Grève des travailleurs de la SNIM : Entre la chute du prix du fer et la grogne sociale

La Société nationale industrielle et minière (SNIM) entame l’année 2015 sous de mauvais auspices. Ses travailleurs, en grève illimitée depuis quelques jours, réclament des augmentations de salaires au moment où la Société qui n’a pas su gérer ses dix années de faste, entame une période d’austérité. Incapable de satisfaire ses engagements sociaux, elle mate ses employés par forces de l’ordre interposées, transformant la ville de Zouerate ces jours-ci en un énorme champ de bataille.

 

Passés les deux jours de délai accordés à la direction générale de la SNIM, les travailleurs de cette entreprise sont passés à l’acte le vendredi 30 janvier 2015. Ils ont déclenché une grève illimitée qui paralyse depuis quelques jours le fonctionnement d’un des fleurons de l’industrie nationale. Cette fronde sociale des travailleurs de la SNIM a donné lieu à des frictions avec les forces de police, renforcées par la gendarmerie et la garde nationale. Boutés hors de la grande place centrale de Zouerate à coups de grenades lacrymogènes et de coups de matraques, les grévistes ont plié sans renoncer à leur mouvement.

Cette confrontation sur le plan de la revendication sociale a été exaspérée par une guerre de communiqués, les grévistes évoquant un arrêt complet du fonctionnement de la société, alors que la SNIM parle de l’impact négligeable du mouvement de grève sur ses activités. Dans une note publiée à cet effet, la société a en effet souligné que les activités dans le Guelb Greïn se poursuivent tout comme le mouvement des trains entre les mines de Zouerate et le port minéralier de Nouadhibou.
Le responsable des ressources humaines de la SNIM a toutefois indiqué que des pourparlers sérieux sont sur le point d’être engagés avec les travailleurs pour trouver une solution à la crise sociale.

Il faut cependant noter que la SNIM vit des moments difficiles dus à ce que certains observateurs ont appelé « l’excessive politisation de sa gestion interne ». Les dix années de fastes qu’elle a connus, du fait de l’explosion du prix du fer sur les marchés mondiaux, avaient fait de la SNIM une véritable « vache à traire » des régimes qui se sont succédé et dont le paroxysme a été atteint sous l’actuel pouvoir. Vivement concurrencés par les gros producteurs mondiaux du fer, le brésilien Valo, l’australien BHP et l’anglo-australien Rio Tinto qui se livrent une bataille du prix de revient du minerai, la SNIM serait incapable de céder son produit à 20 dollars US, prix actuel du marché. Et cela, malgré l’augmentation de la demande chinoise sur le marché mondial du fer.

Trop sollicité dans des projets souvent hors de ses missions, la SNIM pourra difficilement maintenir le rythme du marché, avec les doléances de ses 5.000 employés qui réclament des augmentations de salaire et des avantages. La SNIM avait en effet engagé des dépenses politiques dans des investissements publics dont les délais et réalisations peinent à être respectés, comme les 15 Milliards d’UM injectés dans le projet de l’aéroport de Nouakchott, les 39 millions de dollars U.S engagés dans la création de la compagnie aérienne, Mauritania International Airlines (MAI), l’achat d’avions militaires, la création d’une usine de poteaux électriques à Aleg, entre autres.

Ces investissements extra, risquent ainsi de coûter cher à la SNIM qui n’aurait déployé aucun programme prévisionnel en cas de chute du prix du fer. Ainsi, l’usine Guelb 2 pour 1 Milliard de dollars U.S serait loin d’être opérationnelle et beaucoup de partenaires auraient désisté, certains déjà installés ont plié bagages, comme X Strata.
La mal gouvernance de la SNIM se serait ainsi répercutée sur le transfert de devises et aurait déclenché, ce que d’aucuns ont nommé la « mise à mort programmée » de la petite entreprise qu’est la SNIM à l’échelle mondiale. Pour beaucoup, la SNIM n’a rien fait pour faire face à la réalité du marché actuel.

Pour l’ancien Administrateur Directeur Général de la SNIM, Mohamed Saleck Ould Heyine, « pendant dix ans d’aubaine, on aurait dû accumuler de la trésorerie en prévision des périodes creuses, car dans les industries minières les cours sont cycliques, donc avec des hauts et des bas ». Pour lui, « la SNIM au lieu de diversifier ses investissements dans l’industrie de transformation ferroviaire ou dans d’autres secteurs porteurs, pouvant l’aider à confronter l’éventualité très probable de la baisse des prix au niveau international, a plutôt servi de vache à lait au pouvoir, qui l’utilise à tout va et pour des projets pas nécessaires du tout, comme l’aéroport international, ou l’achat d’avions pour la MAI ». Pour Ould Heyine, « avec des cours qui baissent, l’Etat est confronté au bas mot, à sa négligence ».

Aujourd’hui, la SNIM qui cède son minerai à 60 dollars US. est obligé de s’aligner sur le prix mondial, qui est de 20 dollars U.S ou voir sa production lui rester sur les bras, estiment beaucoup d’experts.

La panique qui se serait emparée de la Direction générale serait telle que l’ADG actuel, Ould Oudaa aurait appelé à l’austérité dans la gestion, surtout que son fameux plan d’investissement « Nouhoud » est aujourd’hui sérieusement menacé.

Il aurait ainsi demandé une réduction de 10% du budget prévisionnel prévu du second semestre de 2014, destiné aux rubriques heures supplémentaires, matières consommées en OD, voyages, missions, papeterie. D’autres mesures ont suivi, comme le report de toutes les études et assistances à caractère non urgent, la réduction des coûts et contrats de fournitures, etc.

Ces coupes pour la survie de l’entreprise sont d’autant plus préoccupantes que la SNIM s’était engagée en 2014 à satisfaire les doléances de ces travailleurs.
Aujourd’hui, ces derniers réclament le respect de ces engagements sans se rendre compte, que leurs propres emplois sont en jeu, face au probable dégraissage que l’entreprise pourra prendre éventuellement pour faire face à sa propre survie.

Cheikh Aïdara

 

Source : Lauthentic.info

 

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