Interview de Ndiawar Kane auteur du roman « le sentier sinueux » publié par l’Harmattan-Sénégal

Interview de Ndiawar Kane auteur du roman « le sentier sinueux » publié par l’Harmattan-Sénégal

 

Par le journaliste Bakala Kane

 

«  Les africains de ma génération ont subi d’une façon ou d’une autre l’influence positive de « l’Aventure ambigüe»

 Ndiawar Kane est un citoyen mauritanien, originaire du Fuuta Tooro (vallée du fleuve Sénégal) et titulaire d’un diplôme supérieur de géographie. Depuis 89 il est consultant indépendant après avoir exercé le métier d’enseignant. Il vient de publier un roman « le sentier sinueux » qui s’inspire de l’expérience des luttes africaines des années post indépendances. Profitant de son séjour à Nouakchott le journaliste collaborateur de Kassataya l’a rencontré.

Quelles significations donnez-vous à l’illustration par vous du roman ?

NK : l’image de la page de garde représente le « Bou el Moghdad », un bateau mythique des habitants de la vallée du fleuve Sénégal. Il a été, pendant des décennies, un des rares moyens de transport des Fuutanke, un relai économique et culturel entre le Fuuta et le reste du monde.

De Tofal son village natal à Waalafenndo en pulaar qui veut dire la France. C’est le parcours complexe de Demba le héros du livre dont les ressemblances avec Samba Diallo de Cheikh Hamidou Kane qui a préfacé l’ouvrage sont frappantes même jusqu’au personnage de Ceerno le maître de l’école coranique. Expliquez-nous cette similitude ?

NK : Waalafinndo représente l’Occident (y compris la France). La ressemblance avec « L’aventure ambigüe » se résume à la rencontre avec « l’Occident conquérant ». Il reste qu’on ne peut parler du Fuuta Tooro, sans évoquer la très forte influence de la religion. Celle-ci est une donnée fondamentale de l’existence du Fuutanke et ce, depuis plusieurs siècles.

Toutefois, l’environnement politique et social de Demba est différent de celui de Samba Diallo, en ce sens que « l’aventure ambigüe » a été écrit au début des années soixante, alors que « le sentier sinueux » s’inspire de l’expérience des luttes des années suivantes.

En outre, « le sentier sinueux » fait état de relations entre frères, avec la place qu’occupe chacun selon l’ordre de naissance. Et, ces relations révèlent la persistance de ces considérations, en dépit de la résilience « face à la double désagrégation (des) environnements, écologique d’un côté, et culturel, de l’autre », comme le souligne Cheikh Hamidou Kane.

Je dois préciser que tous les Africains de ma génération ont subi, d’une façon ou d’une autre, l’influence positive de « l’aventure ambigüe ».

Effectivement Demba est partagé entre l’ordre ancien et le nouveau monde entre la tradition et la modernité qui fait rêver au changement de mentalités des gens du Grand Fleuve et du pays. Mais dans cette quête de savoir il ne trouve pas le bonheur mais le doute permanent. Est-ce que la solution c’est de changer l’ordre ancien en le remettant en cause pour promouvoir le progrès économique et social surtout dans ces Etats africains en pleine mutation ou accepter le nouveau monde ?

NK : comme vous pouvez le constater, Demba n’a pas choisi ou, plus précisément, il « a choisi de ne pas choisir». A l’image du panier de la femme qui récolte le fonio, Demba garde ce qui est au fond de sa culture, tout en s’enrichissant des apports féconds de l’extérieur.

Par ailleurs Demba préconise une démarche progressiste pour faire face au nouvel ordre c’est-à-dire prendre tout ce qui est positif dans l’école moderne. Les interrogations sur les principes d’égalité et de liberté par rapport à l’égalité et l’inégalité dans l’islam et le respect des anciens dans la tradition sont très significatives dans les réflexions de Demba. Partagez-vous ce regard ?

NK : Demba, comme la plupart des jeunes Fuutanke de sa génération, font face à cette question fondamentale de la promotion du progrès économique, social, culturel, dans un environnement encore très marqué par des contraintes sociales, profondément vécues comme données intangibles.

Vous utilisez beaucoup de mots en langue pulaar votre langue maternelle. Quelles explications donnez-vous à ce choix ?

NK : il parait naturel, à défaut d’écrire dans ma langue maternelle, d’user de termes de cette dernière, dont la traduction pourrait en amenuiser la portée.

A juste titre vous faites comprendre au lecteur l’importance même par exemple du prénom de Demba dans la tradition peule, qui obéit à l’ordre de naissance des enfants garçons et filles. Peut-on dire que cette hiérarchisation des prénoms tend à disparaître chez les gens du Grand Fleuve confrontés aujourd’hui à un monde devenu un village planétaire ?

NK : à ma connaissance, ce que vous appelez « hiérarchisation » demeure une donnée permanente dans la tradition des gens du Grand Fleuve. Mieux, la langue pulaar comporte des expressions relatives à celle-là : « sambaajo » ou « kumbaajo » par exemple, sont couramment employés parles locuteurs pulaar.

C’est enfin de compte tout le parcours de Demba, un long chemin sinueux qui résume ce roman quasi autobiographique. Sur quelle problématique envisageriez-vous la suite du roman ? Sinon pourquoi ?

NK : je dois préciser que ce roman n’est pas autobiographique. Il reste que « le sentier sinueux» comme toute fiction,  a pu emprunter des éléments de mon vécu,  pour tracer le parcours de Demba.

Je souhaite avoir encore assez de temps et d’énergie pour écrire. Le choix du thème dépendra de mon inspiration du moment.

 

Propos recueillis par Bakala Kane

 

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