Personne ne connaît son nom de famille, ni son prénom ni la ville où il vivait avant d'être arrêté et condamné à mort pour un meurtre qu'il dit ne pas avoir commis. Pourtant, des centaines d'Iraniens se sont mobilisés sur les réseaux sociaux depuis le début du mois de mars afin de sauver d'une pendaison imminente ce jeune homme de 26 ans, en prison depuis sept ans, dont l'exécution a déjà été reportée trois fois.
Leur but : réunir " le prix du sang ", 350 millions de tomans (87 000 euros) réclamés par la famille de la victime pour accorder son pardon au jeune homme, en vertu d'une disposition de la charia, la loi islamique en vigueur en Iran.
Face à la difficulté de réunir une telle somme dans un pays où le salaire moyen est de l'ordre de 300 euros, n'importe qui aurait pu se décourager. Mais l'impossible est devenu possible lorsque le réalisateur Mostafa Kiaei et son producteur, Mansour Lashgari, ont proposé de consacrer une séance de leur dernier film, Ligne spéciale, à la récolte d'argent manquant pour sauver le jeune Iranien.
L'équivalent de 29 000 euros avait déjà été réuni par les proches du condamné et grâce à une poignée de militants et d'artistes. Samedi 5 avril, à la salle Eivan-Shams, au nord du centre de Téhéran, une foule d'artistes, sportifs et hommes d'affaires se sont massés sous les flashes des photographes, venus immortaliser cet événement inédit. Pris de court par l'afflux de spectateurs, les responsables de la salle ont ajouté une deuxième séance, et certains ont dû regarder le film debout ou assis par terre. Les dons varient entre 5 et 25 000 euros, somme offerte par le propriétaire du club de football Steel Azin, Hossein Hedayati. " Une dame a enlevé son collier dans la salle et l'a donné à l'animateur qui faisait appel à la générosité des participants et annonçait à haute voix les dons ", relate Babak (le prénom a été modifié), qui a aidé à l'organisation de ces deux séances. A la fin de la soirée, les 58 000 euros manquants avaient été rassemblés. " Je n'en reviens toujours pas ", confie le jeune Iranien.
Réseaux sociaux
Le nombre d'exécutions en Iran, en nette augmentation en 2013, plaçant le pays au deuxième rang mondial après la Chine, constitue l'une des préoccupations des défenseurs des droits de l'homme iraniens. Tandis que la justice reste inflexible sur la question, prononçant notamment de nombreuses condamnations à la peine capitale contre les trafiquants de drogue, de plus en plus de voix se font entendre pour appeler à plus de clémence.
" Nous sommes confrontés à des failles au niveau des institutions chargées des décisions – judiciaires – ", s'est ainsi désolée la célèbre réalisatrice Rakhshan Banietemad, connue pour ses engagements sociaux et politiques, devant la salle pleine d'Eivan-Sham.
Si cette affaire a pris autant d'ampleur, ce n'est que grâce à l'émergence d'une classe moyenne attentive aux droits de l'homme, s'exprimant notamment à travers les réseaux sociaux. " Avant cette affaire, je considérais Facebook comme un passe-temps parfois vulgaire. Aujourd'hui, je le vois comme un outil qui pourrait servir nos buts ", explique ainsi Babak, qui compte continuer sa lutte contre la peine de mort.
Ghazal Golshiri
Source : Le Monde
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