Ils étaient deux aveugles debout dimanche soir au Carrefour Madrid à la recherche d’un taxi pour les déposer au PK 10 de Ryadh. On les reconnaissait avec leurs allures et leur démarche. Serré l’un contre l’autre, ils tendaient la main en direction du goudron, chaque fois qu’ils entendaient une voiture s’approcher d’eux. Pendant près de deux heures d’horloge, ils resteront sur place sans que jamais un automobiliste ne daigne les embarquer avec lui.
De temps à autre, des passants pressés les bousculaient, menaçant de les faire tomber sur la chaussée ; ils se soutenaient mutuellement pour maintenir l’équilibre. Ils ne protestaient pas, convaincus peut-être d’avance de l’indifférence des autres. Leurs signes répétés n’aura jamais attiré l’attention des agents de sécurité placés pourtant aux quatre coins des lieux…
La scène est habituelle. Les aveugles comme les handicapés en général, sont seuls. Ils évoluent dans un monde qui n’est pas fait pour eux ; un monde qui n’est pas « taillé à leur mesure ». Traverser la chaussée pour un handicapé, aller traiter un problème dans un service relève de l’impossible. Aucun aménagement n’est fait pour leur faciliter la vie. Exclusion que les concernés vivent tous les jours à causes des multiples écueils dressés sur leur route par une société qui préfère fonctionner sans eux : ici se sont des escaliers qu’il faut emprunter pour espérer régler un problème ; là il faut retrouver son chemin, retrouver un papier dans une pile de documents…Aucune loi n’oblige les services à se restructurer afin de leur permettre de s’insérer dans la vie active.
A cette exclusion vient s’ajouter une stigmatisation pernicieuse qui prend toutes les formes sauf celle de la franchise. Elle s’exprime généralement sous deux formes : la pitié ou l’aversion. La première perpétue cette dépendance handicapante consistant non à aider mais à faire tout à la place de l’handicapé ; parce qu’on estime qu’il ne peut rien faire par lui-même. La seconde consiste à le considérer comme porteur d’une « malédiction ». Or l’handicapé est victime du regard de l’autre, de ses agissements, de ses décisions. En réalité si l’handicapé ne peut agir seul, c’est parce qu’on ne lui.
Amar FALL
Source : L'Authentic.info
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