Des questions sont posées aujourd’hui sur la volte-face des djihadistes d’Ançar Eddine pourtant signataires à Alger d’un accord privilégiant la solution politique à la guerre.
Experts et observateurs avertis analysent le caractère «nébuleux» de ce groupe islamiste ainsi que le rôle de Bamako qui, par calcul, a précipité l’intervention militaire au Mali.
Difficile de démêler l’écheveau de la guerre qui se déroule au Mali. La position de l’Algérie, qui a pris option pour la négociation en engageant des pourparlers avec le groupe djihadiste Ançar Eddine, l’est encore plus. Cinq jours après la contre-offensive franco-malienne qui vise, dans un premier temps, à stopper les groupes islamistes armés en route vers Bamako après avoir occupé presque tout le nord du Mali, beaucoup de questions se posent aujourd’hui sur la volte-face des djihadistes d’Ançar Eddine reçus à Ouagadougou, la capitale burkinaise, et à Alger où ils ont même été signataires d’un accord privilégiant la solution politique à la guerre.
L’opinion publique a même fini par y croire. Mais voilà qu’elle est surprise par la tournure brutale des événements. Le groupe djihadiste en question a bien pris part à l’offensive contre Bamako. Pourquoi ? Pas évident de trouver la bonne réponse.
Un spécialiste des questions du Sahel exprimait, hier, la difficulté de donner une explication aux événements en cours en disant à juste titre que dans la guerre, la première victime, c’est la vérité. Pourquoi Alger s’est accroché à la solution politique qu’il prône toujours d’ailleurs ? Aucune réponse. Mais l’on suppose qu’il redoutait les conséquences incalculables d’une guerre dont la durée et les incidences sont imprévisibles. A-t-on été dupes pour engager la négociation avec un groupe djihadiste, en prenant le risque de faire essuyer un échec à une diplomatie chancelante ?
C’est à partir de Paris d’ailleurs, par le biais du ministre français des Affaires étrangères, que les Algériens ont appris que les avions de guerre français étaient autorisés à survoler le territoire national. En l’absence de données concrètes, notre expert, qui a requis l’anonymat, impute la surprenante défection d’Ançar Eddine à «l’ambivalence dans l’attitude de l’organisation elle-même». C’est une nébuleuse, explique-t-il, qui n’a pas de leadership. Selon lui, elle a distillé deux discours. Cet expert reconnaît ne pas avoir suffisamment d’éléments pour donner une lecture correcte du développement de la position du groupe djihadiste.
Un autre spécialiste des groupes terroristes, rompu aux expériences du terrain, affirme lui aussi que ces organisations ne sont pas aussi homogènes qu’elles le laissent paraître. «Il y aurait des forces extérieures qui les manipulent», dit-il. A la question de savoir si l’Algérie a été flouée par Ançar Eddine, notre interlocuteur répond qu’«Alger a été forcé à rechercher la solution politique sachant les conséquences désastreuses d’une guerre dans cette région du Sahel». Ce spécialiste reconnaît, lui aussi, qu’il a pu y avoir une ambivalence au sein de ce groupe. Mais ce n’est pas la seule explication qu’il suggère. Selon lui, «Ançar Eddine a compris qu’il y a des réticences de la part du pouvoir central malien, un refus du gouvernement provisoire de Bamako qui n’avait pas pris au sérieux l’option de la solution politique». Le revirement brutal de la position de cette organisation, précise-t-il encore, est «le fait d’autres forces qui ne voulaient pas d’une issue à la crise par le dialogue». Notre interlocuteur ajoute que le Premier ministre malien est venu à Alger pour expliquer cette situation. «Je suis certain que ce conflit ne peut être réglé sans une certaine acceptation de la part des populations du nord du Mali», indique, par ailleurs, l’expert du Sahel et des groupes terroristes.
L’Algérie ne pouvait pas ne pas savoir que le refus du pouvoir central malien d’engager un dialogue avec Ançar Eddine constitue un sérieux obstacle pour la solution politique qu’elle n’a cessé de prôner. Elle en avait fait même la promotion auprès des Français et des Américains qui, visiblement, ont laissé penser qu’ils étaient aussi convaincus qu’une telle option avait des chances d’aboutir.
Il aurait été génial, en termes de stratégie de guerre, si l’idée algérienne de soustraire Ançar Eddine, dont les effectifs sont essentiellement issus des tribus touareg, au conglomérat des organisations terroristes activant sous le sceau d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI). Cela n’a pas été le cas. Une donne qui complique encore plus la compréhension de la situation. Et l’on comprend aujourd’hui qu’il y a certainement des zones d’ombre dans la position algérienne, pour des considérations qu’on ne dit pas aux Algériens.
La seule raison apparente est que notre pays s’est accroché et s’accroche toujours à sa sacro-sainte doctrine qu’aucun soldat ne peut intervenir en dehors de nos frontières.
Said Rabia
Source : El Watan le 16/01/2013{jcomments on}
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