UN JOUR, UNE ÉQUIPE • En Iran, l'heure est à la prudence et au réalisme. Faisant partie d'un groupe très difficile, l'Iran devra affronter le Nigéria, la Bosnie et l'Argentine. Mais la "team melli" suscite tout de même la ferveur populaire.
Voilà pourquoi la team melli est partie se préparer à onze à Johannesburg, en Afrique du Sud, alors que la sélection se compose de 28 joueurs. L’obstination de ces clubs iraniens a suscité de vives critiques de la part de M. Queiroz, ancien entraineur au Real Madrid, qui entendait élever le niveau des joueurs pendant les entraînements en Afrique du Sud.
Une mission impossible ?
Dès sa nomination il y a trois ans, Carlos Queiroz avait fait savoir qu'il entendait engager des joueurs bi-nationaux, évoluant dans des clubs étrangers et dans des ligues prestigieuses. L'un d'eux, l'Irano-Américain Steven Beitashour, suscite l'intérêt des médias, en raison des relations tendues entre Washington et Téhéran. Les deux capitales n'ont plus de relations diplomatiques depuis la prise d'otages à l'ambassade américaine en 1979 à Téhéran, peu après la révolution islamique. Selon le site de la BBC Persian, la décision de Steven Beitashour de rejoindre l'équipe de foot iranienne n'a guère plu à ses supporters américains. L'un d'eux l'a accusé d'"avoir vendu son âme" pour pouvoir jouer à la Coupe du monde. Un autre des joueurs phares de l'équipe est Reza Ghoochannejhad, du Charlton Athletic en Angleterre, qui sera le principal attaquant, ainsi que Ashkan Dejagah, jouant pour Fulham.
L'entraîneur s'est fixé une "mission impossible" : faire grimper l'Iran en huitièmes de finale, un fait sans précédent dans l'histoire du foot iranien. Conscient de niveau élevé des autres équipes, le Portugais de 61 ans reste sûr de lui : "Nous allons nous confronter à des équipes qui sont sensiblement supérieures à nous. Mais je promets que nous allons leur rendre la vie et le jeu difficiles."
Le couac des maillots
Les Iraniens semblent considérer que leur équipe peut au moins l'emporter face au Nigéria. Le site spécialisé sur le foot iranien, teammelli.com, critique d'un ton moqueur l'optimisme et "l'arrogance" des Nigérians qui refusent de considérer l'Iran comme "un sérieux rival", se focalisant sur la Bosnie et l'Argentine. "La team melli est tout de même beaucoup plus forte que ce que les Nigérians pensent !", commente le site. "Ces derniers ont certaines faiblesses sur lesquelles Queiroz peut travailler." L'une d'elles, à en croire ce site, est "la tendance des Nigérians à paniquer" dès qu'ils sont devancés. "Le point fort de l'Iran sera une défense serrée, dans le but de ne pas leur laisser reprendre leur souffle", conclut ce site.
Les joueurs iraniens espèrent créer la surprise, puisant dans leur amour de la patrie et dans la joie qu'ils pourraient créer chez les Iraniens. Reza Ghoochannejhad ne se garde pas d'avoir des ambitions osées pour l'équipe iranienne. "L'Argentine est la meilleure, mais les trois autres vont se battre pour la seconde place. Cela peut être nous, car je ne pense pas qu'on soit moins bons que le Nigeria ou la Bosnie", a-t-il soutenu lors d'un entretien avec le quotidien britannique The Guardian.
Mais le manque de préparation et les soucis matériels handicapent les Iraniens. L'une des affaires qui a beaucoup fait parler d'elle est la déclaration du directeur de la Fédération iranienne de foot, Ali Kaffashian, interdisant aux joueurs iraniens d'échanger leur maillot avec leurs rivaux à la fin de chaque match. "Une tradition lors des matchs internationaux qui est aussi ancienne que le football lui-même", s'indigne le site teammelli.com. Ses propos ont créé "un sentiment d'humiliation et la colère des fans", assure le site, prêt à organiser une collecte de fonds pour acheter de nouveaux maillots à l'équipe nationale.
Sans compter que leurs chaussettes rétrécissent au lavage et que leurs chaussures sont trop petites, comme le rapporte The National.
Le foot, un enjeu pour les politiques
Alors à Vienne en pleine discussion sur le programme nucléaire controversé de Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a pris le temps d'aller rendre visite à l'équipe nationale, s'entrainant à 120 kilomètres de la capitale autrichienne, le 15 mai. Le chef de la diplomatie a également pris soin de leur transmettre le salut du président iranien, Hassan Rohani. "Il vous a personnellement souhaité la victoire et m'a demandé de vous annoncer que l'Etat ferait tout pour vous soutenir", a-t-il ajouté.
Lorsqu'en 1997, l'Iran a été qualifié pour le Mondial de 1998 en France, à l'issue d'un match serré avec l'Australie, Téhéran, ainsi que beaucoup d'autres villes, ont connu des fêtes dans les rues jusqu'à l'aube. Depuis, après chaque victoire internationale, les Iraniens descendent célébrer dans la rue. Ce pays connaîtra-t-il une autre nuit blanche ?
Ghazal Golshiri
(Photo : Le milieu de terrain iranien Reza Haghighi face au joueur angolais Vado, lors d'un match de préparation à la Coupe du monde en Autriche le 30 mai 2014. (Photo AFP/Samuel Kubani)
Source : Courrier international (Le 1 juin 2014)
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