Le match de la semaine : Mohamed Ould Abdelaziz face à Mohamed Ould Bouamatou

Issus de la même tribu, la mésentente des deux cousins va au-delà de la simple querelle de famille.

Depuis plusieurs mois, à Nouakchott, Mohamed Ould Abdelaziz, le chef de l’État, monte un épais dossier contre son riche cousin, Mohamed Ould Bouamatou. Méthodiquement et dans le plus grand secret.

 

Mis en examen pour corruption en août 2017, l’homme d’affaires fait l’objet d’un mandat d’arrêt en Mauritanie, lequel a ensuite été transmis à Interpol, qui ne l’a pas encore diffusé.

Le président mauritanien et son cousin n’en font pas mystère : ils sont en guerre

 

Les enquêteurs estiment avoir établi l’existence d’un lien financier entre le patron du groupe Bouamatou SA (BSA) et Mohamed Ould Ghadda, un parlementaire accusé d’avoir acheté les sénateurs afin qu’ils rejettent, le 17 mars dernier, le projet de réforme constitutionnelle qu’« Aziz » appelait de ses vœux.

La brève arrestation, lors d’un contrôle de douane, de Mohamed Ould Debagh, le bras droit de Bouamatou, et la saisie des documents qu’il transportait dans sa voiture leur auraient permis d’étayer leurs accusations.

Une histoire de famille

 

Le président et son cousin ne font plus mystère de la guerre qui les oppose. Pourtant, avant qu’Aziz arrive au pouvoir, les deux hommes ne se connaissaient pas. Certes, ils sont issus de la même tribu, les Ouled Bousbaa.

Mais, tout à son business, Bouamatou s’était avantageusement associé à Ahmed Ould Taya, frère de l’ancien chef de l’État, Maaouiya Ould Taya. Discret commandant du Bataillon pour la sécurité présidentielle (Basep), Aziz se tenait, lui, éloigné des affaires de la tribu.


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C’est la politique qui les a, dans un premier temps, rapprochés. En 2006, un conflit éclate entre le patron de BSA et son vieil allié, le président Ely Ould Mohamed Vall. Bouamatou reprochait à « Ely » d’avoir autorisé l’ouverture d’une troisième licence de téléphonie mobile (Bouamatou est actionnaire de la première, Mattel) et favorisé l’implantation de la Société générale, alors que la Générale de banque de Mauritanie (GBM) est le navire amiral de BSA.

À peine élu, en 2007, Sidi Ould Cheikh Abdallahi ne se montre guère mieux disposé à son égard.

Quand Aziz s’empare du pouvoir, en 2008, son cousin lui apporte son soutien. Il négocie pour que les autorités françaises prennent acte du putsch en recourant à l’entregent de l’avocat Robert Bourgi (tous deux se sont rencontrés à Saint-Tropez grâce au Sénégalais Karim Wade), et finance la campagne présidentielle d’Aziz en 2009.

Mais Bouamatou devient trop présent aux yeux d’Aziz, qui s’en agace. Premier accroc pendant la campagne, quand ce dernier transfère à son domicile le QG que Bouamatou avait installé à l’hôtel Atlantic, puis menace de diffuser une liste d’hommes d’affaires s’étant selon lui rendus coupables de malversations.

Tribune d’honneur

 

Une fois au pouvoir, Aziz refuse de nommer des proches de son cousin au gouvernement (hormis Ousmane Kane, aux Finances) et retire à la GBM les privilèges dont elle bénéficiait. Le jour de son investiture, il n’a pas invité Bouamatou à la tribune d’honneur. Ces tensions poussent l’homme d’affaires à s’expatrier à Marrakech en 2010, puis à se replier à Bruxelles fin 2017.

À travers plusieurs journaux et sites internet (notamment Cridem, dont il est l’actionnaire principal), il dénonce la « corruption » et le « népotisme » d’un président « de plus en plus despotique », qu’il accuse par ailleurs de manœuvrer pour se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son second mandat, en 2019.


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Aziz riposte sur le terrain judiciaire. Mi-décembre, à Paris, ses avocats ont coordonné le dépôt de deux plaintes en diffamation, visant notamment le site Mondafrique, financé par Bouamatou.

Elles émanent du général Ndiaga Dieng et de Zine El Abidine, le président du patronat, tous deux cités dans un rapport de Sherpa sur la corruption en Mauritanie. Une association que dirige William Bourdon, par ailleurs avocat de Bouamatou…

Justine Spiegel

 

 

 

 

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