SOMMET FRANCO-AFRICAIN : L’Afrique doit grandir

A l’heure où s’ouvre le sommet franco-africain initié par l’Elysée, autour de la thématique « la paix et la sécurité en Afrique », on ne peut , en aucun cas, éviter de s’interroger sur les raisons du refus d’une certaine Afrique de grandir.

 

Mais avant tout, reconnaissons qu’il s’agit pour la France d’une belle revanche diplomatique, surtout que l’actuelle équipe dirigeante socialiste peine à signer l’acte de décès définitif de la Françafrique. La France revient de loin. Au cours de cette décennie, avec la mondialisation libérale, elle a été fortement bousculée, en termes stratégiques et économiques, par l’extraordinaire entreprise de séduction des deux géants asiatiques que sont la Chine et l’Inde, sur le continent africain. Sur le plan économique, il suffit de voir l’invasion des marchés africains par les produits « made in china » pour saisir la montée en puissance de la Chine continentale en Afrique. Faut-il voir dans la tenue de ce sommet, « une nouvelle volonté impérialiste et néocolonialiste » de la France ? Rien n’est moins sûr.

Face aux trois enjeux majeurs du XXIe siècle que sont « la crise énergétique, la défense stratégique et la mondialisation », on peine à déchiffrer une stratégie adaptée et cohérente de l’Afrique.

Au Mali et en Centrafrique, au-delà de la défense et de la préservation de ses intérêts économiques et commerciaux, les interventions militaires françaises ont bénéficié d’un « cadrage juridique onusien ». Hollande dont l’impopularité reste intacte de sondages en sondages, sait très bien que le peuple français n’est nullement acquis, désormais, à l’idée d’expéditions militaires à visée impérialiste sur le sol africain. A cela, il convient de rappeler ici, que la France n’a plus les moyens économiques et matériels d’une grande puissance. Elle ne dispose plus, avec la construction européenne, d’une trop grande liberté d’action en matière militaire et budgétaire. Cela dit, l’Elysée est très conscient qu’il existe, à l’heure actuelle, une profonde aspiration des peuples africains à la « paix », à la « sécurité » et surtout à la « démocratie ». Et sur ce plan, la France a raison de ne pas étouffer ce qui a toujours et fonde encore son identité historique : « le sens des valeurs universelles ». D’ailleurs, pourquoi la France ne chercherait-elle pas à rétablir son rang sur la scène internationale, et élargir le cercle de ses « amis » ? Et, de nombreux Africains se passionnent pour les affaires politiques françaises plus que celles de leur propre pays.

Face aux trois enjeux majeurs du XXIe siècle que sont « la crise énergétique, la défense stratégique et la mondialisation », on peine à déchiffrer une stratégie adaptée et cohérente de l’Afrique. A tel point que les dirigeants africains ont fini eux-mêmes par se perdre dans le verbalisme.

Dans les années 60, avec une vision quasi-prophétique, Kwamé Nkrumah lançait à la face du monde, son fameux et célèbre impératif catégorique : « l’Afrique doit s’unir ». Dans sa vision, à l’époque, la logique historique elle-même appelait une construction politique unitaire, solide, du continent africain, en vue de relever les défis d’ordre stratégique, politique, économique et culturel. Ainsi, une intégration politique réelle permettrait aux Etats post-coloniaux africains de garantir à leurs citoyens un minimum de « paix » et de « sécurité ». Nkrumah n’a été ni entendu, ni suivi. De la naissance de l’ « OUA » en 1963 jusqu’à sa transformation actuelle en « Union africaine », aucun Etat du continent n’a voulu et ne veut opérer réellement des « transferts de souveraineté ». En 2013, nous nous retrouvons avec une Afrique qui a pris l’habitude d’étaler son impuissance et sa faiblesse aux yeux du monde entier. Face aux nouvelles formes de guerre issues de la fin de l’affrontement Est/Ouest, face au terrorisme djihadiste conquérant, l’Afrique se trouve refoulée sur la défensive.

Face au double péril du terrorisme et du fanatisme sur notre continent, seule « une réelle solidarité » entre Etats membres de l’UA permettra de les combattre et de les vaincre, avec détermination et efficacité

Et, c’est dans une indifférence quasi-stoïque des Etats de la sous-région ouest-africaine que le Tchad a mis courageusement en branle ses soldats et ses moyens financiers pour voler au secours d’un Mali sécuritairement naufragé. Avant, pendant et après l’opération Serval, une certaine Afrique politique, au lieu d’agir, n’a fait que se déchirer autour de mots creux.

Evidemment, les questions, de « paix » et de « sécurité » passionnent les Africains. Ils considèrent, à juste titre, qu’en plus de la « démocratie », ce sont les mots clefs du redressement africain, de la « renaissance africaine ». Or, sur le continent, l’insécurité, l’instabilité, les guerres civiles sont essentiellement d’ordre politique. Et il faut cesser d’imputer à la France seule ces tragédies dont souffre l’Afrique. En vérité, si les dirigeants africains donnent au monde l’image d’ « éternels enfants » cherchant par tous les moyens « un père protecteur » lui-même éternel, c’est parce qu’ils refusent d’établir un lien intrinsèque entre leur gouvernance antidémocratique et les enjeux de paix et de sécurité sur le continent. Bref, ils préfèrent brouiller les cartes. Mais jusqu’où ?

Le meilleur moyen de gagner la paix et de lutter efficacement contre les terroristes, c’est le choix d’institutions républicaines et démocratiques fortes. En Afrique, l’inefficacité des armées mal équipées, isolées de leurs peuples, souvent oisives, s’explique par le fait qu’elles dépendent trop souvent d’un seul individu et de son prestige personnel . D’où l’attirance de certains aventuriers tels que Sanogo pour le coup d’Etat.

Pour grandir, l’Afrique doit choisir clairement « la voie de la démocratie ». L’Histoire des nations montre que le choix de « démocraties superficielles, formalistes », conduit toujours à la catastrophe sociale. Et, ici, c’est la faillite politique de nos Etats qui facilite largement la tâche aux groupuscules terroristes. Comme l’a si souvent dit et répété le grand écrivain malien, Moussa Konaté et qui vient de rejoindre le ciel des ancêtres, « l’Afrique doit donc se réclamer des vertus de l’Etat moderne qui garantit les libertés, répartit équitablement les richesses, protège le faible et ne démissionne pas devant l’arrogance des puissants et des riches ». Face au double péril du terrorisme et du fanatisme sur notre continent, seule « une réelle solidarité » entre Etats membres de l’UA permettra de les combattre et de les vaincre, avec détermination et efficacité. A défaut, l’Afrique continuera d’être l’objet de toutes les pseudo- prophéties pessimistes et fantaisistes. Nulle part, son avenir n’est écrit d’avance. Mais avant tout, elle doit grandir.

   

« Le Pays »

 

(Dessin de Glez publié le 19 octobre 2013)

 

Source : Le Pays (Burkina Faso)

 

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