Nous et les autres…jusqu’à présent

Cette vidéo de ce chinois qui dépeçait un chien vivant m'obsédait.

Depuis que par une curiosité injustifiée j'avais cliqué sur le "Play" de cette maudite scène.

Cet animal qui passait par cette épreuve atroce et qui dans un dernier et vain effort essayait de mordre la main de son bourreau, hilare et veule, était insoutenable. Ce drame immoral me fichait une nausée écœurante qui, tout au long de cet interminable trajet me priva de toute nourriture. Ce chien était en quelque sorte une partie du corps vivant universel, que cet homme pour des raisons incroyablement sadique, écorchait pour indisposer le club des vivants.

Ou va ce monde? Dieu Seul peut savoir !!

Et cette autre scène de cet autre chinois qui brulait un veau vif promenant minutieusement un lance-flamme sur son corps? Il savourait apparemment le résultat de cette torture gratuite avec un air lutin, qui donnait envie de lui tordre le cou.

De jeunes syriens qui "épluchaient" tranquillement la peau de l'un des leurs, des cigarettes au bec, à la western, les yeux pétillant de plaisir et de sadisme, comme s'ils assistaient à une scène dont ils n'étaient pas les auteurs.

Ce monde est-il fichu ? Le passé est passé et avec lui les derniers relents de la compassion humaine.

Ces bébés qu'on tire des décombres encore fumant de logis qu'une aviation super performante, venait de réduire en une poussière atténuée par la chair humaine, encore humide de sang et palpitante de terreur, pétrie pour l'éternité avec les gravats de béton armé?

Les nations-unis un vieux rêve jamais réalisé? Un vieux mastodonte en papier, qui de temps en temps soulevait pesamment une paupière pour rappeler son existence.

Un homme qui était femme venait de faire un enfant à une femme qui était homme à la naissance!!!!

Objectif dénaturer la création ???

Des clichés inquiétants et irréels de l'évolution d'un monde qui se déprave à la vitesse de la lumière.

Hommage à la brousse primitive et rétrograde ou j'ai pour la première fois ouvert les yeux et commencé à percevoir les contours de ce monde.

Pourquoi toujours me tracasser et souffrir de choses qui ne dépendent ni de ma volonté ni de mon vouloir?

Voilà la question.

Et comment puis-je vivre indifférent à un monde qui m'entoure et m'étrangle, comme un boa géant?

A mes yeux, la vie n'est plus qu'un océan d'équations irrationnelles que je dois traverser avec une frêle barque d'ahurissement, d'impuissance et de révolte.

L'avion de la Turkish Airwaiys venait de se poser en douceur sur le tarmac de l'ancien aéroport de Nouakchott. Aussitôt les passagers mauritaniens se levèrent comme mus par un ressort invisible. Chacun pressé de voir les siens, se hâtait d'ouvrir les cases au dessus des têtes pour récupérer ses bagages de cabine.

Comment va la Mauritanie???

Comment vont les chiens de Mauritanie et ses ânes. Je ne pu m'empêcher de frissonner. Y-a-t-il menace sur ces anciens camarades de mes escapades dans la campagne quand je gardais les moutons?

Les idées sont elles restées les mêmes ou bien l'évolution agressive de la mondialisation avait-elle fait des ravages ici encore?

Je m'assurais que mon pied était bien posé sur cette terre que j'aimais tant. L'atmosphère presque irréel de cet aéroport, réduit à la plus simple nécessité, contrastait avec les différents aéroports par lequel je suis passé. Le notre était de beaucoup moins bruyant, moins composé et plus avenant.

Tout dans ce tableau enveloppé par la semi pénombre, me procurait une joie immense.

Tout est simple et modeste, mais tout avait un charme caché que seul celui qui n'a pas visité la terre natale pour une longue période pouvait apprécier.

Je passais à coté de quelques policiers et gendarmes, que je saluais machinalement. Ils semblaient tous, malgré une vigilance presque fraternelle, s'être incrusté généreusement dans ce décors, familial pour accueillir les nouveaux arrivant. Des formalités réduites à leur stricte minimal, et me voilà déambulant dans la longue rue reliant l'aéroport à chez moi.

