Le zèle de la police américaine dans les écoles fait polémique

La présence de policiers dans les établissements scolaires avait été instituée après la tuerie de Columbine en 1999. Mais la violente intervention d’un officier dans une classe, fin octobre, a relancé le débat sur cette mesure.

L’officier de police Ben Fields, armé et en uniforme, n’aurait jamais dû se retrouver dans une salle de cours d’un lycée de Columbia (Caroline du Sud), fin octobre. Car le professeur de mathématiques n’avait pas à faire appel à lui pour venir à bout d’une élève récalcitrante, déterminée à garder son téléphone portable allumé pendant le cours. C’est pourtant ce qui est arrivé le 26 octobre. Ce qui conduit les Etats-Unis à s’interroger de nouveau sur « l’usage excessif de la force » de certains agents de police. La vidéo de l’intervention musclée du policier, traînant au sol la jeune fille de 16 ans avant de la ceinturer devant une classe en état de choc, a relancé le débat sur la présence de milliers de policiers armés dans les 84 000 établissements scolaires publics américains.

 

Le 26 octobre dernier, dans un lycée de Columbia, en Caroline du sud, un policier appelé par un professeur agresse violemment dans une salle de classe une lycéenne qui refusait d'éteindre son téléphone.

Depuis, la polémique perdure, car l’incident de Columbia n’est pas un cas isolé. Quelques jours auparavant, au Texas, un officier de police avait quasiment étranglé un élève pour mettre fin à une bagarre ; quelques semaines plus tôt, la justice avait estimé que la police intervenant dans les écoles de Birmingham (Alabama) outrepassait ses prérogatives en aspergeant trop régulièrement les élèves de gaz poivré pour venir à bout de problèmes de discipline mineurs ; dans le Kentucky, un officier de police est actuellement poursuivi pour avoir menotté des écoliers de 8 et 9 ans qui n’obtempéraient pas à ses consignes… Dans certains Etats, des associations de défense des droits civils dénoncent les agissements des policiers, qui délivrent régulièrement des amendes pour punir des mineurs indisciplinés.

Des missions pas toujours claires

Ce zèle répressif ne correspond pas exactement à ce que les parents et les autorités attendaient des forces de l’ordre lorsque, à partir de la fin des années 1990, elles ont fait leur entrée dans les écoles américaines. Traumatisés par la tuerie du lycée de Columbine (Colorado), 13 morts en 1999, encouragés par la politique « zéro tolérance », développée sur le plan national pour venir à bout de la délinquance juvénile, les établissements scolaires se sont tournés vers la police pour garantir leur sécurité. Depuis, nul ne sait le nombre exact de policiers en service dans les écoles américaines : ils seraient entre 20 000 et 40 000 selon les sources. Et leurs missions ne semblent pas toujours très claires.

« Ils sont là pour faire respecter la loi, assurer la sécurité dans les écoles, protéger les élèves contre une menace extérieure et améliorer les relations entre les jeunes et la police », résume Mo Canady, responsable de l’Association nationale des officiers de police en milieu scolaire, qui assure chaque année la formation de quelque 2 000 policiers. « Mais en aucun cas ils ne sont censés gérer des problèmes de discipline scolaire », précise cet ancien officier de police. A ses yeux, l’intervention de Ben Fields représente donc un contre-exemple caricatural de leurs missions. « La Caroline du Sud est l’un des Etats qui n’a pas envoyé de policiers en formation », glisse-t-il au passage.

64 000 élèves arrêtés en 2011

La présence d’officiers de police dans les établissements scolaires soulève la question de la criminalisation de comportements adolescents qui, selon les éducateurs, ne devraient pas donner lieu à des procédures judiciaires. « Est-ce que le fait de ne pas suivre un cours est un acte criminel ? », se sont interrogés des enseignants après l’incident de Columbia. La jeune fille qui avait refusé de lâcher son portable encourt une amende de 1 000 dollars et 90 jours de prison. Le ministre de l’éducation a, lui, reconnu que « le pays sous-estimait le traumatisme que représente pour des enfants le fait de voir des policiers faire usage de la force ou opérer des arrestations dans leur salle de classe ». D’autres soulignent le biais racial des interventions policières dans les écoles. En 2011, 64 000 élèves ont été arrêtés dans le cadre scolaire, selon les dernières données officielles disponibles ; parmi eux, 30 % étaient afro-américains alors que les élèves noirs ne représentent que 16 % des jeunes scolarisés. La jeune indisciplinée de Columbia est afro-américaine. Le policier, blanc, a été licencié.

 

 

Stéphanie Le Bars

 

Source : M le Magazine du Monde  (Le 30 novembre 2015)

 

 

 

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