Charité bien ordonnée commence par soi-même. Avant de donner, assure-toi que tu es habillé. Les adages et les proverbes sont légion, pour exhorter les bienfaiteurs occasionnels de bien s’assurer, d’abord, que tout se passe passablement bien, dans leurs environs immédiats.
Personne ne peut contester l’importance de l’aide aux voisins, aux amis, à toute personne en danger ou Etat en détresse. C’est plus que des actions humanitaires, ce sont des obligations que toutes les confessions du monde recommandent. La Mauritanie a envoyé un avion chargé de produits alimentaires (cinq tonnes de poissons), médicaux (une tonne et demie de médicaments) et une équipe de spécialistes au Congo Brazzaville, pour soutenir les populations victimes de l’explosion d’une réserve d’armes, un drame soldé par deux cents morts et des milliers de blessés. Deux semaines auparavant, un extraordinaire élan de solidarité a permis de collectionner et d’acheminer des tonnes d’aide aux réfugiés maliens, poussés vers l’est du pays par les affrontements entre leur armée régulière et les rebelles du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad). Une organisation non-gouvernementale, composée de hautes personnalités dont plusieurs anciens ministres, a amassé, en quelques jours, voire quelques heures, des chèques importants et des dons de toute nature. Le tout acheminé avec tambours, trompettes, supports de la TVM et de la radio. Les anciens hauts dignitaires des régimes déchus, nostalgiques du retour aux bonnes affaires, se sont rués sur le plateau de la « télé bidon » nationale, pour justifier ce subit élan de bienfaisance. Vous savez quoi ? Ces hommes et femmes ont détecté, en filigrane des maladresses officielles, que le Président espérait un tel sursaut ! Pourquoi ? Les hypothèses foisonnent. Aucune utilité à les évoquer. Mais ce que je ne comprends pas, moi, c’est pourquoi le Président des pauvres, dont la parole semble si bien écoutée, n’a pas adressé un discours à la Nation pour demander aux hommes d’affaires, anciens hauts fonctionnaires en disgrâce, ex- et néo-gabegistes de donner aux pauvres de Mauritanie. Qui donne aux pauvres prête à leur Président. Les centaines d’adwabas, villages démunis de tout, campements précarisés, kebbas, tarhil et autres ne s’en porteront que mieux. La situation de ces gens-là n’est en rien différente de celle des réfugiés maliens du Nord-Mali. Elle est, seulement, banale et c’est ce qui la rend pire, en fait. La faim, la maladie, l’exigüité, l’insalubrité, le manque d’hygiène, la malnutrition, l’absence des services de base, le froid, le soleil, le vent, bref : le dénuement total. Des réfugiés en leur propre pays. Ce n’est pas de la surenchère. C’est la vérité. Un moindre tour dans certains milieux de Nouakchott révèle l’avancée de la pauvreté et les conditions, extrêmement difficiles, des populations laissées en rade par les politiques, visiblement inefficaces, d’un gouvernement dont les déclarations officielles peignent tout en rose. La Mauritanie des profondeurs souffre, en dépit des reportages tendancieux et déroutants des missions de la TVM et de la radio à travers le pays : effets conjugués d’une précarité récurrente et d’une sécheresse persistante. Et puis, SVP, permettez-moi de le répéter, encore et encore : ce que je raconte là, ce n’est pas de la politique, ni de l’économie, ni de l’histoire, ni, moins encore, de la philosophie : c’est de la réalité. Triviale, obsédante, quotidienne. Depuis août 2008, tout le (beau)monde, en Mauritanie, rivalise en futilités : Dialogue, dialogue, goudrons, goudrons, amendements constitutionnels, opposition, majorité présidentielle, échange de communiqués injurieux et autres accusations de toutes sortes. Ce débat-là ne résout pas les problèmes. Ce débat-là est redondant et monotone. Arrêtez le massacre ! Le peuple se meurt à petit feu. Les incompétents, dehors ! Sauvons la Mauritanie, sans haine ni complexe. C’est cela dont nous avons besoin. Entendez-vous, enfin ?
Sneiba
Source : lecalame.info le 15/03/2012
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