La force de la faiblesse d’IRA

IRA. Ce lion en carton dirigé par le pauvre Biram ould Dah ould Abeid, ne rugit plus.

 

Depuis l'arrestation, pour le moins curieusement justifiable, de ce franc parleur, qui a osé dire qu'il exigeait  d'être libre et qu'il avait droit à la dignité à l'instar de tous ses concitoyens, la Mauritanie a eu la nostalgie de ces sorties théâtrales presque comiques  du Spartacus de nos esclaves.
 

Biram avait oublié que dans notre monde on doit faire la différence entre ce qui se dit et ce qui se qui se pratique.
Biram, chevrotant sur la bouche du fusil s'est permis de narguer ceux qui étaient derrière la crosse. Il en a pris plein la poitrine, sa dose de chevrotine.
 

Mais "l'héroïque déflagration", qui a pulvérisé la liberté de Biram a éclaboussé le visage du pays et mis en doute tout ce de quoi la Mauritanie s'enorgueillissait dans le concert des nations.
 

Avec ses deux compagnons d'infortune sur le Mont des oliviers, à Rosso cette fois ci, il était en position de faiblesse.
 

Biram, Djiby Sow et Brahim Ramdane étaient d'une faiblesse si puissante, qu'elle a indisposé toutes les consciences vives de ce pays.
 

Même si on ne le crie pas sur les toits. Ce silence d'huile, cache mal une gêne nationale profonde. Un sentiment de culpabilité qui n'est apparemment imputable à aucune direction précise ou clairement index-able. Un préjudice maléfique, à l'affut d'une responsabilité indéfinie et insaisissable. Un crime incestueux,  sourd et batard qui cherche un corps une raison un coupable pour avoir un visage. Une justification, une raison logique pour se matérialiser dans les champs d'une logique quelconque.
 

 Il en a eu pour son compte, Biram. Puisse Dieu alléger sa peine et le rendre à ses enfants. Ainsi que ses compagnons d'infortune.
 

 Incarcéré, le président d'IRA a eu le temps de voir que son mouvement se réduisait presque à sa simple personne. A part quelques timides irréductibles du genre Dr. Saad ould Louleid, IRA a avalé sa langue.

Mais la faiblesse du président d'IRA a été un cheveu indélicat dans la soupe de la démocratie mauritanienne.

Une injustice dans la justice d'un peuple qui se prétend gardien des ordres et des principes venus d'Allah. Allah qui a commandé: "Certes Allah ordonne la justice et la bienfaisance."
 

C'est a qui de droit de justifier devant Allah en quoi maintenir Ses créatures dans ces situations ignominieuses, relève t-il de la justice ou de la bienfaisance. 
 

Biram n'a trouvé personne pour le conseiller véritablement. Un responsable qui lui donne la garantie de sa délivrance et de celle de son peuple.
 

Il a versé dans une bassesse de propos qui a été son pire ennemi.
 

Et pourtant elle tourne…

Et pourtant il avait raison.
 

Les oulémas aussi avaient raison. Il s'agit de définir l'angle sous lequel chacun avait raison ou tort.

Lui était dans un état de révolte, justifiée, qui constituait la meilleure excuse pour ses exactions verbales. Toute la communauté mauritanienne, n'a su, ni n'a pu lui fournir un vis-à-vis qui le ramène à un style plus calme et plus paisible pour réclamer ses droits politiques, économiques et sociaux par la paix.

Mais surtout à de meilleurs sentiments envers une société bédane, qui n'est pas toute "esclavagiste".

On n'acquiert pas ses droits par l'animosité verbale. Beaucoup de maures aspiraient à la liberté des anciens esclaves et des esclaves, plus que les esclaves eux-mêmes. Tout simplement parce que ce phénomène social immoral dérangeait tous ceux qui étaient doués de foi ou de raison. Les autres, ils étaient condamnés à disparaitre. Ils étaient en voie de disparition.

