Pourquoi ne pas aller chercher la science jusqu’en Occident ?

Rien de tel pour énerver un usager intempestif du téléphone portable chez nous que de lui rappeler que nous sommes incapables d’en fabriquer, que nous ne sommes pour rien dans l’invention des satellites de télécommunication ni d’Internet, et que si on peut encore fabriquer certaines choses chez nous, c’est à la condition d’importer le brevet et les composants.

Autant dire que nous n’apportons aucune valeur ajoutée et que si l’Occident ferme ses frontières on reviendrait à l’âge de pierre. Des tubes digestifs et des hédonistes condamnés à une cure d’austérité plus ou moins grave selon les caprices du brut.

Parmi ceux qui passent leur temps à tout dénigrer, à trouver que tout va de plus en plus mal, il y a ceux qui ont fini par se persuader que le retard est consubstantiel aux musulmans et il y a ceux qui continuent leur rêve andalou et à crier que nous sommes les «champions du monde». L’Algérie a eu Lalmas et Belloumi. Ronaldo et Messi peuvent aller se rhabiller.

Les premiers sont des défaitistes. Ils sont  convaincus que nous sommes des bons à rien et qu’il suffit que l’Occident décide de faire baisser le prix du baril pour qu’on panique. Ils ignorent certainement que l’Occident actuel ne serait pas ce qu’il est sans l’apport des Arabes, et que la civilisation universelle leur doit la découverte ou les progrès considérables dans des domaines comme les mathématiques, la médecine, l’astronomie, la physique, la chimie, l’optique, la botanique, la zoologie, la géographie ou l’agriculture. A ceux-ci, on doit rappeler que du VIIIème au XIIIème siècle, Damas et Bagdad, puis Le Caire et l’Andalousie, étaient tour à tour le centre du monde et qu’on y affluait de partout pour apprendre et échanger les découvertes et les progrès dans de nombreux domaines. La civilisation arabo-musulmane avait atteint des sommets pendant que l’Europe était encore plongée dans un profond sommeil. En disant cela, on apporte la preuve que le retard n’est pas dans nos gênes mais dans la mauvaise gouvernance dont souffrent les peuples arabes et musulmans. Et tant que nos pays seront dirigés par des potentats qui s’entourent de handicapés de l’intelligence peu susceptibles de leur faire de l’ombre ni de guigner leurs fauteuils, nous serons toujours à la traîne des nations et de plus en plus dépendants de leurs inventions et de leurs progrès.

Les seconds sont des utopistes qui pensent que notre passage à vide, qui dure depuis la fin du XIIIème siècle, n’est qu’une longue parenthèse, que nous sommes capables de nous ressaisir tout seuls et que nous n’avons pas besoin de prendre modèle sur l’Occident pour nous développer. A ceux-là, il faut rappeler que la chute de Grenade ne doit rien au hasard, que la gloire n’est jamais acquise ad vitam aeternam et que le progrès sans le travail n’est qu’une utopie. Il ne suffit pas d’emmagasiner le Savoir pour devenir savant, de même qu’une bibliothèque sans lecteurs n’est qu’un simple dortoir.

Lorsque le hadih nous enjoint d’«aller chercher la science, fut-ce en Chine», c’est pour encourager la rencontre d’autres savoirs, d’autres cultures et d’autres langues. C’est de ces confrontations que jaillissent les plus grandes fulgurances de l’intelligence humaine. Quand les dirigeants musulmans éclairés ont créé «Dar El Hikma» (la maison de la sagesse) à Bagdad, Cordoue, Le Caire, etc, c’est pour privilégier les échanges et faire jaillir la lumière. Ceux parmi nous qui refusent aujourd’hui cette quête du Savoir au prétexte que nous n’avons pas besoin d’aller le chercher en Occident de peur de ramener les virus de la débauche, de l’immoralité et du vice sont de pitoyables attardés qui portent la lourde responsabilité de nous enfermer, encore une fois, dans un vaste enclos d’ignorance et dans une ambiance d’inceste culturel qui ne pourra produire que des monstres. Il suffit pour s’en convaincre de nous pencher sur notre propre histoire et de constater les énormes dégâts actuels. La consanguinité n’a jamais donné de génies; bien au contraire, la faculté la met en quarantaine.

Si l’Occident est venu durant des siècles chercher le Savoir en Andalousie, il n’est pas reparti pour autant avec nos croyances religieuses et n’a pas cherché à adopter nos traditions. De même que les savants musulmans, en parcourant le monde à cette époque-là, n’ont pas renoncé à leur religion et n’ont pas cherché à convaincre les savants en Inde et en Chine de se convertir à l’islam. Le savoir ne doit avoir d’autre religion que celle du progrès au bénéfice de l’humanité.

Ceux qui cherchent à nous isoler de l’Occident au prétexte de prémunir nos sociétés contre la «contagion du vice et de la dépravation», cachent mal leur jeu car, non seulement le vice et la débauche prospèrent derrière les paravents de la pudibonderie et de l’hypocrisie et prennent largement leurs quartiers dans les milieux en apparence hostiles, mais et surtout, ils veulent pérenniser une rente qui leur permet de continuer à bénéficier de privilèges à l’abri de tout risque de convoitise. L’Occident ! Voilà l’ennemi proclament-ils. Ils veulent bien du progrès de l’Occident, mais sans les Occidentaux et à la condition de dresser entre ces «mécréants» et nous une véritable «barrière sanitaire». Ils veulent bien dîner avec le diable mais pas en sa présence et surtout pas devant témoins. Ceux-là sont plus dangereux que les obscurantistes traditionnels parce qu’ils sont moins visibles et que leur discours varie en fonction des circonstances et de l’auditoire. Leur démarche est simple en réalité: l’Occident garantit l’accès au progrès et le versement de commissions, mais il faut entretenir de lui l’image de l’ennemi de l’islam et de la morale pour éviter tout regard indiscret. Il n’y a pas d’autre explication recevable à cette attitude qui consiste à vouloir interdire à nos enfants l’accès au progrès en ayant recours à des moyens de plus en plus insidieux et machiavéliques pour rendre impossible l’accès au Savoir, aux échanges scientifiques et à la connaissance universelle.

Aziz Benyahia

 

Source : Algérie-Focus

 

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