[Chronique] Blackfishing : ces femmes qui prétendent avoir la peau noire…

Sur Instagram, se présenter comme Noir quand on ne l’est pas : voilà la nouvelle tendance qui agace les authentiques « Blacks »…

 

On connaissait le fléau de la dépigmentation qui décape littéralement les épidermes de femmes en mal de teint clair. Selon certains observateurs, la métamorphose d’une Noire littéralement « mal dans sa peau » relèverait d’un complexe vis-à-vis de visages pâles venus d’un Nord supposément plus développé et historiquement colon. Si la théorie n’est que partiellement contredite par la quête caucasienne du bronzage, une nouvelle tendance pourrait battre en brèche le concept du complexe à sens unique.

Pour détecter les nouvelles tendances esthétiques, rien de mieux que l’équivalent numérique de l’étang réfléchissant de Narcisse : Instagram…

C’est sur ce réseau social particulièrement dédié à l’image de soi que se développe le « blackfishing », une pratique qui consiste à se présenter comme membre d’une communauté « black » à laquelle on n’appartient pas naturellement.

La « transition » de l’Allemande Martina Big a montré à quel point la métamorphose pouvait s’apparenter à la création d’un monstre

Trompe-l’œil 2.0

 

Dans certains cas assez rares, déjà observés par le passé, le défi résidait dans une transformation durable, bien au-delà du look, par des injections de mélanine ou des modifications chirurgicales de la poitrine, des lèvres, du nez ou des fessiers. La « transition » de l’Allemande Martina Adam « Big » a montré à quel point la métamorphose pouvait s’apparenter à la création d’un monstre, au sens littéraire du terme, non pas pour sa mue identitaire, mais pour le caractère visiblement artificiel de toute chirurgie mal dosée.


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Le « blackfishing » actuel ne relève pas tant de cette métamorphose permanente que d’un trompe-l’œil essentiellement fondé sur du maquillage et des accessoires. C’est ainsi que des influenceuses blanches, notamment la Suédoise Emma Hallberg, se feraient passer pour noires ou métisses.

Kim Kardashian ou Beyoncé ont déjà été épinglées pour… appropriation culturelle

« Voler » une esthétique

 

Devrait-on se réjouir de la valorisation implicite de canons de beauté « blacks » souvent sous-représentés dans les médias ? Sur Twitter, en particulier, les avis sont plutôt inverses. Si les Blanches grimées affirment ne pas s’inscrire dans la caricature « Banania » du début du XXe siècle – stéréotypes mimés et grossiers de la publicité ou du théâtre –, elles sont tout de même épinglées pour… appropriation culturelle. L’accusation a déjà touché la tressée Kim Kardashian et même l’officiellement noire Beyoncé et sa collection jugée trop égyptienne.


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Serait-il donc offensant – en plus d’être ridicule – d’emprunter, en un hommage supposé, certaines caractéristiques physiques d’une communauté à laquelle on appartient plus ou moins ? Pour certains twittos outragés, devenir partiellement et surtout temporairement noir consisterait à « voler » une esthétique réduite à l’état de fétiche, sans pour autant porter la croix permanente du racisme.

Et si « être noir » n’était pas qu’une affaire d’épiderme, comme le laissait supposer le chanteur blanc Claude Nougaro quand il s’adressait au trompettiste noir Louis Armstrong : « Je ne suis pas noir / Je suis blanc de peau / Quand on veut chanter l’espoir / Quel manque de pot » ? Encore un cliché ?

Damien Glez

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

 

 

Source : Jeune Afrique

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