Selon le haut-commissaire aux droits de l’homme Zeid Ra’ad al-Hussein, 626 000 Rohingyas, minorité musulmane de Birmanie, ont fui vers le Bangladesh.
Les violences contre cette communauté se sont exacerbées depuis 2016, mais elles sont récurrentes depuis des décennies.
Lors d’une session spéciale du Conseil des droits de l’homme (CDH) tenue ce mardi au Palais des Nations à Genève, le haut-commissaire aux droits de l’homme Zeid Ra’ad al-Hussein n’a pas mâché ses mots pour condamner les graves violations des droits dont est victime la minorité musulmane des Rohingyas en Birmanie. Au 2 décembre, 626 000 Rohingyas vivant dans le très pauvre Etat du Rakhine, en Birmanie, ont fui vers le Bangladesh. Plus de la moitié de cette communauté semble avoir été forcée de quitter cet Etat à l’ouest du pays.
Plusieurs témoins ont décrit de façon concordante «des actes incroyablement barbares commis contre les Rohingyas comme brûler à mort des [Rohingyas] dans leur maison, tuer enfants et adultes, tirer de façon aléatoire sur des civils qui s’exilent, violer femmes et jeunes filles, incendier et détruire habitations et écoles, marchés et mosquées».
Des attaques systématiques
Pour le haut-commissaire, ces campagnes de violence ont été «commises contre les Rohingyas parce qu’ils sont des Rohingyas». Il a réitéré le fait que les graves violations des droits humains semblent relever d’attaques systématiques contre cette communauté qui pourraient être considérées comme des crimes contre l’humanité et que la Cour pénale internationale devrait s’en saisir.
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Des retraits de droits depuis les années 1970
Si les violences sont particulièrement aiguës depuis l’an dernier, elles sont loin de se limiter à une époque récente. Depuis les années 1970, il y a déjà eu plusieurs exodes de plusieurs centaines de milliers de Rohingyas fuyant les persécutions. En cause, a expliqué Zeid Ra’ad al-Hussein, la loi birmane de 1982 sur la citoyenneté, qui refuse aux Rohingyas un accès réel à la citoyenneté, rendant ces derniers apatrides et privés de leurs droits civils et politiques. On leur a retiré leurs cartes d’identité, leur droit de vote et leur droit de former un parti politique.
A titre d’exemple, les enfants de cette minorité musulmane se sont vu refuser tout certificat de naissance au moins depuis 1990. Aucun musulman n’a été autorisé à aller à l’université dans l’Etat du Rakhine. «En tant que non-citoyen de Birmanie, poursuit le haut-commissaire, les Rohingyas n’ont pas droit à une formation professionnelle, qu’il s’agisse de métiers de la santé ou dans l’enseignement. Dans l’Etat du Rakhine, des lois locales exigent d’eux qu’ils demandent une autorisation pour se marier, pour construire et réparer une maison.» Des mines auraient par ailleurs été posées par les forces de sécurité birmanes en août dernier sur la frontière avec le Bangladesh.
Sévères critiques à l’égard du gouvernement
Sans nommer la Prix Nobel de la paix de 1991, Aung San Suu Kyi, le haut-commissaire a condamné en termes sévères le gouvernement birman qui «a totalement omis d’agir en fonction des recommandations» faites par le Conseil des droits de l’homme et le haut-commissariat. Un projet de résolution soumis mardi matin aux membres du CDH exhorte le gouvernement birman à garantir la protection des droits de l’homme de toute personne, y compris les Rohingyas.
Président de la Mission internationale et indépendante d’établissement des faits sur la Birmanie, Marzuki Darusman précise que de multiples interviews ont été menées auprès des Rohingyas dans le camp de réfugiés près de Cox’s Bazar au Bangladesh. Plus de la moitié des réfugiés recensés sont des enfants qui ont vu de leurs propres yeux leur père se faire tuer, leur mère et sœurs se faire violer et leurs frères et sœurs se faire brûler. «Nous avons entendu des témoignages relatant le fait que des jeunes filles ont été violées, égorgées et brûlées à mort. Des femmes parlent de viols de masse dans la jungle.»
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Marzuki Darusman a souligné que certains estiment qu’un génocide ou des crimes contre l’humanité ont été commis. «Nous n’avons tiré aucune conclusion à ce stade, a-t-il déclaré, mais nous prenons ces accusations très au sérieux et les examinons de très près.»
Stéphane Bussard
Source : LeTemps (Suisse)
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