Kass Kronik : Lettre à un chien

Certains se sont indignés face à l’image d’un chien émacié de la brigade canine de la gendarmerie nationale. Alors il est important d’adresser cette lettre à ce chien qui vient de l’étranger pour lui faire comprendre certaines réalités du pays.

 

Cher chien, il est vrai que tu aurais pu apparaitre sous ton meilleur jour. Mais sache que si on déshabillait les humains eux-mêmes on aurait pu aussi compter les os de beaucoup d'entre eux.

Mais franchement tu croyais quoi en venant ici ? Qu'on allait te gaver de nourriture ? Le gavage des personnes lui-même n'existe plus car les canons de la beauté ont changé et la situation économique aussi. Alors tu ne peux espérer que les restes d'un tajine et un os de temps à autre. Mais ne rêve pas trop. Car on est expert en traitement des os : on enlève la moelle, le cartilage, on les astique, les blanchit, à tel point que tu as beau être renifleur mais tu ne pourras pas sentir une trace de viande après ce travail de pro effectué par nos canines, molaires et incisives.

Franchement tu croyais quoi en venant ici ? Que tu allais avoir un médecin personnel ? Laisse-moi rire. Chez nous, même les humains n'ont pas ce privilège. Et c’est rarissime que les animaux soient consultés par un vétérinaire sauf en cas d'épidémie. Et lorsque l'un d’eux tombe malade, au lieu de dépenser des sous pour le guérir, on s'empresse de le sacrifier et de le méchouiller.

Tu te demandes si on n'a pas peur des microbes ? Tu parles ! Ça se voit qu'on ne t’a pas fait visiter les marchés sinon tu aurais vu les mouches, moustiques et d'autres insectes danser le jaguar, le yéla et le mbalax sur les étals des bouchers. Et pourtant on est immunisé parce que ce n'est pas comme ton chez toi en Europe. Ici pour faire la popote il n'y a pas saignant, cuit à point ou bien cuit, on n’a qu’une seule option : trop cuit. La viande voyage et se retourne dans la marmite à des degrés tels que les microbes déclarent forfait et même les vitamines sont neutralisées.

Ah bon t'es allemand ? Fallait le dire et on t'aurait entretenu à coup de kebabs avec de la sauce harissa, mayo ou samouraï avec de la salade, tomates et oignons. Et là tu aurais reniflé le tichtar, le lacciri, le ngommou ainsi que le fond de teint des passagers à l'aéroport.

Tiens bon car si tu étais avant un privilégié, là tu vas expérimenter ce qu’on appelle une vie de chien.

Ibrahima Athie{jcomments on}

(Chronique de l'émission " le débrieff de l'actu" du dimanche 05/01/2014. Le "débrieff de l'actu", tous les dimanche dès 22H00 heure de Paris, 21 H00 GMT sur www.kassataya.com)

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