Mobilisation contre le viol, arme de guerre

Une centaine de délégations sont à Londres pour réfléchir à la lutte contre les violences sexuelles dans les zones de conflit, et notamment au viol, utilisé comme arme de guerre. Quarante-huit ministres des Affaires étrangères sont présents sous la houlette d’Angelina Jolie, ambassadrice de bonne volonté du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés et du chef de la diplomatie britannique, William Hague.

 

Sont également conviés ONG, religieux, experts militaires et juridiques, associations humanitaires et membres de la société civile, et surtout, des victimes et des témoins.

Des chiffres circulent afin d’alerter l’opinion mondiale sur cette pratique extrêmement répandue en zone de conflit : selon les Nations unies, 200 000 femmes auraient subi des violences sexuelles en République démocratique du Congo depuis 1998. Elles seraient entre 250 000 et 500 000 victimes de viol au Rwanda en 1994 lors du génocide, elles auraient été près de 60 000 lors du conflit en Sierra Leone, et au moins 20 000 en Bosnie au début des années 90.

Mais ces chiffres ne disent pas grand-chose de la réalité car les estimations sont très approximatives, du fait du silence entourant le plus souvent ce type de violence. Il reste impossible d’évaluer la proportion de personnes ayant subi des agressions sexuelles dans les zones de conflits. Les témoignages sont difficiles à recueillir, notamment en Syrie, et jusque dans les camps de réfugiés, où les victimes restent extrêmement vulnérables.

Le viol, crime contre l’humanité

Pourtant, les violences sexuelles dans les zones de conflits ne sont pas à considérer comme une conséquence inévitable, un dommage collatéral de la guerre, c’est le premier message que souhaitent faire passer les initiateurs de la conférence de Londres. Le viol comme arme de guerre est un crime contre l'humanité, qualifié comme tel depuis 2008 par l'ONU. Et la première façon de lutter, c’est d’écouter les victimes.

Ça me ronge trop. Je voudrais tout simplement que la justice condamne ces hommes-là, ces militaires. Si on ne le fait pas, ils continueront de faire les mêmes erreurs.

Témoignage d'une jeune fille victime de viol en RDC 11/06/2014 – par Léa-Lisa Westerhoff écouter

 

La jeune fille qui a accepté de témoigner au micro de la correspondante de RFI en RDC, a 16 ans. Elle a été agressée une première fois à l’âge de14 ans puis violée à 15 ans par des soldats de l’armée congolaise, à Minova dans le nord Kivu à l’est du Congo. Elle parle de « l’erreur des militaires », un langage pudique pour dire l’horreur vécue par des centaines de milliers de personnes dans la région. Quand ce ne sont pas les militaires, ce sont leurs adversaires qui se livrent à ces violences. Comme on le comprend dans ce témoignage, le viol est souvent tabou et la parole se fait rare.

Rares sont aussi les victimes qui ont accès à une structure médicale sur place où ailleurs. Or, avant de pouvoir témoigner, il faut être soigné. C’est ce que nous explique le docteur Agnès Afnaim, au centre Primo Levi de soin pour les victimes de tortures et crimes politiques : « Il arrive qu'on découvre l'existence de violences sexuelles dans le passé de ces personnes bien des mois après le début de la prise en charge de ces personnes, parce que c'est quelque chose qui suscite, bien plus encore que tout autre type de violences, un très très fort sentiment de honte de la part des victimes. C'est quelque chose de presque indéracinable ce sentiment de honte qui perdure indéfiniment, alors même qu'il n'y a plus de séquelles physiques observables de ces violences passées ». Le docteur Afnaïm suit une centaine de patients. Elle estime que soixante d’entre eux ont subi des violences sexuelles. Elle soigne des Kosovars, des Tchéchènes, des Turcs et des Africains, de Somalie et de la région des grands lacs en Afrique.

Quand la parole se libère

Impossible cependant d’avoir une estimation globale du nombre de victime. Seul fait positif, relate le médecin, c’est que la parole commence à se libérer, y compris chez les victimes masculines, les plus réticentes jusque-là à dévoiler ce qui est vécu comme l’humiliation suprême. « Ce qui a évolué, explique le docteur Afnaïm, c'est la possibilité d'évoquer, de nommer le viol, notamment pour les hommes. Parce que c'est encore plus caché, et peut-être aussi honteux, voire plus encore chez les hommes. Et cela se dit moins chez eux, quelque soit le médecin en face, femme ou homme. »

La parole des victimes est essentielle pour que la justice progresse, mais c’est aussi aux Etats de prendre leurs responsabilités en refusant d’abriter les auteurs et les commanditaires de ces violences et en protégeant les victimes.

 

 

 

Source : RFI

 

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