Autour d’un thé

A chaque époque, ses phénomènes. Généralement extraordinaires. Par quelque chose. N’importe quoi. Ça peut être de l’extravagance. N’importe quelle extravagance.

Ça peut être de l’exagération. N’importe quelle exagération. Dans les actes. Dans les dires. Dans les délires. C’est pourquoi l’on peut dire que c’est un phénomène naturel, humain. Il y en en tout. Des chauffeurs phénomènes. Des journalistes phénomènes. Comme il en existe beaucoup. La preuve : les généraux phénomènes. Il paraît que ceux qui en sont n’en sont pas. Des professeurs d’université phénomènes. Qui veulent ne rien enseigner et continuer à percevoir de grosses rétributions contre rien. C'est-à-dire que phénomène-là s’applique à tout ce qui est phénomène. C’est ça, le problème de vouloir expliquer ce qui est clair, ça devient « inclair ». Par exemple, quand, moi, je vais à Néma ou à Nouadhibou et je te dis : « Tu es un esclave », quelqu’un va à Toujounine pour rassembler des gens et leur dire que, moi, je t’ai dit : « Tu es un chriv ». Ou que je te dise de te lever et que l’interprète te dise que je t’ai dit de t’asseoir. C’est un peu ça, être un phénomène humain. Quelqu’un peut être professeur des universités et être un véritable phénomène.

Une catastrophe, même. Des présidents de partis phénomènes. Plus la traversée dure, plus la phénoménalité (je ne sais pas si ça existe)  se développe. On dit des choses. On s’accroche. On fait de grands signes. Au secours. SOS plus esclaves mais SOS-Harratines qui attendent, depuis longtemps, de reprendre la main. Ainsi deviennent-ils des phénomènes. Des phénomènes sur Al Wataniya. Des phénomènes sur la Mauritanienne. Des phénomènes sur Sahel. Exactement comme la célèbre Nana Topak, la vedette du Whatsapp. Un phénomène comme les autres qui  a l’avantage de ne pas se faire traduire pour faire comprendre ses messages. Ou la non moins célèbre folle d’Aziz dont les propos ne sont pas moins intelligibles. Deux phénomènes qui font rire. Puisqu’il y a des phénomènes qui font pleurer ou qui en donne envie. Quoi de plus phénoménal que de tout vouloir faire en même temps ? Sélectionneur de l’équipe nationale de football et chef général de tous les clans, tribus, villages, campements, adwabas, ksars, vrigs et autres petites contrées recluses du pays. Que rien ne se fasse sans mon avis. Je fais. Je défais. Je contrefais. C’est moi, le phénomène central qui décide de la marche du Monde. De quoi et de comment demain sera fait. Qui sera qui. Qui sera quoi. Qui est qui. Quoi c’est quoi. Champion du Destin, au point de savoir  que ni Ahmed ni Amar ni Zeïd ne peuvent gouverner le pays. Impossible ! C’est moi, le Roi-Soleil. C’est moi, la Volonté du Peuple. C’est moi, l’Avenir. Quel phénomène ! Un pays de phénomènes. Des phénomènes. Partout. Phénoménale Mauritanie. Honorables sénateurs, rompez les rangs, la République n’a plus besoin de vos services ! Un adage populaire nous apprend que celui qui ne se fâche pas est un âne et que celui qui n’accepte pas les excuses est un Satan. Alors, il y a que l’embarras du choix, entre âne ou Satan. Ou les deux à la fois. Ce qui est très possible. Surtout par les temps qui courent. Les anciens seraient dans tous leurs états.

Des phénomènes ont enfoncé le clou de la discorde. De l’incompréhension. De la mésentente. Par une interprétation. Que dis-je ? Par une traduction phénoménale. C'est-à-dire que le Sénat, c’était quelque chose. Mais il n’est plus quelque chose. C’est une tortue, par sa lenteur. C’est un trou noir, par son coût. Donc, après coup, il devient inutile. Heureusement qu’il n’y a pas de logique. Sinon quoi ? L’Assemblée nationale suivrait le même chemin que le Sénat. Les mêmes causes produisant les mêmes effets. « Si ce qu’on voit, sur le Sénat », c’est son inutilité, son coût et sa lenteur, beaucoup d’autres institutions – et non des moindres – seraient déjà mortes et enterrées. Philosophiquement, la phénoménologie se base sur l’analyse et l’expérience vécue. Bonjour, Martin Heidegger et Edmund Husserl ! Nos phénomènes nationaux vous ravissent la vedette : Topak, Azak, Mazak et autres phénoménologues, ni empiriques, ni analystes, ni modestes. Salut.

 

Mohamed Sneiba

 

Source  :  Le Calame  (Le 27 mai 2016)

 

 

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