L’invasion arabe est entrée en Afrique par l’Egypte au XIe siècle. Elle s’est poursuivie en Afrique du Nord au XIIIe siècle et finit par atterrir dans l’espace qu’on appelle aujourd’hui la République Islamique de Mauritanie au XIV et XV siècle.
Ce sont les Béni Hassan qui sont arrivés en Mauritanie où ils ont trouvé leurs devanciers les Berbères Sanhadja et les populations autochtones Soninké de l’empire du Ghana, les Peuls du royaume Tekrour, les Wolofs du royaume du Walo ainsi que des Serers.
Toutes ces populations avaient déjà embrassé l’islam par une branche Omeyyade vers le VIIème siècle. Les Soninko étaient les premiers à embrasser l’islam. C’est par la suite que les Soninko islamisés en compagnie des arabes Omeyyades ont islamisé les berbères Sanhadja et les autres populations Noires.
L’islam a été un facteur puissant qui a tissé des liens solides et d’unité entre toutes ces populations. Le Mouvement Almoravide, venu des siècles après cette islamisation a apporté le rite malékite qui renforça les liens. Le ribat dans lequel étaient enfermés les éléments du Mouvement Almoravide était le « Tata » du village de Daw dans la Moughata de Maghama situé sur le fleuve Sénégal. La majorité des mourabitounes étaient des Noirs.
La Direction était assurée d’abord par Youssouf Ibn Tachifin qui fut relayé par Aboubacar Ibn Umar. Les soldats et les chameaux du mouvement almoravide ont été déterminants dans la conquête de l’Espagne. Les espagnoles ont eu peur des Noirs et les chameaux qu’ils voyaient pour la première fois. C’est à cette époque que le soninké El hadj Alpha Diadié a construit dans la ville de Grenade une mosquée de 365 fenêtres qui existe toujours.
C’est dans le cadre de l’application des préceptes de l’islam (payement de la zakat par Charbabe, exigé par Nasr Dine), qu’est né la guerre appelée Charbabe entre les Béni Hassan et les Berbères Sanhadja et leurs alliés qui a duré plus de vingt ans (1645 à 1666). Les Béni Hassan sortirent de la guerre en vainqueurs et finirent par imposer leur diktat et leur dialecte le Hassanya aux berbères Sanhadja. Ces populations vécurent ensemble. Ils se marièrent et constituèrent des alliances durant des siècles avant l’arrivée des Français.
A cette invasion arabe viendra s’ajouter au XVIIIème siècle une autre invasion celle de la France qui colonisa surtout le Sénégal et le sud de la Mauritanie habité par des populations majoritairement noires. Elle imposa un mode de pensée à travers la création de quelques écoles dans le pays. Elle domina ce pays jusqu’au 28 Novembre 1960, date de l’accession de la Mauritanie à l’indépendance. A l’accession de la Mauritanie à la souveraineté internationale, la majorité de ses cadres étaient des ressortissants de la vallée du fleuve Sénégal.
Cette situation s’expliquait par le fait que les populations du sud, sédentaires, ont été les premiers à aller à l’école française. Ainsi, toute l’administration, les forces armées et de sécurité (armée, gendarmerie, police) étaient occupées majoritairement par des Cadres Noirs ressortissants du sud du pays. Pour changer cette situation, Mocktar Ould Daddah a engagé une série de reforme importante parmi lesquelles figure celle du système éducatif national. Cette reforme du système éducatif devait prendre en compte la langue arabe qui est selon Mocktar Ould Daddah le meilleur véhicule de la culture des mauritaniens en lieu et place de la langue française.