Les oulémas étaient sevrés d'un certain nombre de dogmes de lois, et de traditions, qu'ils avaient tété de la mamelle d'une société fortement féodale, injustement hiérarchisée, et qui n'avait pas lésiné sur les moyens pour rapetisser et exploiter les classes faibles jusqu'à la moelle.
 

Sur un certain plan, ils étaient dans leur droit; selon le droit sur mesure qu'ils s'étaient façonné, même au prix d'une torsion dangereuse des paroles du Seigneur des mondes.
 

L'évolution rapide et brutalement extraordinaire de la société, montrera sans conteste la gêne presque palpable et douloureuse qui fouillait les consciences de ces érudits. Ceci les amena à nier ce que hier encore ils défendraient corps et âmes.
 

Il s'agissait de leur accorder le temps d'une réflexion et d'un ressaisissement. Biram n'a su le faire. 

Le réveil des opprimés était un signe précurseur, une occasion ultime de changer le visage des choses. Quand les peuples se réveillent, ils ne se rendorment plus.
 

"Quand le peuple un jour fredonne l'hymne de la vie et de la liberté, force pour le destin d'obtempérer pour ses exigences."

Pensent mal donc ceux qui pensent qu'ils peuvent maintenir les choses telles qu'elles étaient ou jouer de manière à ce que les choses "changent" sans changer. La franchise est de rigueur dans ce genre de situation enchevêtrées et embarrassantes.  

Bruler les livres de Khlil, par lesquels des générations ont exploité leurs frères était une gageure que l'ex esclave ne devait pas approcher certes, mais ce mal était peut être nécessaire.

Il était urgent de délimiter la volonté de Dieu des calculs humains. Ceci devait être entrepris depuis longtemps par une société comme la notre, ou le mal n'était pas délibérément un mal, mais de mauvais legs, une tradition ignominieuse, qu'on a "refilée" à une société tellement attachée à sa foi, que les paroles de tout celui qui se proclamait de Dieu devenaient sacrées à ses yeux. 
 

La Mauritanie libre a opté pour garder l'un de ses citoyens dans la servitude. Rien que parce qu'ayant ouvert les yeux, il a essayé de défendre de prouver  que le citoyen mauritanien est effectivement libre. La Mauritanie fière et digne a choisi de couper les gaz à l'un des siens, et à ceux qui le suivent, qui longtemps après avoir souffert le mépris, la servitude et l'oppression ont ouvert la bouche pour affirmer qu'ils étaient libres.

La Mauritanie doit rectifier le tir. La faiblesse de tout mauritanien, si faible soit-il, n'est que la partie visible d'une faiblesse nationale beaucoup plus grande.
 

Même si la manière de s'exprimer a été d'une certaine manière violente, parfois brute, abrupte et insolente, elle ne pouvait être jugée plus sévèrement que la gravité de la situation et des actes qui l'ont provoqué. Des actes qui continuent sournoisement, alimentés par la volonté d'une partie de ce peuple qui s'obstine à salir le visage du pays.
 

 Des hommes, qui même si c'est involontairement, qu'ils avaient porté tant de préjudices à la renommée de la Mauritanie, continuent aujourd'hui avec préméditation à entretenir un malaise social qui constitue un danger manifeste pour son existence.
 

Le maire d'Awjeft, Ould Hmein Amar, qui proposait au président de donner l'une de ses filles en mariage au fils de Biram, a fait sourire certain. La réalité est qu'il était un grand homme. Par cet exemple, il a voulu dire à ceux qui peuvent comprendre, qu'aucun sacrifice n'était assez cher pour éliminer les distances et les dissensions au sein d'un même peuple.
 

Votre force apparente, et toute la Force appartient à Allah, le Puissant le Sage, ne doit pas être utilisée à mauvais escient.

"Quand t'a puissance t'incite à briser plus faible que toi, pense à la Puissance de Dieu à te réduire au néant." A dit le prophète Mohamed (psl).
 

Mohamed Hanefi

Koweït

 

(Reçu à Kassataya le 30 avril 2015)

 

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