Tadjikistan et l’Afghanistan. La Chine a récemment progressé dans la construction d’une route traversant le corridor Wakhan2 en Afghanistan. Cet axe sert de multiples objectifs géopolitiques, il facilitera le mouvement des troupes, servira à la base militaire installée au Tadjikistan et à d’éventuelles opérations transfrontalières chinoises dans le corridor.

 

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James M. Dorsey

Source : Orientxxi.info

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