Conçue et perçue comme tel, cette reforme était juste et équitable. Mais cette reforme faite sans concertation ni consentement des autres communautés non arabes ajoutée à l’envoi des éléments Maures qui étaient enseignants, à subir une formation dans le domaine militaire, tout cela créa une méfiance et une inquiétude des communautés vis à vis de ces reformes. Au départ, cette politique d’arabisation se heurtait à deux obstacles majeurs :
1. La revendication du Maroc qui était soutenue par l’ensemble des pays arabes à l’exception de la Tunisie du combattant suprême Habib Bourguiba. Revendication selon laquelle la Mauritanie ne pouvait être indépendante parce que faisant partie intégrante du royaume du Maroc ;
2. L’administration comme déjà indiqué était dominée par les Cadres Noirs majoritairement francisants.
Etant rejetée par les arabes, la Mauritanie ne trouva son salut que dans le soutien de l’Afrique noire en particulier dans celui du Sénégal. Lorsque la Mauritanie cherchait à entrer aux Nations Unies en 1960, elle se heurta à l’opposition du clan du Maroc et du véto de l’Union Soviétique qui soutenait l’entrée de la Mongolie Extérieure aux Nations Unies. Il fallait attendre le 21 octobre 1961 pour voir la Mauritanie et la Mongolie Extérieure entrer aux Nations Unies après un compromis entre la France et l’Union soviétique.
On se souvient du discours mémorable prononcé par le ministre sénégalais des affaires étrangères de l’époque en la personne de Monsieur Doudou Thiam à la tribune des Nations Unies, défendant la Mauritanie. Dans ce combat pour l’existence de la Mauritanie en tant qu’Etat souverain, il importe de signaler le rôle éminemment important joué par Feu Elhadj Mahmoud Ba natif du village de Djeol. Il fut parmi les premiers intellectuels arabisants mauritaniens à envoyer en formation en Egypte des centaines de jeunes ressortissants de l’Afrique de l’ouest. Il fut victime de plusieurs arrestations et emprisonnements de la part de l’administration coloniale française.
Ceci plusieurs années avant l’indépendance de la Mauritanie. C’est le premier promoteur de l’enseignement de la langue arabe non seulement en Mauritanie mais aussi dans les autres pays de l’Afrique Noire. Conseiller à la présidence de la République, il a été l’artisan du rapprochement et de la réconciliation entre Mocktar Ould Daddah et Gamal Abdel Nasser de la République Arabe d’Egypte. Il est regrettable qu’une si haute personnalité ayant consacré sa vie à la promotion de la langue arabe à travers des écoles El Falah soit jetée dans l’oubli par son pays si fier de son arabité.
Une fois la Mauritanie admise aux Nations Unies Mocktar Ould Daddah poursuivit, mais de façon plus prononcée sa politique d’arabisation. La première réaction contre cette politique est intervenue en 1966 à travers un manifeste rédigé par 19 cadres Noirs qui la dénonçaient. Ce qui créa une confrontation communautaire qui prit départ à partir du lycée de Nouakchott au mois de février 1966. Au lieu que ce manifeste amène Mocktar à reconsidérer sa vision et instaurer un débat national pour trouver un consensus autour de la question d’arabisation du système éducatif qui était du reste légitime, il l’y a plutôt opposé un refus catégorique.
En juin 1966, il a été décidé au congrès du parti du peuple mauritanien à Aioun El Atrouss, les grandes orientations de la politique renforcée d’arabisation qui, à terme, éliminerait les noirs du pays. Mais c’est surtout à partir de 1978 que cette politique a connu un tournent décisif.
Prétextant de mettre fin à la guerre du Sahara pour justifier leur action, des cadres civils et militaires ayant fait de l’idéologie Baathiste la leur, ont procédé au renversement le 10 juillet 1978 du régime de Mocktar Ould Daddah qu’il trouvait complaisant avec les communautés non arabes du pays. Les auteurs du coup d’Etat, des batthistes inspirés par la politique de la pensée unique arabe qu’ils ont importé de l’Iraq de Saddam Houssein, ont installé un système qui va accélérer le processus d’élimination. La pensée unique arabe consiste à obliger, dans les pays arabes les communautés non arabes à devenir arabes. À défaut procéder à leur extermination.
Une fois le coup d’Etat réussi, des civils et des militaires tenant de la théorie du batthisme se sont constitués en une organisation qu’ils ont dénommée l’avant-garde civilo-militaire.
