G5 du Sahel : à quoi ça sert vraiment?

L'initiative est floue et les objectifs mystérieux. Dans tous les cas, cela prouve qu'il faut arrêter de tout copier sur les Occidentaux.

 

 

e G5 du Sahel est né. En effet, un groupe de cinq pays du Sahel constitué du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, a été mis en place lors de la rencontre des chefs d’Etat des pays concernés à Nouackchott, le 16 février dernier. Objectifs du groupe présidé pour l’heure par le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz: prévenir et lutter contre l’insécurité dans la zone et gérer au mieux la manne de plus de huit milliards d’euros promise par la communauté internationale dans le cadre de la quête de la sécurité et du développement dans l’espace sahélien.

Le nom donné à ce rassemblement en lui seul suscite des interrogations: G5. Est-ce une façon de copier l’Occident, spécialiste des regroupements de pays de ce genre ou juste une reconnaissance implicite que c’est l’Occident qui est à l’initiative de la création de ce regroupement? Si tel est le cas, ce regroupement peut-il atteindre des résultats intéressants étant donné que ses acteurs n’y sont pas allés par conviction? En tous les cas, le pessimisme est de mise.

La manne venue d’Occident

On se demande du reste pourquoi des pays comme le Sénégal, également concerné par les questions du Sahel, et la Libye, véritable magasin à ciel ouvert et incubateur de terroristes, ne font pas partie de ce regroupement. Ce serait mesquin et contreproductif si l’exclusion de ces deux pays est dictée par la volonté d’avoir moins de prétendants dans le partage du gâteau.

Car, on a hélas le sentiment que la manne promise est le principal, sinon le seul élément fédérateur des membres de ce regroupement. L’argent serait le seul motif du rapprochement entre ces cinq pays dans ce dossier.

Tout se passe comme si l’Occident, connaissant le faible de nos dirigeants pour les espèces sonnantes et trébuchantes, a compris que c’est ce sur quoi il fallait tabler pour les faire sortir de leur torpeur en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Il est notoire que la lutte contre le terrorisme préoccupe plus l’Occident que l’Afrique. Il n’est donc pas étonnant que l’Occident fasse tant et tant d’efforts. Surtout que la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) végète depuis la disparition de son principal géniteur et bailleur de fonds, Mouammar Kadhafi. Les milliards promis par la communauté internationale devront servir en partie, à des investissements dans des zones pauvres et jusque-là plus ou moins délaissées.

De ce fait, il est essentiel que les membres du G5, même si ce groupe a été inspiré, voire suscité par les Occidentaux, sachent en tirer le meilleur profit possible pour leurs populations. Pourvu donc que ces investissements se fassent avec le plus de sérieux possible. Cela sera de nature à réduire un tant soit peu la misère qui crée un terreau fertile pour l’extrémisme, un vivier de jeunes faciles à endoctriner et à enrôler pour le jihad. Ces investissements dans les zones délaissées sont donc un moyen efficace de lutter contre la propagation des islamistes et leurs doctrines obscurantistes.

Mais la situation devrait être tout de même gênante pour les dirigeants africains. Cela ne devrait pas être une fierté de toujours compter sur l’aide occidentale pour soulager les populations africaines. Une gestion rationnelle des ressources à venir commandait par ailleurs qu’on fasse l’économie de la mise en place d’une nouvelle institution qui, quoi qu’on dise, va engloutir un minimum de moyens de fonctionnement qui aurait pu être mieux injectés dans des chantiers de développement.

En tout état de cause, on se demande pour combien de temps cet attelage dont le lien essentiel réside dans la manne promise, peut tenir la route. Il faut en effet craindre que l’utilisation de ces fonds ne soit source de discorde. Les pays pourraient ne pas s’entendre sur la répartition, le choix des projets ou la manière de les financer. Ce serait dommage, mais le vrai danger se trouve ailleurs. Le risque que l’Occident, au nom de la lutte contre le terrorisme, protège et entretienne des dictateurs dans cette zone n’est pas négligeable. Sur ce point précis, contrairement au régime de Nicolas Sarkozy qui avait commencé à donner l’espoir d’une influence positive de la France dans la démocratisation du continent noir en « rougissant les yeux » avec certains chefs d’Etat africains qui veulent s’éterniser indûment au pouvoir, François Hollande déçoit bien des Africains.

Nécessaire démocratisation

En effet, les autorités françaises actuelles, qui semblent attachées à la démocratie en France, travaillent d’une manière ou d’une autre contre cette même démocratie dans le pré-carré français en Afrique. C’est ce que donnent à voir leur silence et leurs comportements équivoques. En effet, à l’opposé de Sarkozy qui fustigeait les longs règnes et de Obama qui privilégie la force des institutions à celle des individus, Hollande, sous prétexte de ne pas se mêler des problèmes des Africains, ne hausse pas, jusque-là, le ton avec fermeté contre les fossoyeurs de la démocratie sur le continent.

Qu’on le veuille ou pas, ce silence sonne dans bien des palais africains comme un encouragement, ou à tout le moins une indifférence, de l’Elysée vis-à-vis de ceux qui nourrissent des velléités de mourir au pouvoir par tous les moyens. C’est en cela qu’on peut dire que l’Occident, avec en première ligne la France, se trompe de combat.

En effet les investissements comme les interconnexions électriques et le bitumage de routes régionales qui sont projetés, en dépit de leur grande importance, ne feront pas le poids tant que la situation de la gouvernance politique dans cette zone laissera à désirer. Ce n’est pas exagéré de dire que des cinq pays du G5, seuls le Niger et le Mali, dans une certaine mesure, s’illustrent assez bien en matière démocratique. Dans les autres pays, c’est plus ou moins une démocratie en trompe-l’œil avec à la clé des risques de déstabilisation réels.

Pourtant, le succès de toute initiative en matière de développement et de lutte contre le terrorisme est largement tributaire de la stabilité de tous les pays concernés. Une crise politique ouverte peut fragiliser la capacité de résilience des pays dans cette lutte. C’est dire que le plus important, c’est la stabilité politique durable qui ne peut se faire sans une démocratisation effective des pays. L’absence de bonne gouvernance politique est une porte ouverte sur l’instabilité et la stabilité nécessite un langage de vérité vis-à-vis des tenants du pouvoir en Afrique. Les Occidentaux et surtout la France de Hollande, devraient s’en convaincre. Vouloir lutter contre l’insécurité et travailler pour le développement en Afrique sans se préoccuper de la question de la stabilité politique, et donc de la démocratisation réelle, n’est ni plus ni moins qu’une manière de vouloir « mettre la charrue avant les bœufs ».

 

Cet article a d’abord été publié dans Le Pays

 

(Photo Le village de Nabam, Mauritanie / Reuters)

 

Source : SlateAfrique

 

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