« Celui qui n’a pas le courage de se révolter n’a pas le droit de se lamenter », disait Che Guevara. Cette sentence du leader de la révolution cubaine et grand pourfendeur de l’impérialisme trouve tout son sens en Mauritanie.
Où tout un peuple subit, depuis près de trente-huit ans, une dictature militaire qui ne dit pas son nom. Avale coup d’Etat sur coup d’Etat. Cautionne des mascarades électorales. Accepte d’être mené, comme un troupeau, par le premier étoilé qui dépose son compagnon d’armes. Se fait tuer et envoyer en prison pour des broutilles. Subit, sans sourciller, hausse ininterrompue des prix et pression fiscale. Voit ses maigres ressources et son patrimoine foncier dilapidés par une petite minorité qui n’a ni froid aux yeux ni minimum de pudeur. Observe avec fatalisme, sinon jalousie, le népotisme désormais érigé en mode de gestion et une gabegie qui a juste changé de camp. Assiste, impuissant, à la montée des médiocrités, au détriment des compétences. Trouve normal qu’on applaudisse le premier venu et qu’on voue aux gémonies celui qui n’est plus aux commandes. Un peuple qui fait, de la flagornerie, une vertu et, d’« Embrasse la main que tu ne peux couper », sa devise. Un peuple toujours structuré, au 21ème siècle, sur une stratification sociale vieille de plusieurs siècles…
Un tel peuple peut-il se révolter ? A contrario de ce que pensait le « Che », il se lamente pourtant sur son sort. Sur ses conditions de vie qui se dégradent de jour en jour. Sur un taux de chômage parmi les plus élevés du Monde. Sur les prix du gasoil qu’« on » refuse obstinément de baisser, malgré la dégringolade des cours du pétrole sur le marché international. Sur l’état de l’école publique qui ne reçoit plus que les fils de pauvres qui ne peuvent les envoyer ailleurs. Sur les structures sanitaires devenues des mouroirs, incapables d’offrir le minimum vital. Sur les entraves à la liberté d’association et d’expression. Sur l’absence d’assainissement. Sur la montée de la criminalité et de son corollaire, l’insécurité urbaine. Sur les prisons transformées en passoires.
Va-t-il continuer à se lamenter ainsi jusqu’à l’infini ? Quand se rendra-t-il compte qu’il ne peut laisser, à d’autres, toute latitude pour le mener par le bout du nez ? En bref, quand va-t-il se révolter, devenir enfin maître de son destin, choisir les meilleurs pour le diriger, enterrer ceux qui l’ont trahi et spolié, régler leurs comptes à ceux qui se croyaient impunis, et dire, enfin, non, basta ! Nous avons, largement, de quoi vivre et faire vivre, dans la dignité, trois à quatre fois plus d’habitants que nous sommes, aujourd’hui. Un million de kilomètres carrés, des ressources à gogo, en mer, sur terre et sous terre ! C’est bien le fonds qui nous manque le moins. Il nous demande, simplement, de cesser de nous situer toujours dans le besoin et l’urgence, dans l’incapacité d’agir avec méthode, de nourrir la vache avant de la traire, de lui construire un environnement lactogène, labourant, prenant de la peine…
Ahmed Ould Cheikh
Source : Le Calame (Le 24 février 2016)
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