La récurrence des incidents entre pêcheurs Guet-ndariens et nos gardes côtes risque d’entrainer des conséquences graves si l’on ne prend garde

Le dernier épisode de ce long feuilleton macabre est plus que dramatique. Ironie de l’histoire, c’est justement à cause de ce type d’exactions que cette bande de terre à la confluence de deux frontières  a été  baptisée par les colons  “ langue de barbaries”.
Si l’émotion des populations concernées est tout à fait compréhensible, nos gouvernants doivent agir avec responsabilité, et il est  heureux de constater que c’est ce qui semble être le cas pour le moment. Cependant, les responsabilités doivent être situées. Cette réponse disproportionnée ne peut être l’œuvre d’un subalterne; l’ordre vient vraisemblablement de la hiérarchie. Ceci soulève tout un tas de questions. Y a t- il une politique définie, une législation claire ou un modus opérandi précis de protection de nos cotes contres la pêche non autorisée? Ou simplement la réaction varie –t- elle en fonction de la géopolitique interne, de l’humeur des autorités ou de l’état d’esprit des agents de l’Etat. Une chose est sure, ce genre d’incident ne se produit nul par ailleurs le long de nos côtes. Nul n’a jamais entendu ce type de drame au large de La Gouera par exemple ou ailleurs. Nos ressources halieutiques continuent à être pillées par  de gros navires étrangers, mais personne n’a jamais été tué.
Personne ne s’y trompe; ces réactions sélectives rentrent dans un schéma global de harcèlement et de l’intimidation de tout étranger noir. Des contrôles intempestifs; des rafles quotidiennes, des reconduites à la frontière régulières, voici le lot quotidien des africains en Mauritanie. Ce traitement n’est jamais réservé aux autres étrangers; en particulier arabes. Dieu sait que  nombreux  parmi eux violent nos lois au vu et au su  de tout un chacun. Ce  sont la  des  faits; à chacun son interprétation, mais la vérité est unique.
La lecture de cet  événement doit être faite sous cet angle : la discrimination raciale en Mauritanie , non en fonction d’un quelque protocole ou convention entre les deux pays.
C’est pourquoi, aucune solution viable ne peut être  trouvée sans un changement de paradigme de nos autorités, de notre classe politique et de nos compatriotes arabo-berbères. Ce changement doit s’opérer à deux niveaux.
D’une part il faut intégrer,  enfin, le fait que les africains  ne sont pas des étrangers en Mauritanie; ils sont chez eux avec leurs frères de race , les Negro-mauritaniens qui sont aussi autochtones dans  ce pays comme leur concitoyens arabo-berbères.
Ensuite il faut contextualiser cette notion même de frontière; celle-ci dans notre culture peut être certes perçue comme une limite, mais jamais comme une barrière. Aujourd’hui, c’est Saint – Louis qui est sous  les feux de l’actualité, mais le harcèlement le long de la frontière est monnaie courante pour touts les habitants de la rive gauche du fleuve.
En effet, ces populations sont devenues les victimes collatérales du racisme  d’Etat qui sévit contre leurs frères negro-mauritaniens.  Ces trois dernières décennies ont vu la mise en œuvre de toutes  une série de mesures sournoises à  leur égard par nos autorités. Mesures qui ont pour conséquences des tracasseries permanentes, un raquetage organisé et des brimades intolérables.
Traverser le fleuve pour visiter sa famille, pour une cérémonie religieuse ou autre  est devenu un vrai parcours de combattant. Même visiter ses morts c’est la croix et la bannière. Ce qui ne devrait pas être le cas.
Qu’il s’agisse du Walo, du Futa ou du Guidimakha, la notion de frontière est plus qu’abstraite. La mer ou le fleuve ne sont pas des lignes de démarcation mais plutôt des matrices fondatrices de tout un mode de vie. Si pour Hérodote: “l’Egypte est le don du Nil”, pour ces populations ce fleuve est un  don de  Dieu, une source de vie. C’est sous ses injonctions que toute activité prend forme. Les lieux d’habitations, les champs de culture, les aires de jeu, sont dictés par le caprice des eaux. Les mariages, les compétitions et même l’émigration dépendent de la crue ou de son absence.
Tout ceci pour dire combien ce concept de frontière est subjectif. Là où les Etats agissent en terme de souveraineté territoriale, les populations raisonnent en terme d’accès aux ressources mises en valeur par leurs ascendants. Dés lors il est essentiel de tenir compte de cette réalité dans toute tentative de résolution de cet épineux dossier.
Il faudra sortir des sentiers battus pour trouver une solution politiquement courageuse, bilatéralement juste et culturellement acceptable. En un  mot il faut trouver un juste équilibre  entre le désir d’exercer la souveraineté sur son territoire et la réalité historique des populations autochtones.
La lutte continue!
Abou Hamidou Sy FPC/ Amerique du Nord.

 

(Reçu à Kassataya le 04 février 2018)

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