Aucun écrit ne saura célébrer Baaba Maal aussi bien qu’il nous a chantés et enchantés. Depuis tant d’années! Nous, Haalpulaaren principalement. Mais, dieu merci, pas seulement. Le rejeton du Futa, icône planétaire grâce à son talent, sait, mieux que personne, commémorer nos grands hommes et, de ce fait, les rendre encore plus grands.
Ils appartiennent à la sphère traditionnelle et religieuse avec Souleymane Bal, Alfa Yaya Diallo, Elimane Boubacar Kane, Mountacka Tall, Seydou Nourou Tall, guerrière avec Samba Gélajo, militante avec Lamine Senghor et Nelson Mandela voire sportive avec le lutteur Diouggal Diaw que célèbre la chanson Déliya.
Le messager de la nuit (kettoodé daandam nder jamma), bien avant le Night calls de Joe Cocker, est sinon l’historien au moins le greffier scrupuleux de notre patrimoine. Il parvient à nous faire aimer et entrer dans la vie des grands hommes par la chanson. Comme savait le faire le Congolais Franklin Boukaka dont le mythique « Les immortels » fit revivre Um Nyobé, Félix Moumié, Albert Luthuli, Simon Kibangu, Barhélémy Boganda…Mehdi Beb Barka,.Comme Sory Kandia avait su le faire avec Samory Touré, Kémé Bouréma, Alfa Yaya Diallo, Boiro Mamadou et…Mbalia Camara.
« Transethnique » et panafricain, Baaba Maal enjambe avec allégresse, à travers ses chansons les barrières ethniques et nationales. En interprétant « Minuit », il va titiller les cadors, les gardiens du répertoire mandingue, les Facelli Kanté, les Papa Diabaté, Kassémady, Sory Kandia et autres Salif Keita.
Notre Baaba universel a su également et surtout magnifier nos contrées et nos villes, dont celles de son coeur, quitte à les enjoliver: Maacina tooro, Fouta, Waalo. Qui n’a eu envie de séjourner à Douwaira, à Ndioum ou Podor après avoir eu dans le tympan l’ ode à ces villes? Les artistes ont le don de rendre beau et au besoin d’embellir. On leur pardonne bien entendu . Qui peut résister à l’envie de flâner à Conakry, de voguer sur Tinkisso en écoutant justement Conakry et Tinkisso précisément de Sory Kandia Kouyaté le magnifique?
Qu’elles soient de geste (Thiaaroye), d’amour (Guidelam), d’hommage triste (Baayo), de promotion « identitaire » (Akuyaaji), d’hymne au voyage (Bouyel) et même simplement récréatives (wango arti), les chansons de Baaba Maal et sa voix touchent au plus profond tant elles sont vibrantes et envoûtantes . Les Américains avaient surnommé Frank Sinatra the voice. Il n’est pas interdit de voir midi à sa porte et de réserver ou à tout le moins de « co-décerner » ce titre à Daandé Légnol (que je préfère traduire par la voix de notre peuple. A chacun la sienne. A chacun son archétype vocal.
Il n’est pas donné à tout chanteur de vous déporter au coeur du Fouta en étant à Wembley ou New York. Il n’est pas donné à tout artiste de préférer et de privilégier par générosité et par fidélité un concert dans une foyer de travailleurs parisien à un festival autrement plus lucratif de milliers de personnes. Générosité légendaire. Générosité faite homme. Tant et si bien que les « vrais rois » du Yéla, à l’image de son complice de toujours, Mansour Seck, ne s’offusquent pas quand on proclame l’artiste « roi du Yéla ».
Baaba Maal est assurément un des nôtres.Il est entré dans nos vies depuis si longtemps et donne l’impression de parler à chacun de nous qu’on a l’impression que le temps et le poids des années n’ont pas de prise sur lui. Allez. Cédons à la facilité. « Il n’y a pas de mal à se faire du bien ». Il y a si longtemps que Baaba Maal nous fait du bien. C’est pour cela que nous l’aimons tant. Honni soit qui mal y pense. Honni soit qui « maal » y pense.
Tijane Bal
Facebook – Le 29 janvier 2019
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