Mauritanie : Ould Ghazouani mal élu face à de multiples urgences

Le conseil constitutionnel vient de confirmer l’élection de Ould Ghazouani. Il devient ainsi le 10 président mauritanien et le 7ème chef d’Etat issu de l’armée.  Avant de prendre la location du palais de Nouakchott pour 5 ans dès son investiture le 2 août prochain c’est l’occasion pour les observateurs de jouer à l’équilibrisme entre les éventuelles corrections du régime de Ould Aziz et ses promesses de campagne.

Après sa victoire dès le premier tour avec 52 pour cent des voix et en attendant son investiture le 2 août prochain, au moins les 12 premiers mois seront un test pour le nouveau président mauritanien mal élu pour appliquer une partie de son programme promis aux mauritaniens pendant la campagne électorale qui tourne essentiellement autour de l’emploi du pouvoir d’achat de la lutte contre la pauvreté et le mal logement, contre l’insécurité et enfin le redressement économique.

Les dossiers politiques sur les droits de l’homme, la liberté d’expression, le passif humanitaire et la cohabitation, lourd héritage de Ould Aziz, pourraient être relégués au second plan compte tenu de la complexité de ces problématiques talon d’Achille du pouvoir antérieur et dont les solutions passent nécessairement par le rétablissement d’un Etat de droit basé sur le respect des institutions de la citoyenneté et des libertés et la réconciliation nationale.

Cette question centrale d’une saine république mériterait une oreille plus attentive pour l’unité nationale et la cohésion sociale fortement secouée par la crise post-électorale qui a failli basculer le pays dans le chaos d’où la première urgence le dialogue inclusif avec l’opposition pour apaiser la situation et sortir le pays des tensions communautaires.

Les dossiers les plus difficiles sont économiques et sociaux. Ould aziz a laissé une économie dans un état de dégradation avancée. Une ardoise de 5 milliards de dollars équivalant à une dette publique de plus de 80 pour cent du PIB. Un pays qui a perdu ses recettes d’exportations du fer dont la principale cause est la mauvaise gestion de la Snim, fleuron de l’industrie mauritanienne surendettée au point que le président Ould Aziz l’a cédé à une société australienne et son gendre qui redevient l’investisseur numéro avec 80 pour cent du capital. Un bradage des ressources naturelles du pays que le nouveau président devra corriger en agissant contre les forces du clientélisme, la gabegie et la corruption.

L’urgence pour le moment c’est de renégocier cet accord et de relancer l’économie par des investissements dans les deux secteurs-clés de l’agriculture et de l’élevage pour produire davantage et encourager la consommation locale. Une nouvelle politique agricole d’autosuffisance alimentaire pour faire face à la grande famine qui sévit dans les régions du Sud et de l’Est. La priorité au moins dans les premiers mois c’est de mettre en place une sorte de plan Marshall pour tenir la promesse des 50 000 emplois dont 6000 instituteurs ainsi que 10 000 logements sociaux en faveur des plus démunis et la construction de 3500 salles de classe.

Ensuite il s’agira d’augmenter les salaires pour faire face à la grogne des fonctionnaires des médecins et des enseignants depuis 10 ans. Et au chapitre de la fracture sociale Ould Ghazouani a promis 200 milliards d’ouguiya à l’agence de lutte contre la pauvreté.

Autre urgence qui concerne par ailleurs un des secteurs les plus importants du pays c’est l’éducation nationale. Il s’agira de lancer des états généraux de ce système éducatif dont l’arabisation à outrance a fait plus de torts que de biens. Il urge de trouver des solutions aux multiples maux de ce secteur abandonné au privé par son prédécesseur.

Le nouvel homme fort mauritanien compte surtout sur les retombées du pétrole et du gaz pour assainir les finances publiques et booster la croissance estimée actuellement à plus de 3 pour cent. Il partage ce dernier dossier avec le Sénégal en plus du différend au niveau de la pêche et de la transhumance du bétail.

Trois urgences qui relancent le bon voisinage avec le Sénégal et au-de-là le Mali, la Guinée pour l’OMVS. Et le Niger, le Burkina et le Tchad pour le G5 Sahel pour la question urgente sécuritaire au Sahel. La plus grande urgence est de réparer les dégâts de la crise post-électorale pendant laquelle le régime de Ould Aziz a instrumentalisé les ressortissants maliens sénégalais et gambiens lors des manifestations pour arrêter et emprisonner des opposants afro-mauritaniens et militants et sympathisants de la coalition du VE du candidat KHB entraînant ainsi l’expulsion manu militari d’une centaine de sénégalais.

Au plan diplomatique parmi les urgences figurent en bonne place les relations avec la RASD qui semblent froides avant même que Ould Ghazouani prenne fonction avec en toile de fond le silence du Polisario qui s’est gardé de féliciter le vainqueur. Et les observateurs ne doutent pas du changement dans la continuité de la politique africaine et arabe de Nouakchott ainsi que la France et l’Union européenne en particulier dans la lutte contre le terrorisme islamiste. C’est ce volet sécuritaire qui fait du nouveau chef de l’Etat un candidat crédible de leader dans la sous -région confrontée depuis déjà plus de 5 ans à des attaques permanentes des Jihadistes dans le Sahel. C’est l’héritage le plus positif de Ould Aziz qui offre à son successeur une bonne pièce du puzzle du G5 Sahel en l’occurrence le commandant en chef le Général Hasni Ould Hanena qui serait promu futur ministre de la défense.

En attendant de prendre officiellement ses fonctions les observateurs s’interrogent sur les marges de manœuvre du nouveau président élu grâce à son mentor qui a le choix à tout moment de prendre sa retraite dorée tranquillement dans sa seconde résidence aux Emirats arabes unis.

 

Bakala KANE

(Reçu à Kassataya le 05 juillet 2019)

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