Carnets de voyage d’un Mauritanien en Turquie 3 : sur la route de l’immigration clandestine.

Hier, j'ai rencontré des Sénégalais et un Mauritanien, tous candidats à l'immigration. Pour l'instant, ils sont marchands ambulants à l'entrée du Grand Bazar d'Istanbul.

 

Il y avait des hommes et des femmes. Ils vendaient des montres, de l'artisanat sénégalais, et autres babioles de la vie courante. Ces produits semblent attirer une clientèle assez hétéroclite, au vu de l'attroupement devant leurs échoppes à même le sol. Cette pratique est tolérée par les autorités qui, selon ces personnes, sont bienveillantes avec eux, même en cas de contrôle de routine. Les conditions d'obtention de papiers restent globalement un mariage avec un(e) Turc(que).

J'ai engagé la discussion avec l'un des Sénégalais pour comprendre comment ils ont atterri ici. Licencié de la fédération sénégalaise de football, il a joué comme attaquant dans plusieurs clubs de Dakar. Il m'explique que pour sa part, il est venu avec un recruteur sénégalais de jeunes sportifs, en vue de les "vendre" à des clubs de foot locaux, le must étant le Galatassaray. Bien sûr, vous connaissez ce genre de vente de rêve qui, dans un contexte de désespoir et de désir de survie, ne laisse aucune réflexion objective ni aucun discernement aux jeunes de nos pays abandonnés dans un sauve-qui-peut économique et social sans nom.

Le jeune me précise que son mentor n'a toujours pas organisé les rencontres nécessaires avec les clubs pour pouvoir passer les tests de recrutement. Lorsqu'il le relance, c'est toujours la promesse que cela viendra. Forcément, cela viendra, un jour, inchallah.
Cela me rappelle une comédie de Samuel Becket qui s'intitule "En attendant Godot". Dans la structure syllabique de "Godot", vous remarquerez la particule "God" qui en anglais signifie Dieu. "Godot" est un diminutif de God, qu'on pourrait grossièrement traduire par "Petit Dieu". Mais comme Dieu ne peut pas être Petit, et que par conséquent un "Petit Dieu" n'existe pas, l'attente de "Godot" ne peut que durer une éternité. Si vous avez réussi à faire ces liens, vous avez tout compris de l'attente de ces jeunes à passer des tests via des intermédiaires qui eux ont cyniquement compris qu'on peut aussi s'enrichir de la misère de ses semblables.

Leurs conditions de vie collective, telles qu'elles m'ont été décrites, me rappellent les nôtres au Maroc, c'est à dire une vie en groupe avec des hauts et des bas, chacun s'organisant, seul ou en groupes plus ou moins importants, pour que les hauts soient plus fréquents que les bas.

Hier soir, il beaucoup plu, et on n'a pas pu sortir. Ce matin, du fait de la pluie d'hier, le soleil est mois agressif. Ce qui laisse prévoir une sortie cet après-midi.

Allez! Le muezzin appelle, je vous laisse.

A+

Ibnou DIOP pour KASSATAYA

 

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