Nouvelles d’ailleurs: « Les pauvres, les jeunes, les autres et moi….

Vous l'aurez remarqué, j'avais disparu des pages de votre journal préféré… Au point que certains envisageaient même, déjà, de me broder une belle oraison funèbre et de décider d'un jour de deuil plus que national (parce que je le vaux bien), avant, bien sur, de m'ériger une statue tout en haut d'une fontaine, à un carrefour quelconque, pas sur la route de NDB, déjà prise par des dauphins volants, mais un petit carrefour, marqué par une jante avec un âne comme gardien….

 

Remballez tout ! Je reviens….

En fait j'avais décidé d'aller me cacher, en ces périodes de « jeunisme » à vocation électorale…

Tant que notre Sultan faisait dans le « Président des pauvres », ça m'allait : je suis pauvre ; lors des discours royaux je savais que mon président parlait de moi, pour moi, qu'il me regardait droit dans les yeux et me disait : «  Ya ma Derwichette, je te promets des lendemains qui chantent, du pétrole dans ton jardin, un logement, une voiture, un monde meilleur, un avenir électrifié et un présent arc en ciel »…

Les autres Nous Z'Autres pensaient qu'il leur parlait mais moi je savais qu'il me parlait à moi ; quand j'allais payer mon ardoise chez mon boutiquier, même si mon portefeuille paraissait toujours aussi maigre, ça n'était pas grave : je savais que mon président travaillait à me rendre potentiellement riche, nonobstant ce que disent nos oppositions multiples et infinies.

Bref, j'étais, sinon riche, du moins en espérance….ce qui est déjà beaucoup : du rien brodé et vendu avec talent c'est de l'art…

Mais voilà que les choses se sont gâtées pour moi ; il y a comme un air de répudiation dans mon histoire avec mon président «  de la pauvre Derwichette »….

Je ne suis plus dans son cœur ; telle une vieille bagnole d'occasion qui, après des dizaines (oui, oui, chez nous les voitures ont des vies démultipliées, monuments à la gloire des Pyramides et des Pharaons, embaumées) d'années de bons et de loyaux services, usée jusqu'à la corde de ses courroies et autres pistons, il vient de me larguer au cimetière, à la casse, soumise aux outrages des ferrailleurs : hors d'usage la derwichette, plus assez jeune….

MON président est devenu, le « Président des jeunes ».

Et quand je dis « jeune », je dis « jeune » : pas une ride, une peau écoeurante d'élasticité, des cous fermes, l'insolence des dents qui en sont encore au stade dents de lait, l'impertinence de ceux qui croient encore que le monde leur appartient, qu'ils auront le beurre, l'argent du beurre et le zrig avec, sans compter la bergère.

Il les aime tellement ces jeunes qu'il leur a consacré une soirée entière.

Partout où nos yeux vieillissants se posaient on ne voyait que ça des « djeuns », à en avoir une indigestion ; et une bonne crise de jalousie….

Toute cette jeunesse….bien jeune…

Jeune, c'est à dire, dans la tête de mon infidèle de président, une moyenne d'âge de 20 ans ; quelques dérogations à des trentenaires…

A partir de 35 ans plus rien.

Je ne parle pas des quadras et des quinqua… Le quadra est un grand père ; le quinqua est une relique ont dû lui murmurer ses conseillers en communication sultanesque…. pour le reste, rien dans le manuel d'utilisation….

Notre Amir al Mouminin aime ses concitoyens, les Nous Z'Autres ; il les a différenciés en castes, petit exercice mnémotechnique histoire de se souvenir de ce que nous sommes.

Il a commencé sa mandature en s'occupant des Pauvres, c'est à dire la majorité : il fut alors «Président des Pauvres »…. Mais tous ces pauvres éparpillés sur l'immensité de notre république, pauvres jamais contents, ça use et ça fatigue…Quand on a tout promis, sauf la théorie du Big Bang, les caisses des promesses sont vides. En grattant un peu on pourrait trouver un peu de poudre de perlimpimpim…Juste suffisant pour les pauvres du carrefour du Bana blanc….

Aujourd'hui, à quelques mois de la « votation » présidentielle, il devient le « Président des Jeunes ».

A savoir si ces Jeunes là sont pauvres et/ou riches, je n'ai pas la réponse….

Cette propension a être, absolument, le Président d'une catégorie sociale donnée, de façon quasi frénétique, est un bon sujet de psychanalyse et nous en dirait beaucoup sur l'enfance de notre Sultan : un tel besoin d'amour et de reconnaissance…Partant de ce besoin d'amour, je ne peux que conseiller à mon infidèle, de zieuter vers d'autres catégories.

Après le show «  pauvres », le show « Presse et citoyens à Néma », le show « Jeunes », pourquoi pas un show «  Vieux », un show « Noirs », un show « Blancs », un show « mamies et papies », un show «  d'âge indéfini », un show «  les buveurs de lait »…

Selon le quartier, la région, le village, etc, il pourrait y avoir des variantes : «  le show des papis blancs pauvres » ; le lendemain, » le show des papis blancs riches »…

Il pourrait y avoir le « show de l'opposition ».

Pourquoi pas, non plus, un « show des divorcés » ? Un show des cocus, un show des vieilles filles, un show des moukhabarat, un show des barbus avec une distinction les barbus juste barbus, leur système pileux n'étant qu'un piège à fille parfumé, et les « barbus barbus », dont les poils au menton crient des slogans politiques et nous promettent l'apocalypse et le châtiment divin.

 

Bref… des milliers de cases, de shows, de potentiels électeurs…..

Et moi, abandonnée au bord de la route, petit tas de sable de la répudiée au profit d'une jeunesse insolente…..

Alors je retourne me cacher, cacher ma tête de presque quinqua….

Faites moi signe quand mon ex fera un show de « réconciliation avec la Derwichette » : je serai dans le placard de gauche sous l'évier, coincée entre les pinces à linge et le liquide anti cafard…

En attendant, je boude…

 

Mariem mint DERWICH

 

Source  :  Le Calame

 

 

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