Au Sénégal, l’Etat compte sur les citoyens pour nettoyer les rues

Le président Macky Sall a donné le coup d’envoi des « cleaning days » : un samedi par mois, les habitants sont invités à ramasser bénévolement les déchets.

S’il reste encore du chemin avant que Dakar ne ressemble à Kigali, le président Macky Sall a lancé, samedi 4 janvier au Sénégal, une opération déjà très populaire au Rwanda : les « cleaning days ». Depuis le quartier Mermoz, il a donné le coup d’envoi de la première édition nationale de ramassage des déchets. Désormais, un samedi par mois, chaque citoyen est invité à descendre dans les rues de sa ville ou de son village pour en faire autant.

Si la formule n’est pas nouvelle et a déjà été mise en œuvre dans le pays par des associations locales, elle bénéficie cette fois d’une impulsion étatique au plus haut niveau, au point que « le président demande à chacun de ses politiques de se rendre dans son village ou sa région pour nettoyer devant les maisons afin d’améliorer le cadre de vie de tous », rappelle Mamadou Dia, conseiller chargé des questions environnementales et de développement durable au Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Sénégal.

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Preuve de l’importance qu’il attache à ces opérations, Macky Sall avait évoqué le sujet dès le discours d’investiture de son deuxième mandat, le 2 avril 2019, appelant à une « mobilisation générale pour forger l’image d’un nouveau Sénégal, un Sénégal plus propre dans ses quartiers, plus propre dans ses villages, plus propre dans ses villes ». De quoi laisser espérer que la nouvelle politique sera plus appliquée que l’interdiction des sacs plastiques, édictée en 2015 mais jamais suivie d’effets.

Premières critiques

 

Ces ramassages bénévoles sont sans doute une manière de pallier le manque de moyens, car au Sénégal comme ailleurs sur le continent, les services publics de nettoyage font défaut et de nombreux espaces urbains sont encombrés par des déchets déposés dans l’espace public, faute de déchetteries et autres lieux de collecte. Estimant que cet assainissement devrait passer par une politique publique plutôt que s’appuyer sur le bénévolat, les premières critiques se font déjà entendre dans un pays où les poubelles de rue manquent cruellement et, plus encore, les camions de nettoyage urbain.

Reste qu’en dépit de son côté « gadget », l’initiative présidentielle renferme un aspect pédagogique non négligeable. « Cette sensibilisation est très importante », souligne Mactar Yade, responsable marketing et communication chez Proplast Industrie, une société spécialisée dans la collecte de déchets plastiques : « Car tant que les mentalités n’auront pas évolué, rien ne bougera en matière de propreté et d’hygiène. » Pour ce professionnel, le programme du chef de l’Etat gagnerait à être complété par un volet éducatif : « Il faudrait avertir la population, notamment les jeunes, via des programmes scolaires, des vidéos sur Internet ou à la télévision, qu’une ville qui n’est pas propre est sanitairement malsaine et pas belle à voir. » Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’insalubrité environnementale provoquerait chaque année 13 millions de décès dans le monde.

Pour ne pas tout miser sur les changements de mentalité, des évolutions du dispositif répressif sont aussi à l’ordre du jour, comme la mise en place d’une brigade spéciale de lutte contre les encombrements, l’aménagement de fourrières et le renforcement des amendes contre les incivilités sur la voie publique.

L’exemple tunisien

 

Si aujourd’hui le Sénégal met l’accent sur ces mesures, des initiatives politiques plus ou moins semblables à ces « cleaning days » ont vu le jour dans plusieurs pays africains. En Tunisie, la campagne nationale « Nettoie ton pays », lancée sur les réseaux sociaux en octobre, convie la population à vider les rues de leurs déchets. Et au Cameroun, des concours sont régulièrement organisés pour désigner le quartier le plus propre du pays, afin d’encourager les habitants à améliorer l’hygiène de leur lieu de vie.

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En Afrique subsaharienne, seuls 6,6 % des déchets sont recyclés, selon la Banque mondiale. Sur les 32 millions de tonnes de plastiques présents dans les océans et sur les côtes, 4,4 millions se trouvent sur le territoire africain ou dans ses eaux (selon le Programme des Nations unies pour l’environnement), même si 34 pays du continent (contre 29 en Europe) ont déjà limité ou interdit l’usage des sacs plastiques.

 

Kadiatou Sakho

Source : Le Monde (Le 10 janvier 2020)

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