Beaucoup de chose ont changé en apparence. La ville éclairée et les lampadaires alignés à la limite de la vue semblaient témoigner d'un travail de titans accompli dans cet espace ou le panorama était resté figé pour de longues années. Et pourtant je sentais un malaise profond. Je ne savais pourquoi.

Machinalement j'ouvris mon I-phone. J'avais écris quelque chose sur le net. Je ne savais plus ni ou, ni quoi, ni pourquoi.

Un commentaire sauta à mes yeux. Juste comme pour me souhaiter la bienvenue : " Hanefi Pourquoi tu n'as pas parlé des militants de l'IRA jetés en prison ?!!Mouchard des bénis oui-oui."

Et un autre, plus informé : "Hanefi !! Tu commence à retourner la veste." Et encore une autre salve " le chien de Pavlov est meilleur que toi."

Quelle hospitalité instantanée, spontanée et inamicale !!!

Le premier tir ami est signé … (f). Ce qui en langage cridemien signifie femme.

Les cordes vocales des réseaux sociaux continuent à me poursuivre jusqu'aux confins de mes vacances.

Qui sont les béni oui-oui? Et quelle veste je m'apprêtais à retourner? Moi qui n'ai jamais fait de politique, ni courtisé une autorité !!! Pourtant les anciens nous disaient que "Fuir était une décision honteuse, mais qu'elle permettait de sauver la peau." Eh bien Non !!!! Personne plus jamais sur la planète ne sera plus à l'abri de ces flammes et ces braises qui léchaient et incinéraient la surface de la planète.

Cette fois-ci j'avais deux mois et vingt jours de vacances et je comptais sortir de ces toiles d'araignées de malheur.

La Mauritanie en quatre vingt jours !!!

A Bezoul. Il n'y-a ni électricité, ni internet, ni partis politiques, ni même du pain.

Je ne pouvais mettre le doigt exactement sur le pourquoi de ces haines qui se déchainent entre des "amis" "virtuels" et qui par gesticulations interposées animent une haine innommable au nom d'un peuple pour la plupart analphabète et tout à fait indifférent aux prétentions et manigances de la civilisation.

Je m'attendais presque à trouver la ville à feu et à sang.

Tout le monde publiait tellement toute chose que mon cerveau encore endolori par les longues veilles entre le ciel et la terre, cherchait à percevoir quelque flashs de catastrophes de crimes de meurtre ou de hold-up à mains armées que je lisais chaque jour là sur les pages de cette toile d'araignée.

"Or quelle demeure est plus précaire que celle de l'araignée?"

Pourquoi les gens usent-ils de toutes leurs capacités cognitives pour dévier du chemin de ce qui est meilleurs pour eux et pour les leurs? Voilà une sombre énigme nouvelle que les penseurs et les réseaux sociaux doivent essayer de résoudre.

Ne sont-ils pas les artisans de ces coliques de libertés de paroles qui ont dépouillé plus d'un et détruit plus d'une nation?

Ce problème relève de la responsabilité de ceux qui l'ont crée et entretenu.

A la maison, je me hâtais d'ôter le costume occidental, qui me serrait et portais un ample boubou de "Chegga" (La déchirure). Qui s'est amusé à nommer ainsi ce tissu si compact et si doux au contact du corps ?

Je voyais déjà les mains expertes d'un parent venu m'accueillir jongler avec la théière pour faire mousser les verres de 8 que je chérissais et dont j'avais une terrible nostalgie.

Excepté quelques dépôts de poussière qui se sont installés durant notre longue période d'absence, la maison était là, inaltérée.

Il est vrai que les branches des arbres avaient un peu occupé anarchiquement certain espaces, mais j'avais devant mes yeux le décor fidèle, que j'avais laissé il y a une certaine période.

Je demandais les nouvelles de mon voisin Yarba. Il est mort. Par une aube froide et sans crier gare, il a quitté cette terre. Sa femme couchée à coté de lui n'avait rien su et s'apprêtait à le réveiller pour la prière matinale quand une position inhabituelle de son corps, lui fit comprendre qu'une l'une des pages, la page de sa vie venait de se tourner à jamais.

Yarba et qui te dira qui est yarba? Une personne tellement ordinaire tellement modeste et tellement simple, que sa présente était égale à son absence.

