Mauritanie : l’enfance volée d’Aïssata, 5 ans, abusée sexuellement en toute impunité

Abusée sexuellement à l’âge de 5 ans, la petite Aïssata* ne verra pas son violeur puni. Le quinquagénaire a retrouvé la liberté deux jours après son incarcération, bénéficiant même de la grâce des parents de la petite fille. Il s’agit là d’ «un énième cas d’impunité» que ne cesse de dénoncer l’Association  (mauritanienne) des Femmes Chefs de Famille (AFCF).

 

Par Mohamed Diop

A 13 heures, Haja* rentre du marché où elle tient un petit commerce de fruits. Restée à la maison, sa fille, Aïssata, dort à même le sol, devant l’entrée dans sa chambre. Nous sommes au sixième arrondissement de la capitale mauritanienne, Nouakchott. Tout semble normal. La maman tente de réveiller sa fille mais n’y parvient pas. Son sommeil est certainement trop profond, se dit-elle. Elle prend sa petite dans ses bras et la dépose sur son lit. Aïssata se réveille aussitôt et pousse de puissants cris. La fillette se tord de douleur. Elle ne parvient pas à se tenir debout. La maman fond en larmes. Le mal est déjà fait. Il ne lui reste plus qu’à s’enfermer avec sa fille pour mieux prendre la mesure de sa tragédie.

Le quinquagénaire satisfait sa libido chez la fille du voisin

Quelques heures plutôt, un quinquagénaire, occupant la même maison, avait appelé la petite dans sa chambre pour lui remettre sa liste quotidienne de courses. Rien d’inhabituel dans ce quartier où l’entraide favorise la bonne entente entre les habitants. Le quinquagénaire et le père d’Aïssata sont colocataires depuis six ans. Ils se connaissent bien et s’apprécient. Tous deux sont originaires du même pays, le Sénégal. Mais la relation dérape. Le quinquagénaire satisfait sa libido sur la fille du colocataire. Il prend soin de lui refaire son pagne après son forfait. Mais le mal est fait. Agée de 5 ans, la fillette a déjà perdu sa virginité.

« Je suis foutu…Ma fille a été violée», répéte plusieurs le père, un maçon qui se trouvait au même moment au domicile de sa patronne, au quartier de la Socogim. Il a été prévenu du forfait par son épouse qu’il l’a joint au téléphone. Le père de famille est sous le choc. A ses côtés, sa patronne jure de ne pas le laisser tomber et l’oriente vers la directrice du Centre d’Ecoute des Femmes Victimes de l’Esclavage et des Séquelles de l’Esclavage, une structure dépendant de l’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) qui dispose de bureaux à Tarhil. «C’est l’un des quartiers de Nouakchott le plus touché par les viols, parce qu’il s’agit d’une zone enclavée», explique au Courrier du Sahara la directrice du centre, Senya Haïdara (photo ci-dessous).

 

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Quatre heures après la découverte du drame, Senya n’a toujours pas reçue d’appel du père. Elle cherche son numéro et prend la décision de l’appeler d’elle-même. «Je lui ai proposé de prendre en charge les frais médicaux de sa fille. Nous voulions surtout nous assurer qu’elle n’avait pas contracté de maladie comme par exemple le sida», explique la militante au journaliste du Courrier du Sahara venu à sa rencontre. Un rendez-vous est fixé pour le début de soirée à la brigade des mineurs. Mais le père ne s’y rendra jamais. «J’ai attendu jusqu’à 20 heures. Je l’ai même rappelé mais il n’a rien voulu entendre, poursuit Senya Haïdara.

Les parents refusent de porter plainte

Sur place, la militante des droits de l’homme se voit refuser l’accès au violeur. L’homme est protégé par la famille de la petite victime qui fait l’éloge de son agresseur: «C’est un homme bon, me disait la maman. Elle estimait que tout ceci n’était qu’un accident», témoigne la militante qui parvient, après de longues explications, à convaincre les parents d’accepter de déposer plainte.

Rendez-vous est fixé le lendemain à la brigade des mineurs. Mais seuls la fille et son violeur répondent présent. «La maman m’a expliqué qu’elle avait pris la décision de ne pas déposer plainte. Elle m’a dit que l’affaire avait été réglée à l’amiable, regrette Senya Haïdara. Quant à la police, elle a mis de côté l’aspect judiciaire de l’affaire et libéré le violeur après deux jours d’incarcération».  

L’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) décide finalement de ne prendre en charge que les frais médicaux de la fillette. Les contacts avec sa famille sont rompus. «Je n’ai plus jamais revu la maman. Parfois, elle m’appelle pour m’insulter, rien de plus», raconte la militante.

Un terrible fléau qui n’épargne personne

Cette dernière ne doute point de la «complicité entre certains parents, la police et même des médecins qui, en ne réagissant pas, favorisent l’impunité et donnent aux violeurs le courage de poursuivre leur forfaits». Pourtant, personne n’est épargné par ce terrible fléau. Un nourrisson de 14 mois figure au nombre des 255 victimes d’agressions sexuelles recensées en 2013 à Nouakchott par l’Association Mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME). Les cas dénoncés concernent en majorité des enfants de moins de 15 ans (36%) et des adolescents de moins de 18 ans (27%). Et il ne s’agit que des agressions ayant fait l’objet d’une dénonciation, le nombre réel étant certainement bien plus élevé malgré le travail de sensibilisation effectué par l’AMSME. «Nos campagnes contribuent à donner aux victimes le courage de dénoncer leurs agresseurs. Une femme, tombée enceinte après un viol, a finalement osé nous raconter son calvaire au septième mois de sa grossesse», témoigne Ba Samba, superviseur technique de l’AMSME.

*prénom d’emprunt

A relire l’enquête du Courrier du Sahara consacrées aux viols commis sur des enfants à Nouakchott

 

Source : Le Courrier du Sahara

 

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