Ebola : le tourisme sénégalais, victime collatérale

L’épidémie d’Ebola pourrait avoir des conséquences économiques catastrophiques en Sierra Leone, en Guinée et au Liberia – les trois pays les plus touchés par la maladie. Mais les craintes liées au virus font aussi du mal aux pays voisins, même quand ils ne sont pas directement affectés.
 

Au Sénégal, où aucun cas mortel d’Ebola n’est pourtant recensé actuellement, le secteur touristique est déjà touché par une série d’annulations, en raison des peurs liées à la maladie. "Les conséquences d’Ebola sur le tourisme [au Sénégal, ndlr] pourrait réduire le PIB annuel de 1 %", note un rapport de la Banque mondiale sur l’impact économique du virus en Afrique de l’Ouest, paru le 8 octobre 2014. "Plusieurs conférences ont déjà été annulées et les vols à destination du Sénégal sont moins remplis ", indique le rapport.

Les peurs se sont cristallisées depuis l’annonce, fin août, d’un cas d’Ebola dans le pays. Il s’agissait d’un jeune Guinéen, qui a depuis guéri. À l’époque, la nouvelle avait entraîné de nombreuses annulations dans les hôtels de Dakar. Aucun nouveau cas n’a été ensuite enregistré. Le 9 octobre, l’Organisation mondiale de la santé a donc retiré le Sénégal de sa liste rouge des pays affectés par Ebola. La confiance ne semble toutefois pas avoir été rétablie, en dépit des messages rassurants de l’exécutif sénégalais. D’où le pessimisme des professionnels du tourisme, inquiets face aux annulations à la chaîne.

"J’ai perdu 3 000 euros ce week-end car un groupe de touristes a annulé son voyage par crainte d’Ebola"

Lionel Lopez, un Français expatrié au Sénégal depuis huit ans, est propriétaire d’un hôtel-restaurant situé à Ndangane, dans la région touristique du Sine Saloum, classée au Patrimoine mondial de l'Unesco. Selon lui, des centaines de milliers d’emplois sont en jeu au Sénégal, où le tourisme constitue la seconde ressource économique du pays.
 

La saison touristique commence tout juste, mais les annulations tombent en cascade. J’ai perdu 3 000 euros ce week-end car un groupe de douze personnes a renoncé à venir à l’hôtel, en raison des craintes liées à Ebola. Hier, on a fait le point avec des confrères de toutes les régions du pays, et les chiffres sont catastrophiques. Lorsque les médias évoquent l’épidémie d’Ebola, ils parlent de l’Afrique de l’Ouest en général, alors que l’épidémie concerne seulement trois pays. Il y a eu un seul cas d’Ebola au Sénégal, et il a été guéri. La situation est complètement sous contrôle.

L'autre problème vient des peurs liées au djihadisme. Le Quai d’Orsay avait classé le Sénégal en zone rouge, au même titre que le Mali par exemple, avant de rectifier le tir il y a une semaine. Au Sénégal, il n’y a ni Ebola, ni jihadistes, mais les gens font l’amalgame. Le secteur touristique allait déjà mal depuis plusieurs mois, mais les craintes suscistées par Ebola et le jihadisme ont porté le coup de grâce. Un hôtel de la région vient de mettre la clé sous la porte. Des tours opérateurs comme Nouvelles Frontières ont enregistré une baisse de leurs ventes de 75 %. Et un certain nombre de touristes se tournent désormais vers la Gambie.

La baisse de la fréquentation des hôtels aurait déjà coûté entre 800 et 1 800 emplois au Sénégal, selon les hôteliers. Comme l’indique Lionel Lopez, les problèmes du secteur touristique sénégalais sont toutefois antérieurs à l’épidémie Ebola, en raison du conflit au Mali voisin, de l’érosion côtière, de l’instauration des visas biométriques pour les Européens depuis 2013, ou encore de l’augmentation du prix du billet d’avion liée aux taxes aéroportuaires. Le pays accueillait plus d’un million de visiteurs en 2000, contre 450 000 seulement aujourd’hui.

 

 

(Photo : Vue de l'hôtel Les Cordons bleus, situé à Ndangane, dans la région du Sine Saloum (sud-ouest dSénégal). Photo prise par son propriétaire Lionel Lopez.)

 

Source : Les Observateurs France24

 

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