Un homme si croyant et si convaincu de la valeur désuète de ce bas monde, que jamais son visage n'exprimait autre chose que cet air narquois et amusé devant toutes les évolutions de cette vallée de larmes.

Repose en paix Yarba. Je regretterais amèrement les fois ou assis dans ta boutique, j'ai bu un thé rouge foncé dans tes vieux ustensiles de thé jaunis par la théine et rouillés par le temps.

Je penserai avec amertume à la ténacité de tes positions quand tu me demandais pourquoi j'acceptais de partager les idées de gens qui n'ont pas été circoncis. Maintenant tu es parti et j'ai compris que ton indifférence était le plus grand défi qu'on puisse lancer à un monde dont les principes la morale et les valeurs se désagrègent à vue d'œil.

Ton chat "Mous" témoignera de ton humanité. Toi qui ne le laissait jamais sur ta peau de prière, mais qui veillait à le nourrir, comme on veille sur son enfant. Toi qui as compris que la miséricorde de Dieu couvre tout être et toute chose.

Je ne pu m'empêcher de revoir ces ustensiles posés à quelques mètres devant votre tente pour nourrir le chien de la famille. Ces fameux "meylaq" ou les femmes et les enfants versaient le reste des repas pour que les canidés partagent avec la race humaine la pitance dont aucun être vivant ne peut se passer.

Ici on ne torture pas les animaux.

Ici Seul le Dieu du feu peut bruler par le feu.

Ici, le sang humain est encore sacré.

Ici la nourriture, une fois servie, est pour tout le monde.

Ici quand on se tourne vers Dieu, on fait vivre, non mourir.

Ici le dormir est Bismillah et le réveil est alhamdoulillah.

Ici encore il subsiste quelque chose de ce qui fut.

Ici n'est pas comme là bas.

Là bas aussi il y avait la paix

Là bas il y avait des mères, des oncles et des tantes qui aimaient les leurs.

Là bas il y avait beaucoup d'espoirs, d'ambitions et de projets.

Là bas les familles se réunissaient autour de repas fumants et échangeaient beaucoup de douces choses.

Ici, comme là bas quand la paix s'envole, elle connait difficilement le retour.

Le 15 septembre, je roulais sur la route vers Oum Tounsi, le nouvel aéroport de Nouakchott. De ce coté de la capitale, que je n'ai jamais visité, ma surprise fut très grande. Le réseau routier était à la mesure d'une fierté nationale. Les bords de l'autoroute jonchés de drapeau palestiniens et mauritaniens n'avaient pas grand-chose à envier aux pays ou je vais. L'aéroport était moderne, beau et propre.

Certes le contraste de villas super luxueuses du quartier de Tevraq Zeyna que je traversais sur la route de Noudhibou, avec les quartiers modestes de l'autre coté de la ville, créait un malaise dans mon esprit.

La griffe de l'injustice sociale faisant toujours germer la mésentente et les dissensions.

La Mauritanie a avancé. Elle avance lentement mais surement.

Quand le gros Boeing se détacha nonchalamment du sol national, une nuée de question m'obsédaient :

Donnera t on à ce pays la chance de se développer?

Les mauritaniens apprendront-ils assez du monde qui les entoure?

Les mauritaniens sauront-ils que la justice, la fraternité et la solidarité constituent leur seule chance de résister aux coups de boutoir d'un monde qui brule et qui prend plaisir à bruler?

Les mauritaniens sauront-ils à temps qu'un projectile peut être lancé, mais qu'on ne peut le contrôler par la suite?

Une parole au bout d'une langue, peut incendier des milliers de corps.

Un moment je pensais à la confiance aveugle que j'avais en ce pilote qui me conduisait entre ciel et terre à des hauteurs vertigineuses et sur des distances démesurées. J'avais confiance en lui. Je ne l'avais pourtant jamais vu.

Pourquoi ne nous faisons-nous pas confiance? Et pourquoi ne pas être à la hauteur des confiances qu'on place en nous?

La foi se serait-elle foirée au bout des langues, refusant d'atteindre les cœurs?

En tout cas, et comme Dieu a dit : "Tout ce qui vous atteindra de mal sera le fruit de vos actes."

 

Mohamed Hanefi

Koweït.

 

(Reçu à Kassataya le 19 octobre 2016)

 

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