Lundi 12 janvier, il y avait une odeur de poisson au palais ocre de Nouakchott. Ce jour-là, des pêcheurs ont délaissé momentanément leurs filets et embarcations pour manifester leur opposition à l’administration du marché de poisson de la capitale. Cette dernière les empêcherait de réparer sur place leurs pirogues, ce qui leur causerait des difficultés énormes.
Aziz ne les a pas reçus car le poisson ça pue et il ne faut pas salir les meubles de cette demeure de standing construit par les Chinois. Mais il a quand même discuté avec les hommes de la mer et c’est l’un d’eux qui a révélé cet échange.
Alors la discussion a eu lieu à travers les grilles du palais. Aziz était là mais se tenait à bonne distance pour des raisons olfactives. D’ailleurs pour ménager son nez il avait un haouli mais pas mauritanien. Ce serait en fait un turban touareg qu’avait oublié sur place un visiteur certainement membre du MNLA…Le chef de l’Etat- qui s’est imposé par la force puis par les urnes- se renseigne sur la sécurité des pêcheurs en mer. « On a juste des gilets de sauvetage et on s’arme de courage », rétorquent-ils. « Eh bien moi, suis protégé par des gardes armés jusqu’aux dents et je m’assois sur le fauteuil moelleux présidentiel même si je sais qu’il est éjectable… » Et il s’informe sur les variétés de poisson. On lui cite la sole, le colin, la daurade, le rouget… « Mais est-ce que vous pêchez le yaboye et le thiof ? », demande-t-il. « Hey nar bi xamna jën deh (décidément ce maure connait bien le poisson) ! », s’exclame l’un de ses interlocuteurs en wolof. « Bah oui, répond Aziz dans la même langue, je suis boy Louga et j’adorais le tiéboudiène avec du thiof, mérou bronzé, ou avec du yaboye, sardinelle en français. Mais en arabe ou plutôt en hassaniya ma na’raf chinguallou (je ne sais pas comment on appelle ça).
« Mais vous dites que vous adoriez ça, donc plus maintenant ? », l’interroge un pêcheur. « Maintenant, répond-t-il, je préfère al aich ou le ngommu c’est plus authentique. Vous savez dans ce pays il suffit de peu pour qu’on vous considère comme étranger. C’est pourquoi je ne parle jamais de mon enfance à Louga et cet échange doit rester entre nous. Heureusement il n’y a pas de journalistes parmi vous. »
Sauf qu’il ignore que les pêcheurs savent à la fois comment vendre le poisson et aussi la mèche aux médias.
Ibrahima Athie
(Chronique de l'émission " le débrieff de l'actu" du dimanche 18 janvier 2015. Le "débrieff de l'actu", tous les dimanche dès 22H05 heure de Paris, 20H05 GMT sur www.kassataya.com)
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