Cet avant-garde civilo-militaire détentrice du pouvoir depuis le 10 juillet 1978 à nos jours et ayant fait de la pensée unique arabe leur idéologie n’est composé que d’une petite minorité d’extrémistes qui se sont imposés au pays depuis lors grâce au pouvoir des armes. La majorité écrasante du peuple mauritanien ne partage pas leur idéologie. L’avant-garde civilo-militaire contrôlant déjà les forces armées et de sécurité, plaça ces éléments dans les autres postes stratégiques de l’administration pour l’exclusion et l’élimination de tous les cadres Noirs de l’appareil de l’Etat. Parmi ces postes figurent entre autres :
– Le Ministère de l’enseignement. A ce niveau il fallait avoir une main mise sur les bureaux des bourses et examens. Au niveau des examens, le rôle de ces éléments consiste à faire un blocage des éléments Noirs tandis qu’à celui des bourses, le rôle est d’envoyer des centaines et des centaines élèves Maures en formation dans les pays arabes ;
– Le deuxième poste stratégique est la Direction de la Fonction Publique : à ce niveau il faut connaitre l’effectif des fonctionnaires et agents auxiliaires Noirs afin de procéder à la modification des lois et accélérer ainsi leur départ à la retraite. Nous donnerons à titre d’exemple l’ordonnance N°28 du 31 Décembre 1978 qui est intervenue six mois seulement après le coup d’Etat modifiant les conditions de départ à la retraite. Avant 10 juillet 1978, il fallait remplir deux conditions (55 et 30 ans) pour aller à la retraite. Mais l’ordonnance n°28 a remplacé la conjonction de coordination et par ou (55et 30 ans).
C’est à partir de cette modification que plusieurs Cadres Noirs ont été vidés de la Fonction Publique; ainsi a été supprimée la double condition d’âge et de services pour ne retenir que l’une ou l’autre des conditions (30 ans et 55 ans), la loi 9309 du 18 Janvier 1993 portant statut général des fonctionnaires et agents auxiliaires de l’Etat avait prévu l’intégration des agents auxiliaires de l’Etat qui étaient majoritairement des Noirs, à partir du 1 janvier 1994.
Au lieu de procéder à l’intégration des ces agents ; la Direction de la Fonction publique a mis à la retraite plus de huit cent (800) agents auxiliaires en les considérant comme des fonctionnaires alors qu’ils ne l’étaient pas. Ainsi ces agents jetés dans la rue ne pouvaient bénéficier de leurs pensions auprès de la CNSS n’ayant pas atteint l’âge de la retraite (60ans). Après avoir vidé tous les cadres Noirs de la fonction publique, l’Etat a décidé de régulariser la situation de ces agents auxiliaires 20 ans après (1994-2014) en procédant à leur intégration comme fonctionnaires et leur mise a la retraite en même temps.
– Le troisième poste stratégique est celui des Commissions Nationales des Concours
– Le quatrième poste stratégique est celui de la Direction de la télévision et de la radio. La télévision ne présente à l’écran que la composante maure, même au niveau des wilayas où la dominante des populations est noire pour la consommation extérieure. Quant à la radio, le temps d’antenne accordé à la composante noire est insignifiant.
Les tenants de la pensée unique arabe se sont mis au travail d’élimination des éléments negro mauritaniens. L’épuration des éléments negro mauritaniens n’a connu que deux exceptions : l’une, pendant le pouvoir du Président Mohamed Khouna Ould Haidalla et l’autre avec le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. C’est sous le régime du Président Haidalla qu’a été crée l’Institut National Chargé de la Promotion et de l’Enseignement des Langues Nationales. Des classes test pour expérimenter l’enseignement de ces langues ont été créées.
Le résultat a été plus que satisfaisant puisque les majors au concours d’entrée en première année collège et au bac étaient des élèves de ces classes. Cela a été considéré par l’avant-garde civilo-militaire comme un crime de lèse majesté. Ainsi, l’enseignement de ces langues a été supprimé. Dans une adresse à la Nation, le Président Sidi quant à lui, avait présenté les excuses de l’Etat mauritanien aux victimes des événements douloureux des années 89, 90 et 91.
