Mauritanie : vers un nouveau cap de la cohabitation

Depuis des mois un vent favorable à la réconciliation nationale est entrain de souffler au sein de la classe politique pour sortir la Mauritanie de l’impasse où l’ont enfermé plus de deux décennies d’exactions commises au sein des forces armées contre des soldats négro mauritaniens et des déportations de près de 200 000  noirs au Sénégal et au Mali. Le récent mea culpa du président du Rassemblement démocratique (RD)  s’inscrit dans cette perspective. Moustapha Ould Abderrahmane a présenté publiquement ses excuses aux victimes des années de braise de 86 à 92  et préconisé la création d’une commission nationale voire internationale pour apporter la lumière sur ces évènements.

Il a fait ces déclarations à une chaîne privée Al Watanya. Au moment où des rapatriés du Sénégal partis de Boghé cette semaine pour Nouakchott pour protester  contre les conditions dures des camps depuis 2008, ces aveux d’un ancien ministre sous le régime de Ould Taya contribuent à rompre le silence des premiers responsables de ces manquements graves de la République.

Les faits sont têtus. En 1986 les Forces de Libération Africaine de Mauritanien ( FLAM) publient le Manifeste du négro mauritanien pour dénoncer le racisme d'Etat. Les cerveaux sont arrêtés et puis emprisonnés à Oualata. Parmi eux Samba Thiam le président actuel du mouvement et Ibrahima Sarr président  aujourd’hui de l'AJDMR. Quatre de leurs compagnons y trouveront la mort dans un silence total. Et en 89 un conflit éclate entre le Sénégal et la Mauritanie. Le régime de Ould Taya en profite pour « dénégrifier » le pays en déportant prés de 200 000 négro-mauritaniens au Sénégal et au Mali. Plus de 20 000 seulement seront rapatriés et disséminés dans des camps de fortune dans les régions du Sud abandonnés à leur sort aujourd'hui par le régime de Ould Aziz. Une centaine parmi eux marchent depuis cette semaine de Boghé en direction de la capitale pour essayer de trouver des solutions pour leur réintégration dans leur propre pays.

Et en 1990 ce sont 24 soldats négro-mauritaniens qui sont exécutés sommairement à Inal pour fêter l'indépendance. Voilà donc plus de deux décennies après ces graves faits aucune suite judiciaire n'a été donnée aux plaintes des victimes au plan national par les veuves et orphelins voire international et les locataires successifs du palais de Nouakchott ont usé de la République pour garder le silence. Il a fallu attendre 2014 pour que les choses bougent en faveur d'une clarification de cette fracture nationale. C'est la classe politique même qui fait un pas pour relancer le débat sur la réconciliation nationale. Deux épiphénomènes ont déclenché une nouvelle prise de conscience des lourdes menaces qui pèsent sur le lien social et l'unité nationale. La longue marche des rapatriés du Sénégal  de Boghé à Nouakchott et la marche pour les droits des Hratins le 29 avril dernier dans la capitale. Un vent d'apaisement est entrain de souffler pour sortir le pays de cette impasse où l'ont enfermé plus de deux décennies de manquements graves de la République. Dans cette perspective le président du Rassemblement démocratique (RD) s'est confié récemment à une chaîne privée Al Wantanya pour présenter ses excuses aux victimes des années de braise 86 à 92. Moustapha Ould Abderrahmane a rompu le silence pour condamner les exécutions extra judiciaires des 24 soldats négro mauritaniens dont il a été au courant seulement après plusieurs années grâce au travail des Organisations internationales des droits de l'homme comme Amnesty International. Pour l'ancien ministre sous le régime de Ould Taya qui ne cache pas sa culpabilité de fait son ancien chef  a commis des fautes gravissimes. Il regrette que les chefs d'Etat  qui se sont succédés à Nouakchott ne soient pas allés au-delà  par exemple des prières de Kaédi en 2009.Un pardon pour la République pour  dédouaner les vrais coupables. Pour le leader du RD pas de cohabitation sur cette base de déni de justice tout en regrettant l'omerta des hauts responsables du pays. Ce mea culpa d'un témoin authentique marque un tournant dans la perspective d'une véritable réconciliation nationale qui passe d'abord par une mise en place d'une commission nationale voire internationale de vérité sur ces manquements graves de la République comme l'a proposé Ould Abderrahmane.

 

Bakala Kane

 

(Reçu à Kassataya le 2 mai 2014)

 

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