Il avait également pris l’engagement vis à vis de la communauté nationale et internationale de faire revenir tous les réfugiés mauritaniens qui étaient au Sénégal. Invité par l’avant-garde civilo-militaire qui a introduit en Mauritanie la pensée unique arabe à renoncer à faire revenir les réfugiés mauritaniens installés au Sénégal depuis les événements 1989, le Président Sidi a opposé une fin de non recevoir à cette invitation. Après ce refus du Président Sidi, l’avant-garde civilo-militaire a publié un trac signé d’eux pour annoncer au Président Sidi sa prochaine destitution. Voila les deux raisons parmi tant d’autres qui sont à l’origine de la destitution de ces deux Présidents parce que n’ayant pas voulu adhérer à la pensée unique arabe dont l’objectif est l’élimination de la composante non arabe (negro mauritaniens).
Lorsque le premier contingent des réfugiés est arrivé en Mauritanie en janvier 2008, ils sont les seuls réfugiés à avoir bénéficié des pièces d’Etat civil pour l’ensemble des membres de leur famille ; ainsi que de la nouvelle carte d’identité. L’avant-garde civilo-militaire a commencé à préparer le coup d’Etat contre le Président. Voulant éviter que la communauté internationale ne considère leur acte comme un coup d’Etat, il était prévu que les députés et les sénateurs qui étaient leurs alliés, allaient marcher vers le palais présidentiel invitant les militaires à prendre le pouvoir.
Cette marche était programmée pour le mercredi 6/6/2008 à partir de 16h, mais le président Sidi ayant anticipé la marche a pris une décision destituant les grands officiers qui devaient agir sur la demande des élus. Voila pourquoi les militaires destitués ont pris le pouvoir. La création de la nouvelle carte d’identité à pour objectif non seulement d’empêcher aux contingents des réfugiés qui devaient rentrer au pays après ceux de janvier 2008 d’obtenir la nationalité mauritanienne, mais aussi la majorité des Noirs mauritaniens.
Pour que l’opinion publique nationale et internationale ne se rende pas compte du jeu le nouveau pouvoir a continué à faire revenir les réfugiés, mais en les bloquant par le nouveau recensement. C’est dans le même esprit que l’on a voulu faire comprendre à l’opinion publique que le problème du passif humanitaire est réglé à travers la prière faite à Kaédi. L’expulsion des Noirs mauritaniens vers le Sénégal lors des événements de 1989, l’extermination des militaires et civils des années 1990, correspond à l’application de la théorie de Michel AFlak, le théoricien du batthisme.
Selon cette théorie, les communautés non arabes existants dans les pays arabes, doivent être éliminées du pays selon le procédé suivant : un tiers (1/3) est tué, un tiers (1/3) est expulsé et le dernier tiers (1/3) est assimilé. Par rapport à cette théorie d’extermination, l’avant-garde civilo-militaire a réussi partiellement avec les tueries de centaines de militaires et de civils des années 89, 90 et 91. Pour les tiers à assimiler et à expulser, c’est un échec pour le moment. Quant à l’exclusion des cadres et agents noirs des rouages de l’Etat, c’est une réussite totale.
Les enfants des premiers cadres Noirs qui ont construit ce pays ne peuvent plus avoir du travail dans leur propre pays, malgré l’acquisition de plusieurs grands diplômes. Ils sont obligés de s’expatrier pour trouver du travail. À terme ils ne reviendront plus en Mauritanie, ce qui était l’un des objectifs de l’avant-garde civilo-militaire.
Nous dirons en guise de conclusion et l’histoire nous l’a prouvé et nous le prouve encore aujourd’hui : les hommes ou peuples qui se considèrent puissants et supérieurs à d’autres peuples, s’engage dans une impasse… Ce fut le cas du peuple Hébreu (peuple élu), du peuple Allemand avec Hitler et sa théorie de la race arienne…
Oiga Abdoulaye
Ancien Directeur Général de la Caisse Nationale et de la Sécurité Sociale de Mauritanie
Janvier 2015
Source : Le Quotidien de Nouakchott via Adrrar-info.net
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